Breck Epic cinquième étape : Wheeler
L’étape reine est peut être derrière nous, mais ne nous attendons pas pour autant à une balade de santé avec cette avant dernière étape. Au menu du jour, « seulement » 39km pour 1600m de dénivelé positif avec deux passages à plus de 3800m. Nous aurons la chance d’emprunter une des descentes les plus corsées du Colorado avec 1000 mètres de dénivelé négatif sur un terrain particulièrement cassant : cette étape s’annonce aussi belle que brutale !
Par Thibaut Level – Photos : Breck Epic/Devon Balet Media
Nous voici au cinquième jour de course, et bien que la bonne humeur soit toujours présente, le visage des concurrents en dit long sur l’état de fatigue qui commence à s’installer. L’étape annoncée n’y est pas pour rien, on sait pertinemment que la journée va être difficile. De mon côté, j’ai l’impression d’aller beaucoup mieux que la veille et ça tombe bien vu ce qui nous attend.
Contrairement aux jours précédents, le départ est donné juste derrière l’hôtel Beaver Run Resort, lieu de rendez-vous quotidien pour les briefings. Le départ n’est plus donné en mass start, mais par vagues d’une dizaine de coureurs en fonction des temps de la veille. La raison est simple : nous attaquons dès les premiers mètres par un singletrack ascendant qui ne permettra pas de doubler, ou très peu.
Après avoir été malade sur le vélo la veille, mon résultat me fait partir assez loin en 13ème vague. Tant pis, ce sera l’occasion de remonter quelques places aujourd’hui. Le départ est donné devant un public plus nombreux que d’habitude, de quoi nous motiver encore un peu plus. Très vite je prends les devants de mon groupe, pour rapidement revenir sur la vague précédente partie 1 minute avant nous. Le sentier grimpant que nous empruntons est magnifique ! Globalement assez lisse, plus nous nous enfonçons dans la forêt plus les racines et rochers se densifient. Le rendement est globalement bon et surtout, les jambes répondent aujourd’hui.
Après environ 7km de montée, et quelques 500m de D+ avalés, la pente devient de plus en plus raide pour finir par un portage relativement long nous amenant une première fois à 3800m d’altitude. On se sent ici sur le toit du Colorado : la vue est magique, et ce moment de contemplation méritait largement les efforts consentis pour en arriver jusque-là. Pas le temps de s’endormir sur le vélo, il faut maintenant s’attaquer à un sentier alpin sur environ trois kilomètres très typé « Transvésubienne » pour les connaisseurs, avant de basculer sur une première petite descente de deux kilomètres bien cassante dans laquelle je me régale ! A peine le temps de s’amuser et de doubler quelques concurrents peu à l’aise dans la caillasse, il faut déjà remonter jusqu’à 3850 mètres d’altitude, le point culminant de cette Breck Epic 2019. Arrivé au sommet, l’ambiance est folle : de la musique, des spectateurs déguisés qui proposent whisky, bière, donuts, bacon grillé sur place, et j’en passe. Un concurrent en a même profité pour faire sa demande en mariage ! Je profite d’un petit répit pour regarder mon GPS et constater les chiffres qui en disent long : 2h15 de course, 18 kilomètres et 1200m de D+.
Il faut maintenant se remobiliser pour attaquer la fameuse descente « Jelly Arms », un morceau de bravoure comme l’ont précisé certains concurrents habitués de l’épreuve. La première partie est très exposée, sur un single alpin que ne laisse que peu le droit à l’erreur. La concentration est maximale pour éviter de ne pas se faire sortir de la trajectoire. On se retrouve à enchainer des pierriers assez délicats à négocier, parfois placés sur des petites remontées qui cassent bien les jambes. Ouf, tout passe sur le vélo à condition d’être généreux dans l’effort, surtout à cette altitude. Peu à peu, le sentier alpin exposé laisse place à un singletrack en forêt particulièrement défoncé, s’accrocher au guidon devient alors un vrai supplice avec le peu de force qu’il nous reste dans les bras, surtout après une si longue descente. Peu importe, cela n’empêche pas de prendre encore une fois un immense plaisir ! Le sentier finit par s’élargir au fil des kilomètres et devient de plus en plus lisse : on termine ainsi cette splendide descente sur une piste qui nous permet de récupérer un peu.
Nous voilà au ravitaillement placé au kilomètre 28, un bref arrêt suffit avant d’en terminer avec les 10 derniers kilomètres. Sur le papier, cette dernière portion parait assez plate, en réalité il n’en est rien. Nous revoilà à l’assaut d’un enchainement incessant de singles tantôt montants tantôt descendants, très ludiques et parfois techniques. De quoi jeter nos dernières forces dans la bataille !
Dans une descente, je sens une étrange sensation, comme si mon VTT était moins rigide sans pouvoir l’expliquer. Un bref arrêt suffit pour me rendre compte que j’ai cassé mon axe de biellette d’amortisseur. On m’avait prévenu que cette étape mettrait à mal les organismes, mais également les VTT, et je ne peux que confirmer. Heureusement, je peux tout de même rallier l’arriver en ne prenant aucun risque. Quelle étape d’anthologie, ma préférée sur cette Breck Epic ! Je n’ai jamais terminé une étape de 40km aussi exténué. J’en ai profité reprendre environ 70 places au scratch par rapport à la veille.
Chez les élites hommes, Keegan Swenson remporte une fois de plus l’étape pour conforter sa première place au général. Luis Meija vient prendre la seconde place devant Dory Nash. L’américain Russel Finsterwald échoue au pied du podium mais conserve sa deuxième place au classement général.
Du côté des femmes, le team Cliff est toujours en tête de la course avec Katerina Nash et Hannah Finchamp aux deux premières places du jour, et au général. La Française Laetitia Roux particulièrement à l’aise sur cette étape typée montagneuse vient se hisser sur la troisième marche du podium.
L’après-midi sera dédiée à la récupération, mais aussi à réparation du vélo (je me suis également aperçu que ma pédale gauche n’a pas résisté non plus à cette étape). La dernière étape « The Gold Dust » s’annonce un peu plus roulante avec 48 kilomètres pour 1000 mètre de dénivelé positif.
Breck Epic sixième et dernière étape : The Gold Dust
Dernier jour de course sur cette Breck Epic 2019. The Gold Dust semble être une étape facile : davantage de pistes, environ 50 kilomètres pour environ 1000m de dénivelé positif. Mais après 5 jours de course, peut-on vraiment parler d’étape facile ?
Comme la veille, c’est à nouveau par vague de 10 coureurs que nous prenons le départ. Cette fois, je me retrouve dans les premières vagues grâce à une journée qui me correspondait assez bien la veille. J’ai la chance de repartir avec un VTT réparé, grâce au team Cliff qui a démonté l’axe de cadre d’un de ses VTT pour me dépanner, un très beau geste qui est à l’image de l’état d’esprit d’entraide sur cette course.
Le départ est donné, et je vois très vite la différence de niveau par rapport à ma vague de la veille. Je suis tout de suite dans le dur, au rupteur pour suivre mon groupe. Je m’accroche tant bien que mal sur les 6 premiers kilomètres de montée exclusivement en singletrack. Même en montée, et à la limite d’exploser, on prend un plaisir fou ! Ensuite, le single laisse place à une fin de montée sur piste. Il faut avouer que les pistes ne sont pas ma tasse de thé, et cette fois je dois bel et bien laisser filer mon groupe. Tant pis, je gère l’effort et tente de me refaire une santé. Nous avons déjà 17 km au compteur, je laisse de côté le premier ravitaillement pour me lancer dans la première descente assez ludique, parfois cassante mais jamais très technique. Je double alors un coureur qui n’arrive pas à regonfler son pneu suite à une crevaison, je m’arrête alors pour lui donner un coup de main avec une cartouche de CO2. Nous repartons ensemble avant d’assister à la lourde chute d’un coureur qui reste sonné au sol. Nous restons alors avec lui pour nous assurer qu’il va bien avant de repartir tambours battants. On enchaine alors quelques portions de plat, et quelques descentes essentiellement sur piste, de quoi enchainer les kilomètres même si ça manque de fun.
Nous voici en bas de la dernière montée de cette Breck Epic, longue de 11km en direction du premier ravitaillement. Ici, les pourcentages sont assez faibles et nous évoluons sur une piste large. C’est ici que les choses se sont vraiment compliquées pour moi, avec une casse moteur. Tout simplement à bout de force, je n’ai pas pu embrayer et emmener suffisamment de braquet. C’est dans la difficulté que je viendrai à bout de cette ultime montée tout en concédant pas mal de places, avant de basculer sur une dernière descente qui n’est autre que le premier single que nous avons grimpé au début de l’étape.
Nous y voilà, la dernière ligne d’arrivée est franchie ! Aussitôt un mélange de soulagement et de satisfaction personnelle me gagne, cette magnifique aventure est déjà terminée. Nous prenons le temps de savourer ce moment et d’échanger nos exploits entre concurrents avec un excellent ravitaillement post course. Je maintiendrai finalement ma douzième place au classement général M30, malgré une quatorzième place aujourd’hui.
Pas de changement sur les podiums élites à l’issue de cette étape : Keegan Swenson du team Stans-Pivot-Maxxis remporte cette édition 2019 devant Russel Finsterwald du team Cliff Pro Team. Dory Nash du team CZracing vient compléter le podium à la troisième place. Chez les femmes, c’est Katerina Nash qui remporte l’épreuve au classement général, en finissant 3ème de cette étape. Hannah Finchamp conserve sa seconde place au général en remportant la 6ème étape, devant Evelyn Dong deuxième aujourd’hui et troisième au classement général.
Pas question de se quitter aussi rapidement, une si belle aventure mérite une vraie soirée de clôture ! Mike nous donne donc rendez-vous en fin de journée au Beaver Run Resort pour que tous les coureurs puissent se joindre au staff. Bien sûr, les familles qui ont eu le mérite d’accompagner leurs coureurs durant ces 6 jours peuvent se joindre à la fête. Après un repas assez copieux sous forme de buffet chaud / froid à volonté et quelques bières afin de se recharger en sels minéraux, l’organisateur de la course Mike McCormack nous a proposé de revisionner tous ensemble les vidéos des six étapes dont le montage est déjà terminé. La salle s’y prête très bien, et nous plongeons dans une ambiance de cinéma devant des images à couper le souffle. L’émotion nous gagne et je ressens déjà un brin de nostalgie en prenant conscience de l’aventure que je viens de vivre. Car oui, cette Breck Epic va au-delà du statut de course de VTT par étape, en proposant une aventure humaine et sportive que vous ne serez pas prêt d’oublier !
S’en suivent différentes cérémonies de podiums et discours, puis au moment de quitter la salle, surprise ! Mike nous propose une septième étape, qui laissera la part belle aux purs descendeurs. Non pas en VTT cette fois : vous l’aurez bien compris nous avons donc RDV pour cette ultime étape au Rocky Mountain Underground. Il s’agit d’un concept qui propose un bar, une salle de concert en plein air, un atelier de réparation de VTT et un shop d’accessoires de montagne. Je confirmerai lors de cette ultime étape être plus à l’aise en descente qu’en montée.
Boucler cette épreuve sans explorer davantage la ville de Breckenridge serait bien dommage ! Autant en profiter pour s’accorder un peu de repos bien mérité. Cette ville des années 1800, époque de la recherche d’or a su conserver ce cachet « old school » tout en modernisant les infrastructures. On se retrouve dans une ville en dehors du temps, perchée à 3000m d’altitude entourée par les chaines montagneuses. Ici, les amoureux de la montagne y trouveront leur compte avec les nombreuses activités sportives proposées. Pour les autres, ce ne sont pas moins de 200 boutiques, restaurants et bars au caractère bien trempé qui vous accueilleront (retrouvez différentes informations sur la page Instagram, ou Facebook). Il serait par exemple dommage de partir sans déguster un whisky dans la plus haute distillerie au monde, ou encore redécouvrir l’ambiance des westerns dans les différents saloons de la ville. Tous les ans, la Breck Epic tombe en même temps que le « Breckenridge International Festival of Arts », qui propose pendant 10 jours de nombreux spectacles s’inspirant du thème de la montagne et de l’environnement (plus d’informations ici).
Il est maintenant temps de faire le bilan de cette Breck Epic 2019 qui nous a réellement conquis. L’organisation est parfaitement maitrisée, sans aucune fausse note à déplorer. Le parcours proposé, bien que quasiment similaire d’une année sur l’autre est simplement somptueux avec une densité de singletracks impressionnante, de la haute montagne, des passages techniques (mais pas trop, tout reste accessible), des paysages à couper le souffle, des descentes vertigineuses, de la caillasse, des racines, un résumé de ce qu’on aime en VTT ! Côté ravitaillements c’est encore une fois très adapté à la course avec de nombreuses barres et gels énergétique. Malheureusement les amateurs de salé resteront sur leur faim. Que rajouter ? L’ambiance est très fun, les concurrents très fairplay, et la ville de Breckenridge propose de nombreuses activités afin pouvoir vivre cette aventure en famille. Attention toutefois, le parcours proposé sur six jours est très exigeant physiquement surtout à une telle altitude. Prévoyez une préparation physique en conséquence, et un VTT en parfait état (tout suspendu de préférence).
Informations :
– Epreuve : https://breckepic.com
– Breckenridge : www.gobreck.com
Voir aussi :
– Breck Epic, étape 4
– Breck Epic, étape 3 + VIDEO
– Breck Epic, étape 2 + VIDEO
– Breck Epic 2019, c’est parti ! Etape 1 + VIDEO
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