33000 km avec un Quarq

Deux saisons avec un capteur de puissance

Les capteurs de puissance, s’ils restent chers, interpellent de plus en plus de pratiquants. Que peuvent-ils apporter concrètement dans la gestion de la condition physique ? Retour sur deux ans de test et plus de 33000 km avec deux capteurs de puissance Quarq.

Q1

Je roule depuis trente ans. J’ai connu les maillots en laine, les pédales à cale-pieds, les changements de vitesses au cadre, les cadres acier et six pignons derrière. Mais l’évolution la plus importante pour moi dans la pratique du vélo concerne les méthodes et les outils d’aides à l’entraînement. Le capteur de puissance en est le meilleur symbole.

La mesure de la fréquence cardiaque aujourd’hui dépassée

J’ai acquis mon premier cardio-fréquencemètre en 1988. Jusqu’en 2012, cet outil a été ma référence principale. Mais une référence qui s’est révélée de plus en plus imprécise, non pas en raison de la qualité des appareils, mais plutôt de l’évolution de mon physique d’une part et de l’amélioration des connaissances en matière d’entraînement d’autre part. En prenant de l’âge, on relativise l’affichage des pulsations cardiaques, car non seulement la fréquence cardiaque maximale diminue, mais nous sommes aussi plus sensibles à la fatigue ou à un entrainement foncier conséquent. En clair, le cœur paraît moins « élastique », donc moins sujet à monter haut en fréquence lorsque nous enchainons les longues sorties. De ce fait, l’affichage de la fréquence cardiaque n’est pas toujours le reflet de la réalité de l’effort, surtout lors des intensités courtes. Et à l’inverse, des facteurs extérieurs tels que la chaleur, la déshydratation ou un virus font monter les pulsations alors qu’en réalité l’intensité de l’effort diminue.

Avec l’expérience, nous apprenons à corréler les indications du cardio-fréquencemètre avec nos sensations. La plupart des entraineurs français utilise une échelle de mesure qui sert désormais de référence : l’échelle ESIE (Echelle Subjective de l’Intensité de l’Exercice), avec sept niveaux d’intensités (de I1 à I7), et qui correspondent à notre perception de la difficulté à un moment donné. Tout comme l’étaient les notions de seuils cardiaques qui servaient et servent encore à déterminer des plans d’entrainement, cette échelle permet d’adopter un langage commun et compréhensible par tous, ou presque, sans tenir compte des facteurs extérieurs.

ESIE

La puissance, véritable valeur étalon

La mesure de la puissance développée par le cycliste est une évolution très importante en matière d’entraînement. Contrairement à la fréquence cardiaque, il n’y a aucune inertie dans l’affichage de la puissance. Il suffit d’accélérer pour constater immédiatement une élévation de la puissance exprimée en watts. Ou à l’inverse de fatiguer pour constater une baisse de rendement. La puissance permet de mesurer la cylindrée du coureur et ses capacités en fonction du type d’effort, et bien sûr de tenter de les améliorer en ajustant les intensités de l’exercice. Grimpeur, rouleur, sprinter ? La puissance développée en fonction de la durée de l’effort et du type de terrain apporte la réponse. Chaque sortie et chaque type d’exercice, de quelques secondes de sprint explosif à plusieurs heures, permettent d’établir un Profil de Puissance Record (PPR), qui, au moment de l’analyse donne une vision assez précise de l’état de forme et des capacités à améliorer.

Différents logiciels d’analyse sont disponibles, avec ou sans abonnement, comme Goldencheetah, Trainingpeaks ou Strava par exemple. On peut aussi s’aider des travaux du physiologiste Andrew R.Coggan, qui a défini différents profils d’athlètes en fonction de la puissance exprimée en watts/kilo de poids corporel. À partir de données qui deviennent rapidement concrètes, l’idée est bien entendu d’optimiser le temps passé à l’entraînement. Mais un capteur de puissance peut aussi servir à comparer le matériel utilisé (en se calant à une puissance précise et en relevant les différences de vitesse ou de chrono), ou l’impact aérodynamique d’une position sur le vélo par exemple.

Le montage du Quarq

Un capteur de puissance fonctionne avec des jauges de contrainte, qu’il soit placé au niveau du pédalier, du moyeu ou des pédales. L’appareil en mesure la déformation en fonction du couple appliqué sur les pédales, puis avec la cadence de pédalage, il en déduit la puissance exprimée en watts. Il existe une dizaine de capteurs de puissance sur le marché, de 700 à 4000 € environ. Trois modèles semblent faire l’unanimité parmi les entraineurs renommés en France, pour leur précision, leur fiabilité et la stabilité des mesures : SRM et Power2Max, deux capteurs placés dans le pédalier, et Powertap, placé dans le moyeu arrière. Chacun possède ses avantages et ses inconvénients (prix et poids notamment). D’autres modèles méritent notre intérêt, comme le Pioneer et le Quarq, même s’ils sont moins connus. C’est un appareil de ce type que j’ai monté en janvier 2013, un capteur de puissance S975 de millésime 2011 en version BB30 (une version GXP pour boitier traditionnel est également disponible), qui avait déjà effectué pas mal de kilomètres.

Le système Quarq accuse un embonpoint  d’environ 170 g de plus qu’un pédalier Sram du même niveau de gamme. L’installation nécessite le montage d’un aimant sur la face externe de la boite de pédalier pour mesurer la cadence de pédalage, tout près des roulements. Avec un petit carré de scotch double face, mon aimant n’a bougé qu’une seule fois en deux saisons. Heureusement, l’aimant est resté coincé entre l’étoile du pédaler et le boitier, ce qui m’a évité de le perdre. Lors de l’installation du pédalier, il n’y a qu’une contrainte à respecter : le couple de serrage des manivelles, à 10 Nm. Sur le Quarq, la pile bouton CR2032 peut être changée par l’utilisateur. L’autonomie est donnée pour 300 heures, ce qui s’avère vérifié dans les faits. Le système s’accouple très facilement avec un compteur sans fil, grâce à la transmission ANT+. Sur un Garmin, il suffit d’effectuer une recherche pour que les deux appareils soient définitivement reliés. Donné pour +/- 1,5% de précision, le Quarq offre la possibilité de changer de plateaux, grâce à la fonction OmniCal, sans calibration en usine. Néanmoins, je n’ai pas utilisé cette fonction.
Sensible aux variations de température, le capteur de puissance demande un étalonnage avant chaque sortie. Pour ce faire, il suffit de placer la manivelle côté pédalier en bas et de lancer la procédure via le compteur. Cela prend quelques secondes. Il faudrait dans l’idéal placer le vélo en extérieur une vingtaine de minutes avant le début de la sortie, surtout dans le cas d’une forte différence de température avec l’intérieur de la maison ou du garage. Cette procédure peut être refaite au cours de la sortie pour éviter les dérives de mesures, tout simplement en effectuant cinq tours de pédalier en arrière en roulant. Cela peut être utile quand les conditions climatiques changent au cours de sortie.

Q3

Les premiers tours de roues

Grâce aux multiples fonctions qu’offrent les GPS/compteurs actuels comme les Garmin par exemple, il faut tâtonner un peu avant de choisir l’affichage qui convient dans le cas de l’utilisation d’un capteur de puissance. J’ai très rapidement abandonné l’affichage de la puissance en instantané, car pour les exercices spécifiques où on vise une intensité précise, il est plus facile de gérer avec l’affichage de la moyenne sur les trois dernières secondes. Sur mon écran, j’ai choisi d’indiquer également la moyenne de puissance sur la durée de mon circuit intermédiaire (l’objectif de l’entraînement visé), la puissance moyenne de la sortie (pour évaluer la difficulté moyenne de celle-ci), la puissance maximale (utile pour des séries de sprints), la cadence, et bien sûr la vitesse et le chrono. Si mes derniers tests de VO2 max en laboratoire remontent à 7 ou 8 ans, je disposais tout de même de quelques bases pour savoir approximativement où se situaient mes seuils aérobie et anaérobie, ma PMA, ou ma puissance maximale. Pourtant, pour que l’utilisation d’un capteur de puissance soit rapidement efficace, il est nécessaire d’effectuer des tests régulièrement, et notamment d’établir les meilleures performances possibles sur 30’’, 1’, 5’ et 20’. À partir de là, nous pouvons établir un plan d’entrainement qui se base sur la puissance, et non plus sur la fréquence cardiaque. En travaillant essentiellement autour de l’intensité I4, à raison de trois sorties spécifiques par semaine, j’ai gagné 50 watts à I2 et 25 watts à I4 en six semaines. J’ai alterné les séries longues, très difficiles quand il s’agit de maintenir une puissance constante jusqu’à 20’, avec une dérive cardiaque assez importante, et les séries courtes, qui permettent de s’assurer de faire la dixième fraction d’effort à la même intensité que la première.

Q2

Erreurs de mesures

Au cours d’un printemps 2013 froid et humide, j’ai constaté quelques rares incohérences, dues à la sensibilité du capteur S975. À trois reprises, notamment le jour ou le lendemain où j’avais rencontré des conditions climatiques extrêmes, les données affichées se sont montrées farfelues, sans que je puisse réétalonner le capteur en cours de sortie. Ces erreurs ne se sont plus reproduites par la suite. Après onze mois et 18000 km d’utilisation, le S975 a dû partir en SAV suite à une erreur de manipulation de ma part. En voulant changer la pile, j’ai cassé le support et ma tentative de réparation n’a fait qu’aggraver le problème. Appareils de haute technologie, les capteurs de puissance sont aussi plus fragiles que des pédaliers classiques.

Un Quarq Sram Red plus stable et plus fiable

En retour, j’ai récupéré une version plus récente du Quarq : un Sram Red millésime 2013. Celui-ci apporte une fonction supplémentaire : la mesure de la puissance jambe droite/jambe gauche, qui peut être utile pour contrebalancer des déséquilibres. Cette version m’a semblé insensible aux variations de températures. Je n’ai plus eu affaire à des affichages incohérents de la puissance tout au long de la saison 2014. Mieux : mes courbes de puissance record des années 2013 et 2014 se superposent presque parfaitement, sans tenir compte bien sûr des trois sorties où le S975 était mal étalonné, et ce avec deux appareils différents. Preuve s’il en est de la fiabilité et de la stabilité globale des mesures avec le système Quarq. Grâce à cet appareil, j’ai pu à plusieurs reprises effectuer des tests pour quantifier le gain en termes de rendement de plusieurs paires de roues. Et surtout, j’ai pu optimiser mon entrainement, non pas en progressant, mais au moins en diminuant l’impact de l’âge sur mes performances. J’ai fonctionné la plupart du temps en superposant mes courbes de puissance record, analysées après chaque sortie : la performance du jour comparée à la meilleure performance de l’année en cours ou à celle de l’année passée, et à celle des six dernières semaines. Ainsi, je pouvais sans cesse rééquilibrer le contenu de mes sorties. Lorsqu’on met l’accent sur une qualité à travailler, on diminue le niveau d’autres qualités, par le principe des réservoirs communicants. La forme s’obtient par un subtil équilibre qu’on apprend aussi à gérer avec l’expérience. Parce que attention : le piège de l’entraînement avec un capteur de puissance, c’est aussi d’oublier de récupérer. Environ un tiers de mes kilomètres annuels a été fait avec un autre vélo sans capteur, et uniquement géré aux sensations. Reste qu’aujourd’hui, l’investissement me semble indispensable pour un jeune compétiteur qui désire à la fois progresser durablement et mieux se connaître. Un investissement bien plus profitable que n’importe quelle paire de roues carbone. Avec cette dernière génération de capteur de puissance, Quarq est en tout cas au niveau des SRM, Powertap et Power2max en termes de fiabilité et de reproductibilité des mesures.

Site Web : www.quarq.com

> Autres articles Entraînement : www.velochannel.com/Entraînement
> Autres essais produits : www.velochannel.com/Roulé
> Vous pouvez suivre VeloChannel sur Facebook/VeloChannel et sur Twitter@VeloChannel

Un commentaire sur “33000 km avec un Quarq”

  1. Ajuster son entrainement cycliste sur le rythme cardiaque est en effet bien pratiqué, sur la puissance développée beaucoup moins. L’individu s’adapte en fonction des informations reçues. Avec un vélo électrique l’assistance c’est le vélo qui se cale sur l’objectif d’entrainement. En particulier certaine console peuvent se coupler à une ceinture receptionnant le rythme cardiaque de l’ individu. L’assistance etant régulée sur le rythme cardiaque il est plus facile de cibler une filière énergétique en se préoccupant moins du profil de l’itinéraire.
    La plupart des vélo électriques sont également dotés d’un capteur de puissance. L’assistance du vélo devrait également pouvoir se caler sur ce critère…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.