Portes ouvertes Cyfac : Les entrailles de la célèbre manufacture de cycles !
Les deux journées portes ouvertes EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) furent l’occasion de se rendre chez CYFAC, incontournable cadreur français de renommée internationale travaillant tous les matériaux sans aucune limite. La marque tourangelle vous ouvre ses portes !
Texte : Philippe Trochon – Photos : Philippe Trochon, Kris le Rouge et Julie Racing Design, Cyfac
Nous avons tout d’abord eu le plaisir de rencontrer Francis Quillon, à l’origine de Cyfac. Francis, ancien cycliste amateur du groupe sportif Meral qui a appris à fabriquer des cadres pendant les trêves hivernales chez Philippe à Blois a été Chef des ateliers chez Meral, manufacture de vélos à Hommes au nord ouest de Tours..
1982, date du début du commencement !
A la fin des années 70, le groupe Meral est revendu et Francis décide de s’installer à son compte dans son garage pour fabriquer des cadres destinés aux marchands de cycles et cyclistes locaux. Francis continue donc de fabriquer des cadres de l’autre côté de la route, toujours à Hommes, et devra trouver un nom pour déclarer son travail aux yeux de l’état. Cycles Fabrication Artisanale de Cadres, la marque Cyfac est née !
En 1987, Francis est contacté par l’équipe Système U (le directeur sportif était Cyril Guimard et le leader Laurent Fignon) pour réaliser une série de cadres (sous marque Raleigh) pour le Tour de France. La qualité des vélos fournis à l’équipe commence à créer un petit effet boule de neige au sein du peloton professionnel…
Nous verrons au début des années 90 les cadres Cyfac sous d’autres couleurs comme les Maxi Sports de Castorama, les MBK de l’équipe Cofidis à ses débuts, les VTT Peugeot Team Line du Team Peugeot-La Poste, les cadres de route de l’équipe Festina puis les vélos de l’équipe Jean Delatour qui seront eux estampillés Cyfac et permettront à la marque d’être bien davantage connu (et reconnu) par le grand public.
En plus des cadres acier à l’origine de la marque, Cyfac s’est ensuite intéressé à l’aluminium, puis le titane et enfin le carbone. Cyfac maitrise aujourd’hui tous ces matériaux comme nous avons pu le constater avec les quelques oeuvres admirables présentes.
Francis, maintenant retraité, personnage ô combien sympathique et décontracté nous a raconté cette petite histoire en toute humilité avec la passion et le sourire d’un homme accompli.
Des acheteurs potentiels se font alors connaitre auprès de Francis, et l’entreprise est alors acquise par José Alvarez, distributeur et grossiste s’occupant notamment de Specialized, Look, Easton, Vitus et BMC au début des années 2000 avant le déclin puis la liquidation d’Alvarez quelques années plus tard en 2008.
Après avoir éclairci une situation administrative ambiguë et compliquée, c’est à ce moment là qu’Aymeric Le Brun, qui avait intégré l’équipe en 2002 après un passage chez Look, se présente comme la personne la plus indiquée pour reprendre la société Cyfac à la barre du Tribunal de Commerce en 2008, en association avec le distributeur US de la marque, Eric Sakalowsky et Fabien Deweerdt, actuel directeur de production. Francis Quillon reste président d’honneur.
Sur le plan humain, ayant conservé l’équipe déjà en place, pas évident de passer du statut de collègue à celui de patron : « Je dirai que des difficultés rencontrées en 2013 avec une restructuration effectuée au sein de nos ateliers ont réellement forgé mon caractère et que j’ai compris l’ampleur de la tâche de gérer une entreprise de plus de 10 salariés. Depuis 2014, je pense que j’ai réellement endossé le costume de Patron.. et l’ai en tout cas assumé totalement ! » nous confie Aymeric.
Depuis, avec la passion et la maitrise d’Aymeric Le Brun, la marque ne cesse de progresser. Le savoir faire s’affine et les créations montrent de plus en plus les innombrables possibilités, parfois artistiques, sur la fabrication d’un cadre. Cyfac est d’ailleurs la marque privilégiée des athlètes handisport de haut niveau afin d’adapter l’outil à leur handicap, maintes fois récompensée par des médailles aux championnats du monde et jeux olympiques.
Durant la visite, guidée par Fabien Deweerdt le responsable Production et R&D, à travers les diverses parties de la manufacture, nous découvrons un public nombreux pour l’occasion, venant de divers horizons, passionnés ou simplement curieux de découvrir les entrailles de ce que l’Etat Français considère par Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) dont Cyfac est labellisée.
On échange quelques mots avec Damien, cadreur acier chez Cyfac qui maitrise le chalumeau comme pas deux, auprès duquel on reconnait quelques cadres d’une autre marque française connue et un très joli cadre VTT fraichement assemblé avant finition et peinture.
Puis Marc dans son atelier composite, issu de l’aéronautique et arrivé il y a 10 ans dans l’entreprise, on sent un homme animé qui s’éclate pour répondre aux demandes farfelues de conception, mais aussi quelqu’un qui cherche la fiabilité absolue lors d’une réparation carbone, que ce soit un Cyfac ou un cadre carbone conçu pour durer moins longtemps… Il nous explique d’ailleurs bien que leurs cadres carbone conçus en « Tube to Tube » sont donc des pièces uniques et bien que n’étant pas très lourds, sont vraiment conçu pour durer et apporter le comportement idéal aux spécificités de la pratique du pilote.
Ces dernières années, nous avons pu voir que l’artisanat français n’était pas mort et qu’il reprenait de l’ampleur face aux grandes marques et leurs carcans marketing, profitant du souffle de jeunes créateurs comme Victoire Cycles, Julie Racing Design, PechTregon, LaFraise, Berthoud, MILC, Vagabonde, Caminade et bien d’autres encore présents cette année au Concours de Machines pour donner un coup de jeune à la fabrication artisanale de cadres avec des géométries et formats plus au gout du jour, s’appuyant sur le savoir faire des ainés et laissant parler le « tout est possible ». L’avis d’Aymeric à ce sujet : « Il y a à la fois de l’admiration, de la jalousie parfois quand on voit quelques unes de leurs créations que nous aurions aimé faire, mais aussi et surtout du plaisir. En effet, leur vision des choses sûrement plus « neuve » et « dynamique» que Cyfac, nous a boostés à faire évoluer les géométries, les serrages, les intégrations, les douilles, les décos mais a surtout permis que l’artisanat dans le cycle soit de nouveau sur le devant de la scène et reconnu à sa juste valeur ! Sans le dynamisme de JRD ou Victoire par exemple, je ne sais pas si nous aurions réussi à imposer seuls l’idée qu’un cadre acier haut de gamme sur mesure et made in France puisse être plus cher qu’un cadre carbone monocoque ultra léger. Et il vaut toujours mieux être plusieurs à prêcher la « bonne parole » que seuls où nous sommes souvent inaudibles ! Dans tous les cas aujourd’hui c’est une véritable émulation et promotion de la fabrication artisanale du cycle en France qui existe depuis 3-4 ans et le Concours de Machines 2016 a illustré l’excellence de chacun de ces artisans… dans un esprit de confraternité ! Nous sommes définitivement plus forts quand nous sommes plus nombreux et que nous travaillons de façon plus intelligente. »
L’entreprise connait d’ailleurs un fort succès, faisant progresser son CA d’environ 6% entre 2015 et 2016 pour atteindre les 1,3 millions d’Euros. Ce succès est en partie du aux 30% réalisés à l’étranger (UK, Suisse, Belgique, US, Australie, Taïwan et Hong Kong). Bien connue aujourd’hui pour le modèle Inox XCR OS (acier) et l’Absolu V3 en carbone ainsi que pour les cadres intemporels un peu plus vintage à raccords, Cyfac souhaite : « Consolider notre position de cadreur aux multiples talents avec l’ensemble des savoir-faire intégrés (étude posturale, acier, aluminium, carbone, peinture…) mais également éclaircir notre politique de distribution pour Cyfac en conciliant ventes directes consommateurs avec partenariat détaillants passionnés par la marque et le sur-mesure. De nouveaux collaborateurs nous rejoignent petit à petit afin que la transmission du savoir-faire perdure mais également que le savoir-faire de Cyfac soit mieux mis en valeur sur nos réseaux sociaux et nos sites internet. Nous pensons que nous avons des carences dans la reconnaissance de nos savoir-faires et que notre communication peut être améliorée car nous avons énormément d’atouts à faire valoir ! » nous indique le boss.
Quand on demande à l’intéressé si le savoir-faire et l’historique Cyfac, référence en matière d’artisanat de cadres en france, ne sont pas trop difficiles à tenir comme réputation, Aymeric nous répond : « C’est toujours touchant d’être considéré comme une référence ! Nous avons un historique fort de 35 ans qui est à la fois une garantie pour le consommateur, mais également un engagement, une responsabilité et une promesse que nous devons assumer. Il est toujours plus facile de chuter que d’arriver au « sommet ». De même, notre histoire peut être perçue par certains comme synonyme d’entreprise « has been » qui a besoin de se moderniser… ce que nous faisons actuellement en faisant évoluer les lignes esthétiques de nos cadres et en les adaptant à tous les standards. La remise en question quotidienne de chacun des collaborateurs est indispensable pour ne jamais galvauder notre réputation. Enfin, la proximité et la disponibilité de ceux qui ont fait Cyfac (Francis Quillon son créateur, ou Francette ou Yves retraités qui prennent le café tous les matins avec nous) est aussi un soutien important pour que le futur s’écrive en respectant notre patrimoine ! »
Un week-end ensoleillé qui aura permis à certains confrères de Cyfac de venir leur rendre une petite visite amicale, parce qu’on est loin de l’esprit où il faut écraser l’autre à tout prix.
Infos et contact : http://cyfac.fr
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Superbe ! Merci pour toutes ces images et ce récit… même si ça me fait presque regretter de ne pas y être allé ! En tout cas, superbe atelier et magnifiques vélos.