Le lac de Serre-Ponçon et ses trésors cachés

Vingt deuxième édition du Raid des Chemins du Soleil, que le temps passe vite ! L’épreuve ne cesse d’innover et de se renouveler et c’est cette année encore une édition inédite qui nous attendait du côté du lac de Serre-Ponçon dont deux des trois étapes sont tracées autour de ce géant des Hautes-Alpes. Récit de trois jours en immersion au cœur des singles haut-alpins.

Par Fred Ischard – Photos : Rémi Fabrègue / Agence KROS

Prologue, mise en bouche sous les étoiles

Tout commence le jeudi par l’incontournable briefing suivi par la traditionnelle étape nocturne qui se déroule autour d’Embrun qui accueille cette 22e édition. Il est 21h, c’est parti pour une courte boucle de 24 kilomètres et 1000 mètres de dénivelé en guise de  mise en jambes. Le départ est magnifique, une petite centaine de duos forment un ruban lumineux sur les berges du lac de Serre-Ponçon. Assez rapidement, les choses sérieuses vont commencer avec une longue ascension de 10kms pour atteindre 1700m d’altitude sur les contreforts du Mont-Guillaume qui surplombe l’Embrunais avant de basculer vers le lac par un mix de sentiers rapides et techniques. En tête de course, le duo Emeric Turcat/Alexandre Barberoux marque déjà son empreinte sur l’épreuve, eux qui cumulent ensemble sept victoires sur l’épreuve. Ils remportent ce prologue en bouclant les 24kms en 1h18 avec déjà une avance de 3’30 sur le duo Alexis Chenevier et Clément Desjardins et quasi 5 minutes sur Simon Buttner et Vincent Arnaud, des écarts déjà très conséquents même si les 3 jours qui suivent peuvent réserver leurs lots de surprises. Chez les dames, le duo Ilona Chavaillaz/Maya De Backer prend déjà la tête devant Marine Baguet/Géraldine Fournel et Marie-Lin Mar/Nathalie Pomeon.

Étape 1, Embrunais et vallée de la Durance

On débute cette journée par une nouveauté et pas des moindres car le départ ne s’effectue pas d’Embrun mais de la station de Risoul 1850, il faut donc que les coureurs puissent effectuer ce petit transfert matinal d’une quarantaine de kilomètres en véhicule pour rejoindre ce site de  départ inédit. L’organisation a donc pris soin de programmer un départ un peu plus tardif qu’à l’accoutumée et de proposer des navettes depuis le site d’arrivée à Embrun afin de récupérer les véhicules pour les participants sans assistance. Au programme, 68kms, 2600m de dénivelé mais surtout 3800m de dénivelé négatif, une première sur le raid VTT Chemins du Soleil ! Autant dire que cette première étape va permettre aux « descendeurs » de s’en donner à coeur joie. Il est 9h, c’est parti pour une assez courte montée de 250m de dénivelé pour se rendre sur le sommet de la station de Risoul à travers les pistes du domaine skiable. Ensuite, passage sur l’incroyable crête de Pénon à près de 2000m d’altitude puis place à la vertigineuse descente vers les sources chaudes du Plan de Fazy, un véritable morceau de bravoure avec pas moins de 1000m de dénivelé négatif à dévaler d’une traite quasi intégralement sur un single avec des successions d’enfilades et d’épingles à travers le bois de Barbeing, bref c’est sans nul doute l’une des descentes les plus sensationnelles du secteur qui donnera un véritable côté alpin encore jamais vraiment vécu sur les Chemins du Soleil. C’est dans cette descente que les vainqueurs du prologue la veille vont attaquer d’entrée en tirant profit de leur connaissance du terrain afin de se forger une avance déjà bien conséquente. Après une bonne vingtaine de kilomètres, il faut reprendre son souffle car deux belles ascensions sont au programme sur les balcons de la Durance. D’ailleurs tout juste après avoir traversé le principal cours d’eau des Hautes-Alpes que l’on escalade une longue et belle piste sous une magnifique forêt de mélèzes. Elle va déjà paraître bien longue cette montée qui cumule 600m de dénivelé en 9kms. Au sommet, on se retrouve dans un petit hameau avec de très atypiques maisons en pierres et quel soulagement lorsque nous apercevons le premier ravito du jour, de quoi refaire le plein d’eau et d’énergie avant de s’engouffrer dans un single étroit et technique en balcon très piégeux. On évolue toujours sous une forêt de mélézins en alternant tronçons de piste et sentiers pour rejoindre le second ravito situé à Châteauroux les Alpes, petit village situé en surplomb de la Durance. En tête de course, le duo Emeric Turcat/Alexandre Barberoux continue de faire fructifier son avance. Ce ravito, mieux vaut prendre le temps de s’y arrêter car la suite s’annonce difficile avec la longue piste de La Fermie et son kilomètre vertical à gravir, 12 kilomètres qui vont paraître interminables sous une chaleur bien présente ! Petit fait de course à l’avant, le duo de tête est victime d’une crevaison qui va leur faire perdre du temps mais pas leur sang froid. Les dernières pentes sont vraiment raides mais voici le sommet à 1800m d’altitude. Il ne reste plus qu’à profiter des derniers kilomètres mais surtout de la dernière descente très technique avec une multitude d’enchaînements d’épingles avec vue plongeante sur le lac de Serre-Ponçon, un final exceptionnel pour une étape qui l’était tout autant. Derniers mètres sur les rives du lac et voici la ligne d’arrivée ici à Embrun au terme de 67kms de bonheur. Malgré leur petite péripétie lors de la dernière ascension, c’est à nouveau le duo Turcat/Barberoux qui remporte l’étape en 3h59, les seuls à passer sous la barre des 4 heures de course. Le duo Alexis Chenevier/Clément Desjardins prend la 2e place à 7 minutes et c’est un duo local expérimenté avec Vincent Didier et Clément Chevallier qui complète le podium du jour deux  minutes plus tard. Chez les dames, victoire sans trop de surprises du team Chiffelle (Ilona Chavaillaz/Maya De Backer) tout comme le duo Rémi Chenu/Marion Bessonne en mixte.

Étape 2, Portes de l’Ubaye

Ce samedi, c’est une exploration des balcons sud du lac de Serre-Ponçon qui nous est proposé sur un tracé de 65 kilomètres cumulant 2300 mètres de dénivelé pour rejoindre le barrage de Serre-Ponçon à Rousset. Réveil assez difficile après l’exigeante étape de la veille. Mise en grille avec le top 10 masculin et les premiers de chaque catégorie puis le reste de la troupe de la version Élite. Tout commence par une petite mise en jambes neutralisée pour quitter la cité embrunaise et traverser les grands axes tout autour. Après quelques kilomètres, cette fois c’est parti et on commence par une succession de petites montées pour rejoindre en douceur l’abbaye de Boscodon, un haut lieu touristique du secteur au cœur d’une des plus belles forêts de la région. Cette église bâtie au beau milieu des mélèzes impressionne par son architecture. Après ces 350 premiers mètres de dénivelé, les choses sérieuses de la journée vont commencer et il va y avoir de quoi s’amuser tout autour du Pic de Morgon qui sera la carte postale de ce début de parcours. On s’élance sur une première ascension de 600m de dénivelé plutôt roulante mais avec de beaux pourcentages suivie d’une belle descente technique puis au terme d’une liaison roulante sous les mélèzes, il faut affronter les pentes du col de Morgonnet, une succession de montées casse-pattes et un peu de poussage histoire d’user un peu les semelles des chaussures ! Au sommet, nous voici à 1600m d’altitude et la récompense s’offre devant nous; une magnifique descente de 800m de dénivelé quasi intégralement sur du single avec vue plongeante sur le lac et le bras de l’Ubaye, absolument sensationnel!

Il est temps de traverser l’Ubaye, déjà 35kms de course et nous voici le versant sud du lac, la seconde partie de parcours va nous faire emprunter en grande partie les sentiers du « Tour du Lac de Serre-Ponçon » avec quelques belles pépites telles que sait tant nous offrir l’équipe d’organisation. En effet, nous voici à nouveau sur un single paradisiaque en balcon du lac, exigeant par moments certes mais quel plaisir ! Il reste 25 kilomètres, voici le second ravito du jour, un véritable « oasis » tant la chaleur est présente aussi bien à l’extérieur que sur la course. L’accueil à chaque ravito est toujours aussi chaleureux. Soit on pique une tête dans le lac, c’est très tentant, soit on repart pour une succession de montées sur un tracé très varié, pas vraiment le temps de s’ennuyer ! On passe le col de Charamel à 1250m d’altitude avant de plonger vers le village de La Bréole. Le tracé alterne des sentiers, des pistes, quelques tronçons de route et c’est un joli single qui nous amène au pied de l’ultime difficulté du jour en longeant le lac de retenue du barrage. Voici le village d’Espinasses, on traverse la Durance et ensuite 3 kilomètres tout plats pour rejoindre le barrage, une magnifique construction très impressionnante à contempler ! C’est parti pour le dernier effort, une montée de 3kms sur asphalte en lacets, 200m de dénivelé avant la délivrance, la ligne d’arrivée à l’entrée d’un magnifique camping qui surplombe le lac et le barrage. Il n’y a pas eu de très longues ascensions aujourd’hui mais cette multitude de difficultés associée à la chaleur du jour en ont fait une étape pas simple du tout à gérer. Sans grande surprise, c’est le duo Emeric Turcat/Alexandre Barberoux qui s’impose sur cette étape mais les écarts ne sont pas très importants, en effet le duo Vincent Disdier/Clément Chevallier – certes à domicile – fait grande sensation en terminant à seulement à 1mn30 alors que la paire belge Sébastien Carabin/Kevin Nyssen complète le podium du jour à 4 minutes. Le duo Rémi Chenu/Marion Bessonne continue de dominer les débats en catégorie mixte en intégrant le top 30 du classement général, quand on regarde la densité des équipes au départ, c’est une sacrée performance. Domination semblable du team Chiffelle avec Ilona Chavaillaz et Maya De Backer chez les dames qui possède une avance de 2h40 sur leurs plus proches poursuivantes.

Étape 3, Autour des plus belles anses du Lac

Place à l’ultime étape histoire de boucler ce « Tour du Lac » et revenir sur Embrun où nous attend un délicieux repas de clôture mais attention ce tracé final ne sera pas de tout repos avec 58 kilomètres et 1900m de dénivelé au programme, il ne faudra donc pas la négliger ! La météo est à nouveau très belle, les sourires se lisent sur les visages tout comme la fatigue d’ailleurs mais cette dernière journée nous promet une magnifique escapade sur les rives du lac. Néanmoins ce ne sera pas de tout repos. A peine le départ donné que l’on s’attaque d’entrée à une escalade bien indigeste pour qui aurait abusé du petit déjeuner, c’est 400m de dénivelé qu’il nous faut gravir. Heureusement, ces 7 kilomètres d’ascension ne sont pas trop difficiles avec une première partie sur asphalte suivie d’une belle piste régulière pour atteindre le Clot Morel à 1300m d’altitude. Ce sera malgré tout largement suffisant pour étirer tout le petit peloton avant les premières zones techniques mais également propice à qui veut récupérer du temps et remonter au classement. On enchaîne sur une courte descente rapide mais à peine le temps de souffler un peu que l’on reprend le cours de notre ascension qui va nous mener sur la crête de la Procession à 1550m d’altitude, là non plus rien de trop compliqué il faut rester patient et faire parler les jambes sur une belle piste roulante.

Après 13kms de course voici enfin le sommet, déjà 750m de dénivelé cumulé depuis le départ mais quelle récompense; une vue panoramique sur le lac aux eaux turquoises, un vrai décor de carte postale ! Maintenant, c’est une descente vertigineuse qui nous attend, 750m de dénivelé principalement sur du magnifique single et mieux vaut bien regarder devant soi sur cette crête.

Une fois tout en bas, voici la baie des Moulettes, l’un des bras alimenté par le torrent du même nom. On poursuit par 7 kilomètres plutôt roulants dans l’ensemble avec certes une petite bosse à gravir mais une alternance de petites routes, pistes et singles joueurs pour rejoindre le ravito du 25e kilomètre tout près de Chorges. Il nous reste encore une bonne trentaine de kilomètres et la suite du parcours sur la rive nord du lac promet également d’être exceptionnelle sur des sentiers techniques et exigeants! Après avoir contourné la baie des Moulettes, nous voici au bord de la baie St Michel et son emblématique chapelle qui fait partie des « 7 merveilles des Hautes-Alpes ». On longe maintenant cette baie par un magnifique single; tout est propice à flâner et se baigner ici mais il nous reste encore 25 kilomètres et deux belles difficultés nous attendent dans les prochains kilomètres. On passe Prunières puis tout proche de St Apollinaire où nous attend le 2e ravito après 43kms de course. Allez, il faut maintenant profiter des 15 derniers kilomètres de cette 22e édition, on redescend sur les rives du lac où nous apercevons le pont routier de Savines qui enjambe le lac d’une rive à l’autre et on s’élance pour la dernière difficulté de ce grand week-end haut alpin, celles-ci il ne fallait pas la négliger avec près de 400m de dénivelé à gravir pour rejoindre Puy Sanières, elle va faire grimacer plus d’un coureur mais au sommet la délivrance, on reconnaît le secteur emprunté lors du prologue nocturne le premier jour, il ne nous reste plus qu’à profiter d’une magnifique ultime descente avant de se laisser glisser lors des trois derniers kilomètres le long du lac et savourer ce final jusqu’au franchissement de la ligne d’arrivée finale.

Cette 22e édition fut tout simplement sensationnelle avec un parcours proposé exceptionnel sur un secteur jamais emprunté sur le raid VTT Chemins du Soleil. L’organisation n’a absolument pas failli à sa réputation, aucune fausse note. Le balisage impeccable, les ravitos complets, les repas savoureux, on ne raconte pas d’histoires lorsque l’on affirme que cette épreuve fait juste partie des évènements incontournables du calendrier tricolore. Côté résultats, contrairement à certaines éditions il n’y aura finalement pas eu de surprises ou de retournements de situation sur cette dernière journée. Grand chelem pour le duo Emeric Turcat/Alexandre Barberoux qui remporte cette 3e étape après 3h02 de course avec 6 minutes d’avance sur Adrien Roquebrun/Ewen Estegiano et 7 minutes sur le duo belge Sébastien Carabin/Kevin Nyssen. Au classement général, Emeric Turcat et Alexandre Barberoux remportent assez aisément cette édition avec 24 minutes d’avance sur Alexis Chenevier/Clément Desjardins et 28 minutes sur Vincent Disdier/Clément Chevallier. Chez les mixtes, victoire sans surprises également du duo Rémi Chenu/Marion Bessonne non sans avoir cédé l’ultime étape à leur dauphin Damien Portet et Clara Donneger. Johann Ponçon associé à l’ancienne biathlète internationale Marie Habert complètent le podium. Chez les dames, victoire incontestable de la paire Ilona Chavaillaz/Maya De Backer après avoir remporté les 4 étapes au programme. Marine Baguet et Géraldine Fournel prennent la 2e place alors que Marie-Line Mar et Nathalie Pomeon complètent le podium.

Rendez-vous l’année prochaine pour la 23e édition qui se déroulera du 14 au 17 mai 2026 en terre dromoise.

Infos et résultats : www.raid-vtt.fr

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