Entraînement : l’intérêt du cardiofréquencemètre

Même s’il est supplanté aujourd’hui par le capteur de puissance – plus précis pour mesurer la réalité de l’effort -, le cardiofréquencemètre conserve ses adeptes. Abordable et facile à utiliser, ce type d’appareil est à la portée de tous, et permet déjà d’être acteur de sa propre progression. Il vous indique votre fréquence cardiaque avant, pendant et après l’effort. Une mine d’informations pour calibrer l’intensité de vos séances, et pour juger de votre progression.

La fréquence cardiaque (indiquée en nombre de battements du coeur par minute) est le reflet indirect du niveau d’activité de votre organisme. Chaque mouvement ou effort implique un besoin en énergie des muscles, apporté par un flux sanguin plus important. C’est le coeur qui est chargé d’augmenter ce flux, en pompant plus ou moins rapidement pour envoyer le sang chargé en oxygène vers les muscles, ce qui implique des variations de sa fréquence de battement. L’énergie dont ont besoin les muscles est fournie par la transformation biologique des aliments ingérés et stockés, et principalement le glucose qui est retenu sous une forme particulière dans les muscles et le foie, le glycogène. Mais la dégradation des acides gras (lipides) permet aussi la synthèse d’une énergie utilisable par les cellules. Pour que cette source d’énergie soit transformée en combustible, elle a besoin d’oxygène. Le tout est immédiatement converti en ATP (Adénosine Triphosphate).

« Lors d’un effort, la fréquence cardiaque augmente de manière linéaire depuis sa fréquence de repos jusqu’à une puissance donnée correspondant à la fréquence maximale. »

Lors d’un effort, la fréquence cardiaque augmente de manière linéaire depuis sa fréquence de repos jusqu’à une puissance donnée correspondant à la fréquence maximale. Si on dit que la fréquence cardiaque est le reflet indirect de l’activité, c’est que selon la durée et l’intensité de l’effort, elle peut ne pas indiquer exactement le travail musculaire effectif. C’est le cas par exemple d’un sprint très court, qui demande beaucoup de rapidité et de puissance musculaire, mais dont on ne mesure les effets sur le plan cardio-vasculaire qu’avec un certain décalage. De même, immédiatement après un effort, le coeur continue de battre rapidement quelques dizaines de secondes ou minutes. C’est la dette d’oxygène. Enfin, la fréquence cardiaque peut varier légèrement en fonction de certains paramètres extérieurs, comme l’altitude ou la déshydratation. C’est pour cette raison que le capteur de puissance en cyclisme est un outil plus fiable qu’un cardiofréquencemètre pour mesurer la réalité d’un effort, le calibrer, ou constater les progrès. Néanmoins, son utilisation est plus complexe, et surtout beaucoup plus onéreuse, ce qui explique que de nombreux cyclistes roulent encore avec un cardiofréquencemètre. Pour les coureurs très expérimentés, les sensations sont même de meilleurs indices, mais le plus souvent ils préfèrent les trois méthodes en même temps.

Les effets de l’entraînement

Le coeur est donc un muscle qui assure la circulation du sang, et comme tout muscle il se développe et s’entretient. Avec l’entrainement, le coeur voit son volume et son poids augmenter, avec un épaississement qui occasionne une augmentation de capacité du débit et une économie (ralentissement des battements) pour une intensité donnée. Pour assurer les fonctions vitales, sa taille et sa puissance lui permettent aussi de procurer plus de débit sanguin à chaque battement au repos. La fréquence cardiaque au repos diminue donc avec un entrainement régulier pour un sport d’endurance comme le vélo. Un sédentaire a une fréquence cardiaque au repos autour de 70 bpm (battements par minute), quand un sportif de haut niveau dans un sport d’endurance peut descendre en dessous de 40 bpm. Cette fréquence cardiaque représente un indice de votre forme, dès lors que vous avez quelques références. Il n’y a pas de règles absolues dans le domaine, mais une variation de la fréquence cardiaque de repos individuelle renseigne sur une bonne adaptation à l’entrainement (si elle baisse ou reste stable), ou au contraire sur un début de fatigue ou de surentrainement, voire sur une infection (si elle augmente).

« La fréquence cardiaque au repos diminue donc avec un entrainement régulier pour un sport d’endurance comme le vélo. »

L’entrainement régulier provoque également une densification du réseau capillaire des muscles concernés par l’effort, une augmentation du volume sanguin et des capacités de transport de l’oxygène. Le glycogène est le premier carburant utilisé pendant l’effort, et c’est aussi le plus efficace. Mais les réserves sont limitées, au contraire des acides gras, un carburant moins efficace mais qui permet d’aller très loin. L’amélioration de la condition physique liée à un entraînement régulier et aux adaptations de l’organisme permet de repousser le seuil à partir duquel les réserves limitées de glycogène sont utilisées au profit des réserves de graisses.

La fréquence cardiaque « de réserve »

En revanche, l’entraînement a peu d’incidence sur la fréquence cardiaque maximale. Celle-ci est individuelle et peut varier fortement d’un individu à l’autre. Elle diminue avec l’âge. Il existe plusieurs formules pour calculer la fréquence cardiaque maximale, dont la plus célèbre est la fameuse 220 – l’âge pour un homme et 226 – l’âge pour une femme (par exemple pour un homme de 40 ans : 220 – 40 = 180 bpm de fréquence cardiaque maximale). Ce n’est qu’une indication, le mieux est d’effectuer un test de terrain, qui consiste à effectuer une accélérations progressive après échauffement, jusqu’au maximum de ses capacités sur 3 à 5 minutes, et de noter enfin la fréquence cardiaque à la fin de l’effort.

Vous pouvez ensuite noter votre fréquence cardiaque de réserve, qui se calcule en soustrayant la fréquence maximale à la fréquence de repos (par exemple 180 – 50 = 130). C’est à partir de là que vous ciblez une fréquence cardiaque qui correspond à une filière énergétique à privilégier pendant la séance. La formule dite de Karvoven permet de la calculer en multipliant la fréquence cardiaque de réserve par le pourcentage d’intensité voulu, et en ajoutant la fréquence de repos. Pour reprendre l’exemple de notre sportif de 40 ans avec une fréquence maximale de 180 et une fréquence de repos de 50, pour rouler à 85 % des capacités maximales, le calcul est le suivant : 130 (FC de réserve) x 0,85 (intensité cible) + 50 (FC de repos) = 160 bpm.

La fréquence cardiaque et les filières énergétiques

L’ATP (voir plus haut) est la principale source d’énergie directement utilisable par la cellule. Selon l’intensité de l’effort, l’organisme n’utilise pas les mêmes substrats énergétiques et ne produit pas de l’ATP de la même façon. La première filière énergétique (et la principale dans les sports d’endurance) est nommée filière aérobie, et crée de l’ATP en utilisant de l’oxygène, et en dégradant le glycogène et les acides gras. Cette filière produit peu de déchets dans l’organisme et ses limites dépendent du VO2Max (Volume maximale de consommation de l’oxygène) et des réserves de glycogène. Les deux autres filières énergétiques sont l’anaérobie lactique et l’anaérobie alactique. La première produit de l’ATP en dégradant le glycogène exclusivement, mais en produisant également de l’acide lactique, lui-même responsable d’une acidose musculaire, qui limite rapidement l’activité (rarement au-delà de 2 à 3 minutes à cette intensité très critique). La seconde produit de l’ATP en dégradant la phosphocréatine, présente en très petite quantité dans l’organisme, pour des efforts courts et explosifs de quelques secondes. Heureusement, les réserves de phosphocréatine se reconstituent rapidement, en quelques minutes. Le glycogène quant à lui ne se reconstitue pas avant plusieurs heures, ce qui explique que la gestion de l’effort et des réserves revêt toute son importance. Pour la filière anaérobie alactique, la fréquence cardiaque n’est absolument pas significative (la puissance en watts, oui !). Elle est un peu plus significative pour la filière anaérobie lactique, mais la durée et l’intensité de l’effort dépendent des réserves de glycogène (qui diminuent à vitesse grand V) et la capacité à supporter l’acidose. En clair, vous disposez de très peu de cartouches au court d’un entrainement ou d’une course. C’est surtout au sein de la filière aérobie que la fréquence cardiaque est importante, car selon le principe de Fick (1870), elle est en relation directe avec la consommation d’oxygène.

L’utilisation du cardiofréquencemètre

Après un test d’effort en laboratoire ou en croisant les données issues de votre expérience, vous pouvez utiliser la fréquence cardiaque comme une sorte de régulateur pour calibrer l’intensité de l’exercice. Il ne faut toutefois toujours pas perdre de vue que cette méthode est moins précise qu’un capteur de puissance, car il existe toujours ce principe d’inertie, et les facteurs extérieurs qui peuvent conduire à ce qu’on appelle une dérive cardiaque. Reste que l’affichage des battements cardiaques renseigne assez bien sur les sources d’énergie utilisées, et aide à la gestion de l’effort.

  • On parle par exemple de récupération active pour un effort très facile qui a pour objet de seulement drainer les déchets des séances précédentes (avec une fréquence cardiaque jusqu’à 50 % des capacités maximales, jusqu’à 115 bpm pour reprendre notre sujet de 40 ans avec une FC de repos de 50 bpm).
  • Vient ensuite l’endurance de base, qui utilise principalement les graisses de réserve comme source d’énergie (avec une fréquence cardiaque de 50 à 70 % des capacités maximales, entre 115 et 141 bpm pour notre sujet).
  • Puis la zone dite seuil aérobie pour un effort effectué en aisance respiratoire à moyenne intensité (avec une fréquence cardiaque de 70 à 80 % des capacités maximales, entre 141 et 154 bpm pour notre sujet). Cette allure est plus ou moins rapide selon votre niveau d’endurance, mais elle permet de trouver le bon équilibre entre l’apport d’oxygène et sa consommation, et utilise encore les graisses de réserve en plus du glycogène) comme source d’énergie.
  • Plus rapide et exigeante est la zone tempo, qui se situe encore dans une zone d’équilibre, mais où les sucres commencent à être mobilisés sérieusement, sans toutefois produire de déchets (avec une fréquence cardiaque autour de 85 % des capacités maximales, soit 160 bpm pour notre sujet ). L’effort est limité dans le temps par l’épuisement des réserves de glycogène.
  • On arrive ensuite au seuil anaérobie, une allure soutenue  qui provoque un inconfort respiratoire et des tensions musculaires (avec une fréquence cardiaque autour de 90 % des capacités maximales, soit 167 bpm pour notre sujet). On est à la limite de l’équilibre entre la production des déchets qui provoquent l’acidose, et leur élimination pendant l’effort. C’est l’allure maximum que l’on peut tenir sur 20 minutes.
  • Pour finir, on parle de PMA (comme puissance maximale aérobie), qui correspond à la puissance limite atteinte à VO2 Max, c’est-à-dire la puissance maximale que l’on peut atteindre sur 5 minutes environ (avec une fréquence cardiaque à 95-100 % des capacités maximales en fin d’effort).

Bien sûr, ces seuils de fréquence cardiaque sont indicatifs et dépendent du passé sportif et du niveau d’entraînement, voire des conditions extérieures. Un cycliste très endurant peut voir son seuil anaérobie avec une fréquence cardiaque très proche des 92-95% des capacités maximales, alors qu’à l’inverse un débutant peut avoir ce même seuil autour de 75/80 %. Mais ils montrent qu’une séance mal conduite peut ne pas produire les effets escomptés. D’où l’intérêt de rouler avec un cardiofréquencemètre, et de coupler les informations qu’il délivre avec ses propres sensations. C’est un véritable compte-tours qui permet de savoir comment gérer un effort, mais aussi comment travailler pour optimiser le rendement des différents seuils au sein de la filière aérobie. Un cardiofréquencemètre permet aussi de mesurer votre fréquence cardiaque maximale et de repos en direct. Selon son niveau de gamme, ce type d’appareil peut aussi vous livrer d’autres informations en plus de la fréquence cardiaque instantanée : moyenne et maximale de la séance, calories dépensées (en rapport avec l’âge, le poids, et les bpm), la vitesse et la distance avec un mode GPS, et même vous rappeler des temps intermédiaires avec un signal sonore pour programmer des exercices spécifiques. Essentiel pour tout cycliste sérieux qui prend en main sa propre activité.

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3 commentaires sur “Entraînement : l’intérêt du cardiofréquencemètre”

  1. Modeste pédaleur , sans charme , j’ utilise une ceinture cardiaque depuis 1989 . Elle n’ a pas fait de moi un champion mais m’ a permis de mesurer et de visualiser en direct mon seuil de fatigue . Et j’ ai côtoyé des Pros qui m’ ont dit que c’ était des c…….s , mais enfin , si l’ intelligence était incarnée par eux ,
    Ça se saurait !
    Beau résumé , Bon Vent à Vélo et Channel !

  2. Je suis en phase avec toutes ces notions de physiologie du cyclisme et j’aimerai bien connaître le signataire ce cet article. Nous avons probablement des relations amicales communes

  3. bonjour,
    au sujet des pourcentages de FCmax, je m’aperçois que vous utilisez: %(FCmax-FC repos) + FC repos, alors qu’il me semble qu’on utilise habituellement et tout simplement %FCmax.
    j’ai l’impression que prendre votre calcul est plus adapté mais qu’en est-il exactement?
    car supposons une FCmax de 160 et FC repos de 60, dans le 1er cas on a, si on veut 50%, une FC de 110 et dans le deuxième cas de seulement 80.

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