1ere Chilkoot Quest, le récit vécu de l’intérieur !

Chilkoot Quest #1, le trésor d’automne

Voilà quelques années que les événements Chilkoot sont apparus dans notre paysage, avec des thèmes et formats atypiques qui font que chaque épreuve est unique et magique. Quelques mots simples pour résumer les épopées de cyclistes ayant soif de dépaysement, cette première Chilkoot Quest n’aura pas failli à ses obligations !

Par Sébastien Morin – Photos : Bereflex (Julien Boulanger) et Sébastien Morin

Cette année 2018, Chilkoot propose la première édition de la Chilkoot Quest, 3 jours Allroad en montagne avec un mix intéressant entre goudron et chemins pour relier Briançon à Chamonix pour faire le pont du 1er novembre de la plus belle des façons. «L’édition des Pionniers», pensée par Luc Royer, a marqué la transition entre l’été indien et l’hiver ! Sébastien Morin (rider passionné créateur de Boost Cycles) nous livre son expérience au coeur de l’événement.

Cette Quest, elle me tentait depuis sa révélation. Le défi à relever avec ses 280 km et 11 000 m de dénivelé +, le format mixte entre autonomie et épreuve à étapes, mais surtout cette part de mystère malgré les traces GPX communiquées bien en amont…

Et puis, de manière certaine, l’esprit convivial que l’on retrouve à chaque événement Chilkoot. Une évidence pourtant si compliquée à reproduire, qui donne envie de revenir inlassablement. J’aime ces épreuves qui se préparent bien avant d’être arrivé sur place. Le pilote, la machine, le matériel, la logistique… Car bivouaquer à plus de 2 000 m d’altitude au mois de novembre demande quelques équipements spécifiques. Arriver à Briançon un 1er novembre depuis Paris pour repartir de Chamonix 3 jours plus tard nécessite également un minimum de réflexion. L’aventure début donc quelques semaines avant…

La semaine précédent le départ de cette première Chilkoot Quest aura occasionné pas mal d’inquiétude. Les conditions météo se sont subitement dégradées dans le massif alpin alors qu’un soleil quasi estival régnait encore le week-end précédent. Après pas mal d’hésitation et grâce à une fenêtre météo s’améliorant, le feu vert a finalement été donné et il allait falloir composer avec la neige tombée en abondance sur certaines portions du tracé, notamment dans la partie Sud de l’itinéraire. Deux membres de l’organisation, Gaëtan et Julien, feront cette traversée dans un 4×4 qui restera au contact des participants afin de sécuriser l’équipage. La Chilkoot Quest n’est pas une course, c’est une aventure sportive et humaine quel que soit son niveau de forme.

Il est 6 heures du mat’ le 2 novembre…

Accueil des participants le 1er novembre en fin de journée puis première nuit avant de se lancer à la conquête de la haute montagne. Un équipage de 8 cyclistes et 5 organisateurs se dirige vers la porte de Pignerol de la Citadelle de Briançon, lieu du véritable départ de cette épopée. Pour ce premier jour, l’organisation disposera de 3 véhicules car il sera nécessaire d’effectuer un transfert par la route, le col du Fréjus étant inaccessible à cause des fortes chutes de neige, une difficulté qui sera donc contournée.

Après un petit-déjeuner rapide, on attaque par une montée en pente douce jusqu’au Col de l’Echelle, à 1 760 m d’altitude, pour basculer en Italie, à Bardonecchia. Les sensations sont bonnes pour cette première montée, exclusivement sur route. Plus nous avançons, plus les conditions se dégradent et nous arrivons au col sous la neige. La route est néanmoins dégagée. Je sens que la descente va être épique… Nous arrivons presque groupés à Bardonecchia, sous la pluie, frigorifiés par la descente. Nous décidons de nous réchauffer et de nous sécher quelques instants dans un café. Cette pause est bienvenue, les radiateurs du café sont recouverts de nos vêtements détrempés.

Il est temps de repartir,  nous nous répartissons dans les véhicules pour repasser à nouveau en France via le Tunnel du Fréjus. Arrivés à Modane, nous reprenons les vélos et récupérons le 9ème participant, « régional de l’étape » à qui l’on doit le tracé alternatif que nous allons suivre jusqu’au matin du second jour, déviation imposée par les hauteurs de neige trop importantes sur 2 des cols de l’itinéraire. Après une longue portion de route plate, notre porte d’accès à la vallée de la Tarentaise sera le col de la Madeleine. L’idée d’un col aussi long sur la route ne m’enchante pas, mais je me dis que ce sera une belle expérience. Et ce le fut !

La descente est superbe, mais piégeuse. De nombreux virages sont ouverts vers le précipice, je garde toute ma concentration. Les 1000 m négatifs sont vite avalés et nous enchaînons avec la dernière difficulté de la journée qui nous emmène à plus de 1700 m d’altitude avant de redescendre vers le col de la Coche. J’y arrive à la nuit tombée avec 2 autres compagnons, alors que mes forces sont bien entamées et après avoir « jardiné » sur la partie finale. L’obscurité rend la navigation hasardeuse sur cette piste. A la première bifurcation, nous avons suivi les traces de pneus, mais dans la descente, nous n’avons pas vu un embranchement dans un virage. Heureusement, mon smartphone, mon GPS avec fond de carte IGN et les indications par téléphone de Luc Royer (l’organisateur) nous permettent de retrouver la bonne orientation.

Fin de cette première journée, 126 km et 3000 m de D+, il est temps de monter la tente et de s’installer. Un grand moment de plaisir… Un froid humide envahit notre campement. Heureusement, Chilkoot a fait les choses en grand sur ce bivouac : feu de camp, tente pour l’accueil et le dîner, somptueux repas et génépi. Royal ! L’ambiance au sein de notre petit groupe est absolument géniale !

Oh que c’est Joly !

Au réveil, je prends conscience de la sévérité des conditions. Mon duvet est plus qu’humide en surface, la toile de tente est gorgée d’eau et mes sacoches de bikepacking gelées par le froid de la nuit. Mais, c’est un ciel totalement dégagé et une vue paradisiaque que je découvre en sortant de ma tente. Ce moment de surprise est magique !

On attaque cette deuxième journée par une descente très agréable jusqu’à Moutiers, que l’on traverse rapidement avant d’emprunter une petite route qui s’élève vers Hautecour. Un secteur sympa durant lequel nous allons même improviser en prenant un sentier relativement technique.

Après un déjeuner rapidement avalé, mais dans un décor de rêve et sous un beau soleil qui invite à s’assoupir, il est l’heure d’attaquer les choses sérieuses avec le Cormet d’Arêches et ses 2100 m d’altitude. Dès les premiers mètres d’ascension, je sens que ça ne va pas, les jambes sont sciées et je ressens toute cette acidité créée par des efforts violents. Le moral en prend un coup car je sais qu’il reste encore 2 énormes difficultés… Je décide de monter doucement en queue de peloton, décision facile à prendre car elle s’impose comme une évidence, incapable de tenter autre chose. La montée au Cormet d’Arêches est aussi interminable que belle. La petite route forestière laisse place à une belle piste en lacets. J’en profite pour bien m’alimenter, me persuadant que je vais bien finir par retrouver mes forces. Et c’est vrai qu’au fur et à mesure de la montée les jambes retrouvent un peu de vigueur. Quelle joie lorsque j’arrive au col ! La neige est bel et bien là, j’amorce la descente prudemment, parfois il faut pousser le vélo dans cette neige ramollie par le soleil. Mais quelques mètres plus bas, je peux enfin lâcher les freins. Quel bonheur d’arriver au Lac de St Guérin et de rejoindre une bonne partie du groupe ! Nouvelle pause pour se requinquer avant de descendre vers Arêches puis Beaufort. La dernière difficulté du jour nous tend les bras, peu avant la montée, j’ai cru entendre qu’il ne restait que 10 km d’ascension avant le bivouac prévu au Col du Joly. Je suis dubitatif car je sais qu’une grimpette de 1000 m de D+ nous attend, 1000 m pour 10 km, ça ne va pas rigoler…

La pente des premiers lacets est forte, comme souvent, une nécessité pour s’extirper de la vallée. Mais les jambes sont de nouveau là, je suis surpris, ça ne durera malheureusement pas longtemps… J’ai probablement été un peu trop optimiste sur mon niveau de forme du jour. Alors que la pente est désormais quasi inexistante et que les kilomètres défilent, je suis alors certain que ces 10 km d’ascension en feront 20. D’ailleurs, alors que la nuit tombe déjà, je profite d’une rencontre avec une habitante pour lui demander la distance qu’il reste à parcourir jusqu’au Col du Joly, «10 km» me répond-elle… Je suis blasé. Mais comment pouvait-il en être autrement… Je me remets alors en mode « randonneur », je dois aussi me faire à l’idée que je vais à nouveau monter ma tente en pleine obscurité. La montée est régulière, j’allume les éclairages, je commence à avoir froid malgré la montée, ce n’est pas bon signe…
Gaëtan et Julien arrivent à mon niveau avec le 4×4 et m’annoncent que nous bivouaquons finalement 4 km en dessous du Col à cause du vent et des conditions hostiles qui règnent au col. J’adore ces mecs !

85 km et 3000 m de D+ environ pour cette seconde journée avant d’arriver au campement Chilkoot dressé à proximité d’une ferme inoccupée. Comme la veille, sans attendre, je commence par monter la tente. Je suis frigorifié par le vent qui souffle par rafales. La nuit va être claire, donc beaucoup plus fraîche. Sitôt la tente montée et mes affaires installées, j’enfile le maximum de couches possibles. Je n’arriverais pas à me réchauffer de toute la soirée, pourtant collé au feu de camp. Ce feu de camp attirera de plus en plus de guerriers au fil de la soirée. Pour se réchauffer ou pour faire griller des marshmallows, à ce jeu-là, le King s’appelle Pierre !

J’ai envie de dormir, mais pas pressé de rejoindre le froid. Je n’ai aucune idée de la température et je n’arrive pas à déterminer si c’est moi qui, terrassé par la fatigue, ne résiste plus au froid ou bien s’il fait réellement froid. Je finis par me glisser dans le duvet sans ôter une seule de ces multiples couches. Victoire ! Je suis rassuré. La nuit va être bonne.

Chamonix c’est fini

Ce 3ème jour s’annonce tout aussi beau. Même rituel matinal, tout démonter et tout ranger. J’ai retrouvé des forces et Luc Royer nous assure que nous allons finir cette traversée en apothéose ! Au menu, 35 km pour 1200 m de D+ environ.

Les quelques kilomètres d’ascension du Col du Joly sont vite négociés, mais attention, ça glisse fort. Le pneu arrière patine en montée sur l’asphalte, ça risque d’être engagé dans la descente… Et bien, non car c’est par une piste que nous descendons pour rejoindre Les Contamines. La neige très froide est dure et confère une bonne accroche au départ de la descente. Hyper ludique ! Après un regroupement peu après le col, j’entends un «Go» collectif et je m’élance en premier dans la pente, gros moment de plaisir cette descente par les pistes de ski. Rien de très engagé, mais il faut être vigilant car la pente est forte et le terrain accidenté. J’arrive aux Contamines. Seul… Les secondes passent, les minutes. Toujours personne. Pourtant je suis la trace. Un coup de téléphone à Gaëtan et je comprends que le groupe m’attendait en haut.

Regroupement aux Contamines avant de repartir, tous ensemble, et d’attaquer l’ultime difficulté de cette journée, le Col de Voza. Le terrible col… Les premiers lacets sont là pour nous avertir que ce ne sera pas facile, ça se calme ensuite pour repartir dans des pourcentages de pente incompatibles avec une pratique classique du Gravel à partir du hameau de Bionnassay. Mon œil est inlassablement attiré par le refuge du Goûter. La vue est splendide et la pente oscille régulièrement en 20 – 25%, voire 28%. Pour moi, ça se passera à pied… Il fait chaud en arrivant au col, mais quelle délivrance, je retrouve une bonne partie du groupe étendu au soleil sur le quai du Tramway du Mont-Blanc. Une fois que le groupe est reformé, il est l’heure de se lancer dans l’ultime descente. Quel pied ! Je lâche les freins, celle-là elle est méritée ! L’arrivée à Chamonix, près de la statue de Balmat et Saussure, est un grand moment d’émotion. C’était une formidable aventure durant ces 3 jours qui m’ont fait quitter le monde réel. Je suis heureux et fier d’avoir fait partie de cette épopée, d’avoir rencontré des guerriers attachants, j’y reviendrai, c’est certain !

Cette première Chilkoot Quest était l’occasion d’inaugurer un parcours que l’on retrouvera au calendrier Chilkoot 2019, du 5 au 7 juillet (à noter sur les agendas !), une période de l’année où l’on devrait être en mesure d’effectuer le parcours dans son intégralité sans à avoir à shunter certains cols enneigés comme ce fut le cas ici. Au final ce sont 246 km (sur les 280 initiaux) qui ont été couverts avec un cumul de 7300 m de D+ (au lieu de 11000 m).

Infos et autres organisations Chilkoot : http://chilkoot-cdp.com

Le vélo utilisé : Rodeo Adventure Labs Flaanimal 4.0

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5 commentaires sur “1ere Chilkoot Quest, le récit vécu de l’intérieur !”

  1. Merci ! Super récit , tu avais monté quoi comme pneus les Elwood? Et niveau braquet ?
    Félicitations en tout cas et merci pour les photos , bravo

  2. Un bien beau récit Sébastien!! çà laisse rêveur; une bien belle équipe de pionniers!! Bravo à tous amicalement émilien

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