Essai complet du nouveau groupe Shimano Dura-Ace Di2 R9150

La Rolls des transmissions

La troisième version du Dura-Ace Di2 évolue à tous les niveaux, en offrant des prestations incroyables, que ce soit dans sa version avec des freins à patins ou dans sa version à disques. Précision, puissance et confort d’utilisation sont au rendez-vous.

Photos : Wouter Roosenboom/Irmo Keizer

Malgré la progression en termes de qualité des groupes d’entrée et de moyenne gamme, la hiérarchie est toujours respectée au sein des gammes des fabricants. Et si l’on pouvait rapidement décrypter l’offre dans le domaine en trois catégories en tenant compte d’éléments aussi importants que les poids des composants, leur précision et leur fiabilité (et bien sûr le prix), les transmissions électroniques ont bien fini par s’imposer comme une catégorie encore supérieure, ne serait-ce que grâce à leurs possibilités d’évolution ultérieures. Pour sa troisième génération de la transmission Dura-Ace Di2, Shimano enfonce le clou.

Le concept Dura-Ace

Présenté pour la première fois en juin 2016, et seulement disponible dans sa version mécanique depuis le début de l’automne (voir ici : www.velochannel.com/test-du-nouveau-groupe-shimano-dura-ace-r9100), le nouveau niveau de gamme Dura-Ace se justifie selon Shimano par un concept d’optimisation de la performance, en améliorant chacun des éléments de la transmission ou du système de freinage pour qu’il fonctionne en parfaite adéquation avec les autres pièces du groupe. Rigidité et aérodynamisme sont les premières qualités visées, tout comme la précision et le confort.

À première vue, cela ressemble à un argument purement marketing, mais force est de constater après un essai approfondi que chacune des légères améliorations apportées facilite la pratique. Ainsi, le nouveau pédalier n’est pas seulement beau puisqu’il est aussi plus rigide (et c’est sensible), le dérailleur arrière n’est pas seulement inspiré des dernier modèles VTT puisqu’il accepte une cassette à la plus large plage de développements et quasiment tous les croisements de chaîne, et les leviers ne sont pas seulement affinés puisque la prise en main est désormais identique entre la version à patins ou à disque.

Quant aux freins, ils sont tout bonnement excellents, quelle que soit la version. Très peu de changements côté poids, puisque dans sa version la plus classique à patins, le Dura-Ace R9150 s’allège de 35 g environ par rapport à la version précédente. À ce stade, un changement de cassette ou de plateaux a évidemment plus d’influence. La version Di2 à disque est 340 g plus lourde. Ajoutés aux 200 g environ supplémentaires pour une paire de roues à disque, et aux 200 g environ supplémentaires d’un kit cadre prévu pour les disques (les contraintes dans les deux cas sont supérieures à celles des freins à étrier), la note s’élève à 750 g environ. On connait le tarif. Par contre Shimano a le bon goût de ne pas exagérer le surcoût de la version Di2 hydraulique par rapport à la version classique : 200 € environ pour un prix de base par ailleurs très élevé, autour de 3000 €.

Changement de technologie

On peut le regretter, mais il est difficile de faire marche arrière : la technologie impose certaines complications, au moins lors du montage du vélo. La quasi généralisation des cadres avec des passages de câbles et  gaines internes complique le montage des câbles des freins et des dérailleurs. Sauf pour ce qui concerne le montage du groupe concurrent Sram Red eTap (voir ici : www.velochannel.com/sram-red-etap-premier-roulage).

Le Dura-Ace ne déroge pas à la règle, même dans sa version Di2. Surtout depuis l’apparition d’une batterie logée dans les tubes (la nouvelle version est plus puissante tout en conservant la même taille). Mais Shimano va encore plus loin avec un nouveau boîtier de jonction, qui peut désormais se loger dans une partie du cadre lorsque celui-ci est prévu pour (voir ici : www.velochannel.com/exclusif-premier-essai-du-nouveau-pinarello-dogma-f10 ou ici : www.velochannel.com/test-du-nouveau-trek-madone) ou dans le cintre, en plus d’un positionnement plus habituel jusqu’ici en dessous de la potence.

Ce nouveau boîtier permet toujours de recharger la batterie des dérailleurs, de communiquer avec le logiciel e-Tube Project sur PC, tout en autorisant désormais un changement de mode comme nous le verrons plus loin. Des cintres spéciaux sont d’ailleurs prévus chez la marque soeur Pro, pour un montage plus propre, permettant de relier le boîtier, les leviers, la batterie et les dérailleurs.

Côté communication, un autre boîtier discret nommé D-Fly peut être relié à tout ce système pour envoyer des informations sans fils au compteur Garmin (état de la batterie, développement utilisé) ou vers un Iphone ou une tablette, à travers l’application e-Tube Project dédiée. Le D-Fly se positionne le long de la gaine de frein, sous la potence. Si le branchement de tous ces éléments est assez simple, le plus compliqué concerne le passage à l’intérieur des tubes. Mais normalement, ce n’est à faire qu’une seule fois. Complexe est aussi le passage interne des durites hydrauliques pour les freins à disque, ainsi que la purge du système. Cela demande en tout cas un certain soin, qui nécessitera pour beaucoup d’entre nous un passage régulier chez le vélociste.

Évidemment, nous n’avons pas eu ce genre de problème à gérer au cours de ces trois jours de test organisés par Shimano, avec une équipe de techniciens compétents et aux petits soins pour nous fournir des vélos dans les meilleurs conditions possibles.

Déjà vu

Si nous avions déjà eu le privilège de rouler avec le Dura-Ace R9150 lors du test du Pinarello Dogma F10, nous n’avions pas eu le temps d’en apprécier les fonctionnalités. Et Pinarello non plus d’ailleurs, puisque n’ayant reçu les groupes que très peu de temps auparavant. Tout juste avions nous remarqué l’ergonomie des leviers, l’efficacité du freinage (à patins), et le feeling légèrement différent des manettes de changements de vitesse, avec un clic un petit peu plus net, plus sensible avec des gants longs.

La rigidité du pédalier était également sans surprise, très efficace lors des changements de plateaux, et nous avions également noté la fluidité de la transmission même lors des croisements de chaîne extrêmes, pour peu que celle-ci ne soit pas coupée trop courte (sinon, le dérailleur est exagérément tendu sur le 53×28 par exemple). Seul petit défaut noté par rapport à la version précédente et identique au dérailleur R9100 : la conception Shadow du dérailleur arrière complique un petit peu le changement de roue, puisqu’il faut désormais y mettre la main pour le dégager en arrière. La vraie révolution apportée par le Di2 R9150 est pourtant ailleurs, avec l’apparition des modes Synchro-Shift et semi-Synchro, initiés déjà sur le système XTR Di2 en VTT.

Révolution

Pour comprendre, nous sommes obligés d’en revenir au boîtier de jonction, relié au logiciel ou à l’application e-Tube Project. C’est par ce boîtier que l’on peut changer de mode (manuel, semi-Synchro, Synchro) d’une part, et c’est par ce logiciel que l’on en personnalise le fonctionnement.

C’était déjà le cas auparavant : sur le mode manuel il est possible de personnaliser la rapidité avec laquelle les dérailleurs réagissent lors d’une impulsion sur une manette, ou encore le nombre de pignons changés lors d’une impulsion prolongée. On peut aussi décider de la fonction des quatre manettes de dérailleurs, ainsi que des petits boutons situés au sommet des leviers, sous les cocottes, normalement prévus pour piloter le Garmin grâce au D-Fly et qui peuvent aussi servir à changer de vitesse.

Le mode semi-Synchro offre une fonctionnalité qui devrait séduire la plupart des pratiquants sportifs et assidus : lors d’un changement de plateau, le dérailleur arrière change automatiquement de pignon pour limiter l’écart de développement. Avec le logiciel, on peut personnaliser le nombre de dents concernées.

Enfin, le mode Synchro peut s’adresser en priorité à ceux qui ne sont pas forcément habitués aux subtilités des gammes de braquets et de leurs chevauchements entre petit et grand plateau. Avec 2 plateaux et 11 pignons, on ne bénéficie pas bien sûr de 22 vraies vitesses différentes, mais plutôt de 12 à 14 selon les dents des plateaux. Donc ce mode permet de ne piloter l’ensemble de la transmission que d’une seule manette, du plus petit au plus grand développement disponibles, et c’est le système qui gère tout seul le changement de plateau, tout en recalant automatiquement le dérailleur arrière. C’est aussi ce qui permettra aux triathlètes ou aux coureurs de contre-la-montre de n’utiliser qu’un bouton additionnel, situé sur les prolongateurs.

Surprenant au début, mais on s’y fait très vite, tout comme à la navigation sur l’e-Tube Project. On peut toutefois ressentir un petit à-coup au pédalage lors d’un changement de plateau automatique si la cadence de pédalage est trop faible, mais sans conséquence. Notons que dans ce mode, il reste possible de reprendre la main en quelque sorte, en changeant tout de même de plateau volontairement avec la manette gauche. Et qu’il est possible à tout moment de passer d’un mode à l’autre en roulant. Testé sur des routes détrempées d’abord, puis humides et boueuses après les pluies diluviennes des jours précédentes sur la région de Calpe (Espagne), ce système s’est avéré en tout cas très convaincant.

Les changements de rapports sont toujours fluides, rapides, précis et silencieux. Tout comme l’est l’ensemble de la transmission, même en utilisant le 53×28 sans y prendre garde en mode manuel. Parfaitement installé pour notre cas il est vrai, le nouveau Dura-Ace Di2 démontre un réel confort d’utilisation et une efficacité sans faille, sans parler des sensations de rendement procurées une transmission fluide et un pédalier super rigide. Bref, le summum de ce qui se fait actuellement dans le domaine.

Un freinage à la hauteur

Ce groupe propose également trois options de freinage, toutes aussi efficaces. Les étriers classiques, déjà testés lors de notre essai du Dura-Ace mécanique, sont évidemment particulièrement puissants, rigidifiés qu’ils sont par un « booster » (une arche entre les points de pivot), et qui les rend encore supérieurs à la déjà excellente dernière génération.

La version Direct Mount est dépourvue de Booster, mais pas moins efficace. Par contre, la différence entre les deux versions est légèrement sensible en termes de sensations à la poignée. En Direct Mount, l’action et le rappel de la poignée sont extrêmement souples, quand ils sont un peu plus virils sur la version classique, qui rappelle tout simplement le feeling habituel des freins Shimano. Avec des roues Shimano carbone et des patins dédiés, le freinage se révèle en tout cas progressif et endurant, tout en rassurant par son efficacité. Nous n’avons pas dévalé de cols détrempés, mais des descentes sinueuses et piégeuses avec des coulées d’eau et de boue qui n’ont jamais altéré le freinage.

Les conditions étaient en revanche idéales pour tester la version à disque, la veille sous de fortes pluies. Les 750 g de surpoids de l’ensemble du système étaient pondérés par le niveau de gamme du vélo, un Pinarello Dogma F8 Disk à axes traversants, soit un ensemble de 7,7 kg environ, ce qui demeure acceptable pour que la nervosité de l’ensemble ne soit pas trop affectée, et prendre du plaisir à son guidon. Le nouveau système à disque Dura-Ace se compose d’étriers Direct Mount et de rotor Ice Tech de 160 mm à l’avant et 140 mm à l’arrière (une piste de freinage en acier prenant en sandwich une base en aluminium) monté sur une étoile aluminium et avec des ailettes pour ventiler l’ensemble.

Selon Shimano, ce nouveau disque dissiperait 30% de chaleur en plus pour le système complet étrier/rotor. Ce qui est le plus intéressant à nos yeux se passe pourtant au niveau des poignées, puisque celles-ci reprennent exactement la même forme et le même encombrement que la version à patins. La garde et le point de contact sont réglables, et surtout l’ensemble du système procure le même feeling que les freins à patins. Bruyants dans certaines conditions (pour ne pas dire hurlants), ces nouveaux freins sont toutefois doux, dosables et efficaces.

Après un gros freinage appuyé permis par l’adhérence des excellents boyaux Vittorai Corsa, le phénomène de frottement des disques contre les étriers est toujours présent, mais largement atténué, notamment grâce aux axes traversants.

Au final, ce Shimano Dura-Ace R9150 nous a enthousiasmés à tous les niveaux. Mais pouvait-il en être autrement? On connait le sérieux de la marque nippone quand il s’agit de lancer un nouveau produit (la mise au point est vraiment soignée, quitte à prendre du retard en production), et surtout son positionnement confirme que nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne quand il s’agit d’associer plaisir et performances. Un groupe complet très haut de gamme comme celui-ci met surtout en exergue tous nos sens.

SHIMANO DURA-ACE DI2 R9150
Les + : douceur, précision, fonctionnalités
Les – :  prix
COMPOSANTS :
Pédalier :  50-34 / 52-36 / 53-39 / 54-42 / 55-44, manivelles de 165/167.5/170/172.5/175/177.5/180 mm
Cassette : 11 vitesses, 11-25/11-28/11-30/12-25/12-28 dents
Étriers : dual pivot ou dual pivot Direct Mount
Freins à disque : étriers à disque hydraulique à deux pistons, rotor Ice Technology, Center Lock, 140 ou 160 mm.
POIDS :
Version à freins à patins sur jantes : 2050 g
Version à freins à disque : 2390 g
Prix public : 3000 € environ pour la version à patins, 3200 € environ pour la version à disque.
Contact : www.bikegear.cc

 

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