À travers l’Aveyron, entre causses et vallées
Nous voici à Millau, petite ville de l’Aveyron et terre de sports nature, site d’accueil de nombreuses épreuves de trails ou raids multisports. Cette fois, c’est une épreuve cycliste et cette 1ère édition du Wish One Gravel « Millau Grands Causses », support de l’unique manche française des Trek UCI Gravel World Series.
Par Fred Ischard – Photos Wish One
L’épreuve est qualificative pour les mondiaux qui se dérouleront aux États Unis mais de mon côté, après un enchainement de bon nombre d’épreuves, je ne m’impose aucun objectif, désirant juste découvrir une nouvelle expérience sur ce format de course international en Gravel et visiter cette magnifique région aveyronnaise. Je me rends donc sur place le vendredi soir; retrait des dossards et briefing avant de passer une soirée tranquille à déambuler dans les ruelles de Millau. On ressent très rapidement que l’événement est de grande envergure avec pas moins d’une quinzaine de nationalités représentées.
Le dimanche matin sur la ligne de départ, pas de placement particulier, on trouve un SAS prioritaire réservé au coureurs élites sinon c’est premier arrivé premier servi. J’arrive 20 minutes avant le start et me retrouve au milieu du peloton alors que le speaker officiel des événements nationaux, Éric Davaine, invite les coureurs élites à se présenter sur la ligne de départ. On y retrouve de belles têtes d’affiche à l’image de Niki Terpstra, coureur professionnel sur route et spécialiste des classiques au sein de l’équipe Total Energies et de son équipier Geoffrey Soupe ou encore de l’australien Adam Blazevic, vainqueur de la manche australienne des Gravel UCI séries.
Allez il est 8 heures, c’est parti ! Nous sommes 250 coureurs et nous partons sous allure neutralisée pour traverser la cité millavoise. Comme tout départ neutralisé, c’est toujours un peu nerveux mais ça reste très correct. Je me fais un peu prendre au piège d’un rond point négocié dans le mauvais sens me faisant reculer un peu plus vers l’arrière du peloton. Nous quittons Millau et la voiture ouvreuse nous lâche au pied de la première ascension du parcours, c’est parti pour 135 kilomètres et 2300 mètres de dénivelé. Cette première ascension n’est autre que l’escalade de la mythique Pouncho d’Agast, le sommet emblématique qui surplombe Millau. Du coup, c’est une pente à 6% pendant 7 kilomètres que l’on doit affronter sur une jolie route en lacets. C’est juste parfait pour étirer le peloton et former les différents groupes avant d’entrer dans les chemins. Pour ma part, je remonte le peloton coureur après coureur et décide de me mettre d’entrée dans le rouge pour me retrouver dans un groupe intéressant au sommet. Après un ultime effort pour boucher un petit écart, je parviens in extrémis à faire jonction avec un petit groupe d’une dizaine de coureurs.
On a déjà gravi 450 mètres de dénivelé, on laisse la fin d’ascension de cette Pouncho d’Agast pour s’engager sur notre premier chemin. On se retrouve sur une belle petite boucle dans le Causse Noir. Malheureusement pour moi, ça accélère à nouveau dans le groupe, pas de temporisation et ça me sera fatal, je lâche l’affaire et n’insiste pas. Du coup, je me retrouve un peu seul en chasse patates entre deux groupes mais je ne me désunis pas. Ça me permet de profiter et de prendre les trajectoires que je souhaite sur les 10 bornes de cette belle piste linéaire qui serpente sur le causse. Il faut se méfier des virages très fuyants avec un revêtement meuble en petits gravillons. Le profil est assez casse-pattes avec de nombreux raidards. Je double quelques coureurs en difficulté sur ce profil ou d’autres victimes d’incidents mécaniques et ce, dès la première heure de course. Je passe le hameau du Sonnac. Un mini tronçon de route et on bifurque pour revenir vers le sud.
Nouvelle piste de 4 kilomètres , j’arrive à contenir le groupe de l’arrière, les jambes ne sont pas si mauvaises et je reste sur mon allure assez linéaire mais finalement un groupe de 5 coureurs revient sur moi. On quitte la piste et on se lance sur une magnifique descente sur asphalte, une toute petite route pleine de virages pour plonger vers les gorges de la Dourbie. En bas, nous voici au village de La Roque Ste Marguerite, l’un des points de passage phare du Trail des Templiers. On a 33 kilomètres de course et je passe le premier ravito sans m’arrêter, d’ailleurs aucun coureur ne s’arrête dans notre groupe. Place à la seconde ascension du jour en direction du plateau du Larzac, une nouvelle petite route qui serpente en lacets pendant 4 kilomètres. Le groupe se disloque mais sans vraiment faire de gros écarts et on se retrouve assez vite 300 mètres plus haut au petit village perdu de Pierrefiche. J’effectue une montée très correcte et pourtant comment croire que sur une ascension de 20 minutes, Niki Terpstra puisse me coller 5 minutes, on a clairement pas le même niveau ! Nous entrons maintenant dans le Larzac. On quitte la route et on poursuit l’ascension sur un petit chemin technique qui me permet de rejoindre un sympathique coureur hollandais. On tente de s’échapper à deux mais le reste du groupe nous reprend à l’entrée du camp militaire du Larzac. En effet, place à 25 kilomètres de piste en plein cœur du centre d’entraînement de l’armée et pour moi ce sera la section la plus difficile du parcours en raison d’un fort vent latéral et de nombreux petits raidards, ce plateau du Larzac est loin d’être tout plat. Impossible de suivre les multiples attaques de mon groupe et je décroche en subissant un coup de moins bien. Je parviens néanmoins à maintenir une allure correcte et reprend des coureurs lors des passages délicats, les descentes sur ces pistes étant rendues techniques par un tapis de petits cailloux. On passe au milieu de chars d’assaut, de miradors, d’obstacles en tout genre pour les parcours d’entraînement et nous sommes guidés par les militaires à chaque intersection. Je sors de cette immersion en traversant le quartier général puis me voici à La Cavalerie, lieu du second ravitaillement après 75 kilomètres, j’ai 2h45 de course.
Arrêt rapide car je n’ai plus d’eau. Je cherche également à manger mais ne trouve pas grand chose d’alléchant, du coup je mange une banane et emmène quelques bonbons acidulés pour la suite du parcours. Je repars et retrouve des couleurs, cette courte pause m’a fait grand bien. On passe à proximité de l’aérodrome du Larzac puis on enchaine quelques courtes mais raides montées dont une rectiligne qui passe limite à vélo. Au sommet, une bonne descente à bonne vitesse me permettant de revenir sur un coureur poitevin qui mène bonne allure. Au 85e kilomètre, on grimpe une belle montée de deux kilomètres, on a quitté le plateau lunaire pour entrer dans la forêt des Grands Causses, on maintient une bonne allure à deux en mode binôme et on double des coureurs victimes d’un départ trop rapide. Une courte descente et on se retrouve sur l’ancienne voie ferrée cévenole reliant Tournemire au Vigan. Il n’y a plus de rails mais un chemin en ligne droite avec plein de gros cailloux que l’on met à profit pour reprendre le reste du groupe qui m’avait distancé dans le camp militaire, autant dire que j’avais bien fait de rester à mon allure. On parvient même à s’échapper, toujours en compagnie du coureur poitevin qui ne rechigne pas à rouler. Après 3 kilomètres, le chemin à gros cailloux devient une piste carrossable sur une longue ligne droite de 3 bornes jusqu’à rejoindre l’ancienne route nationale 9.
On passe à proximité du village de l’Hospitalet et la longue ligne droite a permis à notre petit groupe de se former. On va maintenant quitter l’ancienne voie ferrée, déjà 95 kilomètres de course et on s’engage sur une nouvelle montée sur une petite route, un kilomètre à 10% qui fait littéralement exploser notre groupe. Je laisse deux coureurs partir et m’accroche pour rester dans les roues du coureur poitevin au prix d’une relance au sommet de cette montée, il ne reste plus qu’une petite quarantaine de kilomètres, l’arrivée approche ! On plonge quasi aussitôt sur LA descente du parcours vers la vallée du Cernon. Cette descente longue, piégeuse et cassante me permet de me détacher et de doubler plusieurs coureurs mal à l’aise, j’y lâche définitivement mon cher coureur poitevin avec lequel j’ai roulé pas mal de kilomètres.
Lapanouse de Cernon, c’est le dernier ravito du parcours, l’occasion de remplir un dernier bidon et je repars aussitôt avec un coureur cinquantenaire très en forme, il est d’ailleurs en tête de sa catégorie. Il nous reste 30 kilomètres et après quelques kilomètres sur une petite route casse-pattes, on se lance à l’assaut de l’avant dernière difficulté du jour, 2 kilomètres à 7% sur une petite route. Je retrouve des couleurs sur cette montée et m’accroche comme je peux en doublant des coureurs en difficulté sur les dernières pentes du parcours. Une fois au sommet, on poursuit sur de petites routes et on va reprendre une tête d’affiche très connue dans le monde du VTT, il s’agit de Killian Bron, pilote enduro bien connu. On aborde donc la dernière descente du jour ensemble, certes sur asphalte mais sur une petite route en corniche vertigineuse avec une longue succession d’épingles pour rejoindre la vallée du Tarn. Les 4 kilomètres passent très vite et c’est un régal de suivre Killian, ce serait absolument impossible en VTT !
On se relaie ensuite à trois coureurs pour rejoindre le village de St Georges de Luzençon situé 4 kilomètres plus loin. Nous y retrouvons la vallée du Tarn et il reste 15 kilomètres. Pendant une dizaine de kilomètres, on suit le cours du Tarn en suivant à grande vitesse un agréable monotrace. On passe sous l’impressionnant viaduc autoroutier de Millau et voilà que se présente à 5 kilomètres de l’arrivée la dernière difficulté du jour, le fameux « Mur du Viaduc » et son kilomètre à 12% de moyenne qui va faire exploser notre trio. Je parviens à avoir finalement un petit peu plus de fraîcheur et m’extraire à l’avant jusqu’au sommet puis se présente la ligne d’arrivée mais…. surprise ! Il nous reste deux kilomètres à effectuer sur un parcours de cyclo-cross tout récemment façonné sur un terrain en pente avec beaucoup de dévers, des grosses pentes, des virages serrés et des woops un peu trop prononcés. Le terrain n’a malheureusement pas été assez roulé et manquait de souplesse pour en profiter totalement, surtout après plus de 130 kilomètres de course. Cette dernière section surprise qui partait pourtant d’une bonne intention de faire découvrir un terrain de jeu pour pratique CX en vue d’organiser des événements sur circuit permanent ne sera malheureusement pas au goût de tout le monde, beaucoup seront déçu de ce final mais cela reste visuellement intéressant pour les médias et pour l’animation autour de l’aire d’arrivée. Avec quelques ajustements, ce circuit final reste une idée sympathique.
Le coureur du team Total Energies Niki Terpstra aura parfaitement assumé son rôle de favori en s’imposant de fort belle manière en bouclant les 135 kilomètres en 4h25 à une vitesse moyenne impressionnante de 30km/h. Piotr Havik du team Westland Wil Vooruit termine second à 2 minutes et Adam Blazevik complète le podium à 3 minutes 30. A la 4e place, on retrouve l’excellent vététiste du team Tribe Emeric Turcat en pleine préparation pour les prochains championnats de France XC Marathon et à la 5e place, le second coureur du team Total Energies Geoffrey Soupe.
Chez les dames, victoire de la hollandaise Tessa Neefjes du team Giant Benelux en 5h37 devant Jadee Treffeisen à 1 minute 30 et Emma Porter à 15 minutes.
Pour une première édition, ce Wish One Gravel Millau Grands Causses fut un succès et ce format s’apparentant à une cyclo tout terrain est intéressant en proposant une course à la fois nerveuse et linéaire où chacun peut faire sa course selon son niveau et son envie. Soit on chasse le chrono, soit on découvre cette magnifique région des Grands Causses aveyronnais. En tout cas, nous avons été séduit par le tracé proposé parfaitement adapté à la pratique du Gravel qui alterne de belles ascensions sur asphaltes, des pistes roulantes et quelques descentes techniques qui met en avant toutes les qualités de la pratique du Gravel. L’organisation fut impeccable avec une animation gérée de main de maître par le toujours aussi professionnel Éric Davaine. Pour clôturer cette belle fête, un repas nous est offert pour partager notre expérience entre coureurs autour d’un délicieux aligot/saucisse, le plat typique de la région. C’est donc plein de belles images en tête que nous rentrons des terres aveyronnaises.
Prochain évènement Wish One Gravel Race, ce sera le 20 août avec le Wish One Gravel Causses de l’Aubrac qui comme le Gravel Monts du Morvan s’effectuera sous un format rallye (liaisons+sections chrono) sur un tracé de 180 kilomètres qui cumulera 2800 mètres de dénivelé.
Infos et inscriptions : www.wishonegravelrace.com
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