Le gain de poids sur un vélo route

Le poids est souvent le premier critère pris en compte quand on évoque le niveau de gamme d’un vélo. Et gagner du poids peut aussi être l’objectif de ceux qui veulent upgrader leur machine. Que peut-on attendre d’un gain de poids sur un vélo de route, et surtout quels éléments privilégier pour le faire en toute sécurité ?

Un vélo route à peu près récent pèse entre 10 kg pour les modèles de premier prix et 5 kg voire un petit peu moins pour des modèles extrêmes où le moindre gramme est chassé, et qui ne sont d’ailleurs pas toujours adaptés à une utilisation en conditions réelles. Entre les deux, la plupart des vélos de haut de gamme s’affichent autour de 6,5/7 kg, les vélos de milieu de gamme sont plutôt autour de 8 kg et les vélos d’entrée de gamme au-delà de 8,5/9 kg. Il est intéressant de constater qu’il y a 30 ans un vélo de bon niveau faisait 10 kg, et que descendre autour de 8 kg il y a encore 25 ans relevait de l’exploit et d’une certaine prise de risque sur la fiabilité.

L’utilisation de matériaux tels que l’aluminium et le carbone a permis d’alléger les vélos tout en optimisant la rigidité et la fiabilité. Mais pour éviter les dérives, l’UCI a depuis 2000 limité le poids minimal à 6,8 kg en compétition.

Attention quand on parle de limite de poids : il s’agit de vélos complets et prêts à rouler, c’est-à-dire avec pédales (200 à 250 g), porte-bidons (40 à 100 g) et compteur (50 à 100 g), voire un capteur de puissance (20 à 150 g). Lorsqu’une marque communique sur le poids léger d’un vélo, elle ne tient pas compte de ces éléments qui peuvent alourdir la machine de 400 à 600 g. Le nombre de vélos réellement en dessous de cette limite UCI est au final bien plus restreint qu’il n’y parait, même en très haut de gamme.

Un intérêt à relativiser

Le poids est l’ennemi du cycliste qui doit affronter la gravité, c’est une évidence. À puissance égale, moins on a de poids à porter, plus on s’élève rapidement face à la pente, ou avec une moindre fatigue. Il faut toutefois prendre en compte l’ensemble du poids à élever, et pas seulement celui du vélo. Cela inclut le cycliste lui-même, ainsi que son équipement. Si on prend l’exemple d’un cycliste de 70 kg, avec un vélo de 8 kg et un équipement de 1,5 kg (chaussures, casque, vêtements, lunettes), un gain de poids de 1 kg sur le vélo ne lui fait économiser que 1,26 % de son poids total. Pour un cycliste plus léger de 55 kg, toujours avec un vélo de 8 kg et un équipement de 1,5 kg, un gain de poids de 1 kg lui permet d’économiser 1,55 % de son poids total. Dans cette configuration, le cycliste léger est favorisé par le gain d’un kilo sur le vélo, mais par contre il est défavorisé par la limite UCI à 6,8 kg, qui représente 10,74 % de son poids total, quand ces mêmes 6,8 kg ne représentent que 8,68 % du poids total d’un cycliste de 70 kg avec son équipement.

Inutile de préciser que ces valeurs sont encore plus ridicules si on se balade en permanence avec deux grands bidons pleins (+/- 900 g pour chacun), un multi-outil, une pompe et deux chambres à air, un téléphone et de quoi se ravitailler pendant 250 km.

En termes de production d’énergie, un gain de 1 kg sur le matériel pour le cycliste de 70 kg dans une pente de 8 % à 15 km/h lui permet d’économiser approximativement 4,5 watts. Et lorsqu’on s’intéresse au temps gagné, on arrive à un gain de 20 secondes pour 30 minutes de montée. C’est à la fois peu pour de l’entrainement ou de la randonnée, ou si l’on considère que ce même kilo peut avant tout être gagné sur le cycliste (avec en plus une amélioration de la condition physique), et beaucoup en compétition quand on sait que ces 20 secondes peuvent manquer en haut d’un col pour accrocher un bon groupe.

Si la pente diminue, le gain de temps s’estompe car plus la vitesse augmente, plus la résistance de l’air devient prépondérante. Et il y a beaucoup plus à gagner avec un vélo aérodynamique qu’avec un vélo léger aux vitesses auxquelles nous roulons habituellement. Un cadre de route aérodynamique permet d’économiser approximativement 25 watts à 45 km/h par rapport à un cadre avec des tubes ronds. Avec des roues aérodynamiques, on est autour de 10 watts, ce qui est au final bien plus intéressant que les 4 ou 5 watts gagnés avec un vélo d’un kilo de moins dans une pente à une vitesse de 15 km/h. Si 45 km/h semble une vitesse très élevée (c’est la norme de référence pour les tests aérodynamiques dans l’industrie du vélo), nous passons généralement beaucoup de temps sur un vélo autour de 30 km/h, avec un gain en puissance moins important mais sur une plus longue durée. Bref, dans l’absolu et à la condition qu’on roule au train, mieux vaut toujours un vélo aéro qu’un vélo léger.

Influence sur les sensations

Sur la route, la vitesse est rarement linéaire. Il faut souvent freiner, relancer, adapter son allure et dans ce cas lutter contre l’inertie du vélo. Un vélo plus léger se montre plus nerveux, plus vif, et permet d’accélérer ou de revenir à la vitesse initiale plus rapidement ou avec moins de fatigue. Les masses en rotation – surtout les roues – sont dans ces conditions prépondérantes pour la rapidité de mise en action, et même lorsque la route s’élève. Si les moyeux, cassette et rayons ont peu d’influence, il n’en est pas de même pour les jantes, pneus et chambres à air, dont le poids total joue sur l’inertie du vélo. Pour prendre un exemple typique, entre un montage avec des jantes d’entrée de gamme de 550 g, des chambres à air de 110 g et des pneus de 300 g (soit un total de 1920 g pour les deux roues) et un montage avec des jantes de 400 g, des chambres à air de 70 g et des pneus de 200 g (soit un total de 1340 g pour les deux roues), le gain s’élève à 580 g en statique. Mais en réalité, le gain sur l’inertie totale du vélo est équivalent à deux fois le même poids gagné sur le cadre ou les accessoires. Soit l’équivalent de 1160 g s’il avait fallu changer des pièces comme le cintre, la potence, la selle, le pédalier, etc. Alléger les roues change donc radicalement la perception que l’on a du même vélo.

Les limites de l’allègement

L’utilisation en masse du carbone pour les cadres, fourches, roues a permis de gagner beaucoup de poids en deux ou trois décennies, tout en gagnant de la rigidité, ce qui ne limite plus l’utilisation d’un vélo léger à un utilisateur lui aussi léger. Aujourd’hui, n’importe quel gabarit peut rouler avec un vélo de 6,8 kg. Ce compromis semble cohérent au niveau de la fiabilité et des contraintes auxquelles est exposé un vélo. Par exemple, il doit subir la puissance du cycliste (qui peut aller jusqu’à presque 2000 watts sur un sprint pour les plus costauds), ou encore affronter des descentes de cols à plus de 80 km/h, sur un revêtement pas toujours parfait. Sans parler des freinages appuyés et répétés, des changements de braquets à la volée et parfois avec une chaîne en pleine traction, les variations incessantes de position en danseuse ou assis sur la selle… Le gain de poids ne doit jamais se faire au détriment de la rigidité de la structure, ou du manque d’efficacité des composants liés à la sécurité.

Pour une utilisation sérieuse et régulière, le gain de poids ne doit pas également s’effectuer au détriment du confort, auquel cas le gain espéré serait rapidement annihilé par une fatigue prématurée. Si des roues légères sont favorables dans certaines situations (voir plus haut), elles peuvent se révéler handicapantes sur le plat lorsque la vitesse de train est élevée, car dans cette configuration l’inertie permet de maintenir plus facilement l’allure. Enfin, gagner du poids coûte très cher et sur certains vélos une modification progressive pour un allègement de 1 à 1,5 kg peut rapidement doubler le prix initial. Bref, s’il apporte du plaisir et des sensations, le gain de poids n’est pas toujours essentiel à la performance. Dans ce domaine, la raison vaut parfois mieux que la passion.

Voir la suite : comment passer d’un vélo de 10 kg à un vélo de moins de 6 kg.

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5 commentaires sur “Le gain de poids sur un vélo route”

  1. On définissait les vélos aéro comme moyennement rigides du fait de la constitution des tubes profilés et peu « vivants » sauf menés par des cyclistes très puissants. En tout cas inadaptés à la montagne. Il me semble que les choses changent et que les tests récents de ce type de matériel modifient sensiblement la donne. Les cadres aero passent assez facilement désormais sous le kilo, et certains commentaires semblant dire qu’ils sont devenus bien plus réactifs. Peut-on alors imaginer qu’ils deviennent pertinents dans le vallonné où une part intéressante de routes permettent de rouler à bonne vitesse ? Ceci en imaginant alors de les doter de roues de 40 mm de haut par exemple. En somme, peut-on citer des modèles aéro qui seraient adaptés au vallonné et utiles dans ce type de routes, et convenables en cols « doux », constatant que le profilage des tubes apporte passablement d’économies de puissance très intéressants ?

    1. C’est effectivement la tendance, en haut de gamme au moins : des cadres polyvalents, aux formes aérodynamiques, mais suffisamment légers et rigides pour se comporter très honorablement en montagne. Exemple avec le Dogma F10, utilisé par l’équipe Sky quel que soit le parcours.

      1. Merci pour cet zrtivle tres bien rédigé. Pourquoi ne voit on pas plus de cadre aero sur le tour de france ? Les freins a disques ne favorisent donc pas l’aérodynamisme et diminue les performances ?

  2. mais finalement, pour les 95% de brèles comme moi, l’important, c’est quand même de fournir un effort physique …
    alors: au diable les vélos légers et hors de prix !

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