La marque In’Bô, c’est le défi de deux Rochelais, un Savoyard, un Normand et un Picard, qui se sont rencontrés à l’Ecole Nationale Supérieure des Technologies et Industries du Bois à Epinal. Les longues soirées de bricolage passionné sont devenues une entreprise produisant du matériel de sports d’extérieur dans différents bois : lunettes, skates, vélos… L’aventure dure depuis deux ans et demi. Soutenue par les acteurs locaux, elle est pleine de projets.
L’entrepôt est rempli d’une lumière orangée et d’une musique un peu forte. Sur le côté, un petit show-room (dans lequel il y a un lynx) et un bureau. Au fond, encore quelques portes, derrière une lourde table en acier. Au milieu, un escalier en métal mène à l’étage. Cette mezzanine accueille l’essentiel des travaux d’optique, un atelier de maroquinerie (semi-indépendant) confectionnant à la main les étuis à lunettes, ainsi que la cabine de finition des cadres des vélos. Et en-dessous, tout se passe dans le même espace, ou presque.
La première activité d’In’Bô, c’est l’optique. Ensuite viennent le skate et le vélo. Pour chaque poste, des solutions simples, pour des résultats sérieux : par exemple chez In’Bô, les montures des lunettes sont à double courbure… Et lorsque l’outil nécessaire n’existe pas, on le fabrique. Une grande partie des instruments requis pour la fabrication des produits est de conception voire de réalisation « maison ».
La production s’appuie sur une préférence systématique pour les matières premières d’origine naturelle et/ou géographiquement proche. La quasi-totalité des essences de bois utilisées pour les lunettes In’Bô provient des Vosges, et le fournisseur des pièces d’aluminium nécessaires aux cadres des vélos n’est qu’à une trentaine de kilomètres. C’est ce même fournisseur qui a réalisé le marbre unique servant à assembler les tubes de bambou.
Pour fabriquer ses cadres, In’Bô fait venir des tubes de la Bambouseraie d’Anduze, après une période de séchage chez un spécialiste bourguignon. La sélection de la bonne variété, la préparation et le séchage de ce bambou ont demandé du temps et de nombreux essais pour obtenir des tubes parfaitement stables. En effet, à chaque noeud de la tige, la fibre du bambou revient vers l’intérieur et obstrue le tube. Il faut percer cet opercule, sinon le tube, qui se rétracte en séchant, se fend. La procédure est désormais parfaitement maîtrisée, et les tubes sont traités à l’intérieur comme à l’extérieur pour rester définitivement insensibles à l’humidité.
Le premier cadre In’Bô a faire parler de lui est un fixie. Emmené par le Dijonnais Thibaud Lhenry, le vélo a remporté le Red Hook Criterium (coupe du monde de fixie) en 2014! Des cadres pour la route sont ensuite assemblés, ainsi que trois fatbikes, qui partent explorer une partie de l’Europe centrale. Ces machines-là seront lourdement chargées et soumises à des températures extrêmes. Ce sera un sacré test…
Ces fats sont revenus de leur périple, et roulent toujours : une seconde équipe est repartie avec pour de nouvelles aventures.
Un cadre en bambou, ce sont sept tubes, cinq inserts d’aluminium, un peu d’accastillage, et des raccords en résine et fibre de lin. Fibre et composants de la résine sont également d’origine française. In’Bô se passerait bien de l’épichlorhydrine et du bisphénol A de cette résine époxy, mais pour l’instant, il faut encore faire quelques concessions au plastique. Ces raccords filtrent les vibrations et donnent son confort au cadre.
Chaque vélo est conçu dans son intégralité, selon le cahier des charges du commanditaire. Géométrie sur mesure, roues, fourche et périphériques souhaités par le client dicteront les contraintes pour la réalisation du cadre.
Les tubes sont sélectionnés, recoupés et percés selon les cotes et angles définis lors de la commande. Le cadre est assemblé sur le marbre par un précollage qui va figer la géométrie, comme le pointage d’un cadre acier. Les passages internes reçoivent des gaines rigides sur toute leur longueur pour faciliter l’installation et la maintenance des commandes.
L’étape fibre de lin et résine est la plus gourmande en temps. Réalisés à la main, les raccords donnent un résultat visuel très grossier qui nécessite ensuite un long travail d’amaigrissement et de ponçage. Le cadre reçoit enfin une couche de finition, selon le désir du client. L’assemblage du vélo peut commencer.
Chaque cadre demande environ une cinquantaine d’heures de travail. Il est conforme à la norme EN 14764 et garanti 5 ans.
Sur un pied d’atelier, dort un exemplaire annoté au marqueur rouge. Ce cadre a supporté sans probleme les 100 000 cycles de déformation exigés par la norme. Il est ensuite resté sur la machine jusqu’à ce qu’un autre vélo passe à la torture. Le bambou en était à 350 000 cycles, et il tenait toujours…
In’Bô fait actuellement ses vélos à l’unité, suivant les commandes. Des partenaires renommés leur font confiance et les encouragent, comme Rohloff et Corima, pour ne citer qu’eux. Les vélos sont solides et efficaces, et les clients sont satisfaits. La construction de VTT va commencer en février 2016.
Le bambou n’est plus une nouveauté dans le monde du vélo. On l’entrevoit depuis plusieurs annés sur différents événements. Toutefois, la solution In’Bô est assez gonflée : attaquer avec du bambou le marché du haut-de-gamme sur mesure, sur lequel règnent en maîtres des marques et des matériaux déjà établis, suscite l’admiration mais aussi la curiosité. Surtout avec les résultats obtenus. Les vélos semblent bons… On vous en dira bientôt plus.
En attendant, nos cinq ingénieurs vosgiens pensent déjà à une production en petite série, avec différentes tailles au catalogue et des montages moins exclusifs, pour faire découvrir les vertus du bambou à des tarifs plus abordables.
Pour la présentation complète du vélo de route In’Bô n°004, suivez ce lien.
Plus d’infos sur inbo.fr
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J’ai observé, durant les deux années vécues au Viêt-nam, l’usage du bambou. Confiez un coupe-coupe et une montagne de bambous à un viêtnamien, il va vous construire une cagna (maison d’habitation locale) sans apport de pointes, clous etc. Elle sera à l’épreuve des intempéries de par sa solidité et des liures de fixation. Il faut savoir que le viêt-minh imprimait ses billets de banque sur la pellicule interne des bambous, j’ai déposé quelques exemplaires aux Archives Départementales des Vosges que j’avais rapporté du Nord Viêt-Nam.