MB Ultime, 30 heures avant la délivrance !

La MB Race version extrême

La MB Ultime et ses 235 kilomètres et 11000 mètres de dénivelé… Une épreuve qui fait rêver autant qu’elle effraie. Un défi redoutable né il y’a maintenant deux ans répondant au fameux slogan de l’événement « venez vivre la course la plus difficile du monde ». Après avoir vécu l’aventure Transmaurienne Ultra en 2021, il nous semblait évident de venir découvrir cette version XXL de la MB Race. Bienvenue en immersion dans cette 3e édition de la MB Ultime pour 30 heures au cœur de « l’enfer des Alpes ».

Par Fred Ischard – Photos : MB Race

Tout commence un soir de décembre où me vient l’idée de me lancer sur ce défi, deux ans après avoir bouclé l’Ultra de la Transmaurienne. J’ai 7 mois pour préparer l’affaire, ça laisse du temps pour un objectif fixé, boucler ce monstrueux défi. Des retours que j’ai pu capter sur les deux premières éditions, il semblerait que ce soit un petit cran plus difficile que ce que j’ai pu vivre en Maurienne précédemment. A moi de me lancer et de me faire ma propre idée. La base et la fondation d’un tel projet, c’est le choix de son équipier et ce choix est réellement capital pour maximiser ses chances d’aller le plus loin possible dans l’aventure.

Avant course : la préparation

Mon choix se porte rapidement et sans le moindre doute sur Sébastien, un excellent ami mais également un coureur sérieux qui sait parfaitement préparer ses échéances. C’est quelqu’un aguerri aux épreuves Ultra distance sur route avec une RAF et une POCO LOCO à son actif mais c’est également un vrai couteau suisse, pratiquant à excellent niveau le running, les triathlons hivernaux ou les XC Marathon à un très bon niveau. On a eut l’occasion de courir une bonne série de courses à étapes ensemble et c’est tout naturellement qu’il accepte ce défi. On s’inscrit et c’est parti pour une longue préparation. Alors de mon côté, je ne vais pas me focaliser en permanence sur cet événement, ce serait épuisant et pas forcément efficace. Par contre, chaque entraînement long ou chaque épreuve que je vais disputer me servira d’expérience utile au jour J.

Ma première vraie échéance ne sera pas avant le mois d’avril. De longues sorties hivernales jusqu’au mois de mars, quelques épreuves XCO de niveau acceptable pour se remettre gentiment dans le rythme des courses et ensuite une série de courses à étapes de 4 à 5 jours en avril avant de refaire un dernier bloc de sorties longues dont un test concluant sur une épreuve distance semi-ultra au mois de mai et pour finir une petite série de XC marathons exigeants les semaines précédant cette MB Ultime. Tout se passait plutôt bien avant de tomber malade dans les dernières semaines, m’épuisant considérablement. N’écoutant que mon coeur, je n’ai pas trop adapté le programme en conséquence et finalement privilégié le plaisir de courir, j’arrive un peu trop fatigué au départ à Megève.

Avant course : logistique quand tu nous tiens

Nous voici à J-2, je rejoins mon cher équipier à Combloux, certes sous le soleil mais les prévisions météo des jours à venir ne sont pas rassurantes du tout. Je cache mes émotions pour n’ajouter aucun stress à notre duo mais il faut se rendre à l’évidence, nous n’échapperons pas à la pluie et les quantités annoncées sont juste impressionnantes ! Allez, on récupère notre dossard, je fais bonne figure mais je n’en mène absolument pas large et après le choix de l’équipier, l’élément absolument capital à la réussite de l’épreuve va intervenir dans les heures qui suivent : la préparation des sacs de délestage qui nous seront acheminés dans les différentes bases vie ! Il va falloir être très minutieux dans le choix des affaires à emmener et encore plus vu les conditions météo qui nous attendent. On a trois sacs à confier à l’orga qui nous seront transférés dans trois bases vie dont une où l’on passera deux fois soit quatre possibilités de récupérer des affaires perso (c’est un vrai luxe qui me réconforte un tout petit peu).

Du coup le premier sac pour Beaufort sera rempli à bloc car on a deux passages sur cette base vie. Le second sac nous attendra aux Saisies et le troisième à proximité de La Giettaz plutôt en fin de parcours. Globalement dans chaque sac, c’est un rechange quasi complet minimum, une serviette et de la nourriture pour recharger en vue de la section suivante auquel se rajoute en fonction des bases vie, soit des affaires chaudes, soit des chaussures, du matériel d’éclairage ou autre… Ça prend vite plus de deux heures à préparer mais je le répète, cette opération est capitale lorsque l’on a pas une assistance à chaque base vie. Maintenant, place à la préparation des affaires que l’on aura sur soi pour les premières heures de course. Ils annoncent certes beaucoup de pluie mais pas du grand froid pour la journée. Du coup, trois couches suffiront pour le haut du corps avec un sous maillot léger et respirant, un maillot manche courte et un imper léger mais le plus étanche possible ( je remercie au passage un certain Jeff qui m’a obtenu un modèle Mavic qui va s’avérer juste absolument parfait), un cuissard court et une paire de chaussettes très hautes histoire de garder les mollets le plus au chaud possible et surtout chaque pied emballé dans un sac congélation et je peux garantir que ça nous sera vraiment précieux ! Pas de chaussures à semelle carbone pour cette première partie de course pour plus de souplesse. Ensuite, pas de sac qui bouge dans tous les sens mais mon fidèle gilet de trail de 3 litres. Il suffira pour y intégrer une flasque d’eau de 500mL qui se rajoute au bidon de 800mL sur le vélo. Deux compotes, des fioles de lubrifiant chaîne, des pastilles d’électrolytes et dans la poche principale dorsale une trousse à pharmacie de base avec couverture de survie, une trousse de nécessaire de réparation de base (deux jeux de plaquettes de frein, un jeu de cales chaussures, maillon rapide, valve tubeless, un jeu de chambres à air, du scotch, des rislans, un couteau), un gilet manche courte chaud et une paire de manchettes bien emballé dans un plastique et mon téléphone bien emballé dans une pochette étanche. En guise de nourriture pour les 5/6 premières heures, je ne prendrai que du sucré et ce que j’ai l’habitude de prendre sur un XC Marathon classique (mix pâtes de fruits/barres céréales/gels/compote). Seb a de son côté le même équipement sans la pharmacie mais avec de la précieuse monnaie, le tracker GPS et une boussole (heureusement elle ne nous servira pas) et le guide Roadbook (pour ma part je l’ai appris par coeur les deux jours avant le départ). Nous sommes prêts, un violent orage s’abat à 21h la veille de l’épreuve, j’ai vraiment la gorge nouée et je suis super triste, pour moi qui ne supporte pas les conditions humides, je me laisse grand maximum 20% de chances d’arriver au bout, ce que je garde pour moi par respect pour mon équipier. Bref, on prendra le départ et on verra mais il est clair que l’on en mène pas large en ce jeudi soir.

Section 1 (Megève=>Beaufort) : c’est parti !

Nous voici le jour J, le ciel est menaçant mais pour le moment il ne pleut pas. Dernier petit déj et direction Megève. Sur place, il n’y a encore pas beaucoup de monde nous ne serons qu’une petite cinquantaine de coureurs au départ de cette version ultime alors que les 1500 coureurs attendus sur la version Ultra ne partiront que le lendemain matin. Il ne reste plus qu’une demi-heure avant le départ, le temps de vérifier les derniers détails sur le vélo, confier nos précieux sacs de délestage et saluer quelques amis venus relever le défi, une pluie fine s’abat sur Megève mais reste acceptable pour le lancement du départ, moralement ça me rassure même si l’on a bien conscience qu’à un moment donné, la météo va se dégrader. Il est 10 heures, nous sommes 25 binômes au départ, tous enveloppés dans nos imperméables. Certains partent plus léger que d’autres niveau équipement dans le sac mais de notre côté, on assure niveau matos de sécurité sans pour autant emmener une garde robe dans le sac.

C’est parti pour un sacré chantier ! On quitte l’arche de départ, j’oublie les 235 kilomètres du parcours et je reste focus sur la Base Vie n°1, l’objectif étant d’atteindre Beaufort après 57 kilomètres de course dans les meilleures conditions possibles et ensuite on fera un point sur place. Le premier kilomètre est tout plat sur la route pour sortir de Megève, on déroule gentiment et on tape la discute avec des amis belges puis on se souhaite bonne chance, on bifurque à droite et c’est parti pour notre première ascension, enfin notre premier KV (kilomètre vertical) du jour longue de 15 kilomètres mais entrecoupée d’un bon replat. On débute par une montée sur asphalte sur une pente assez difficile que l’on a reconnu la veille, sans se mettre dans le rouge on se détache assez facilement du peloton sans faire de gros écarts, on maintient juste notre rythme pour ne pas prendre froid. On tape causette avec le vélo ouvreur présent pour prendre des photos à différents point du début de parcours. Après deux kilomètres de montée, quasi regroupement général et on quitte la route pour un chemin très raide et glissant, je fais l’effort pour passer à vélo derrière Seb qui paraît assez facile. Deux bons murs à franchir et l’on se retrouve en compagnie d’une équipe locale, un duo de l’équipe MB Race. Bon ba eux, ils doivent connaître le terrain par coeur et nous le font rapidement savoir. Après avoir gravis 400 mètres de dénivelé, nous voici sur le replat à dérouler sur une belle piste forestière. Il ne pleut quasiment pas et nous arrivons rapidement à la station du Bettex, par contre il fait vraiment gris et on ressent bien l’humidité, pour la vue pleine face sur le Mont Blanc on repassera. On passe devant un télésiège, seul élément nous permettant de distinguer la station du Bettex et on poursuit sur une piste forestière quasi plate où ça roule bien, on évite juste les grosses flaques afin de se protéger les pieds en ce début de course. Notre marche en avant est juste interrompue par quelques passages de barrière mais globalement les 10 premiers kilomètres sont rapidement effectués, on se laisse guider par le petit duo local jusqu’au Plan de la Croix, nous sommes tout proche du village de St Nicolas de Véroce dans le domaine des Contamines. C’est ici que nous reprenons le cours de notre ascension avec 550 mètres de dénivelé pour atteindre le sommet du premier col. Nos compagnons s’arrêtent déja refaire le plein d’eau à une fontaine. Du coup, on se retrouve à nouveau à mener la course. On gravit une piste plutôt régulière et pas trop difficile, parfois la pente se durcit mais globalement c’est une montée agréable où je peux mener un petit train, Seb roule un peu plus fort que moi avant de m’attendre à 2/3 reprises. On alterne entre passages sous les nuages et passages nettement plus dégagés où l’on apprécie le décor des nuages qui se déchirent dans la montagne.  Nous apercevons le sommet dans les deux derniers kilomètres d’ascension et nous voici à la Croix du Christ à 1950 mètres d’altitude, un col situé juste en contrebas du mythique Mont Joux. On a 1h27 de course, parfaitement dans les prévisions malgré des conditions certes pas encore catastrophiques mais pas idéales non plus. Derrière nous, on a le team MB Race à une bonne minute et ensuite trois équipes à 3 ou 4 minutes. Il ne fait pas très chaud mais pour l’instant on ne souffre pas du froid. Jusqu’à présent, on suivait une partie du parcours de l’Ultra que l’on quitte maintenant pour basculer dans notre première descente.

On descend une piste pendant un kilomètre mais ensuite on va chercher un peu l’entrée d’un single au milieu de quelques bergeries, suffisant pour que notre équipe poursuivante nous reprenne, on les laisse passer pour qu’ils nous fassent la trace mais leur connaissance du terrain et notre prudence dans cette première descente avec pas mal de racines va leur permettre de nous distancer, d’autant que l’on va faire deux petites erreurs de parcours mais nous parvenons en bas sans chutes et sans soucis, les 500 mètres de dénivelé ont été assez vite dévalés, cette descente était plutot chouette et pas trop engagée mais nous incite à la plus grande prudence. Nous voici maintenant à l’altiport de Megève dont on va faire le tour. La pluie est maintenant plus intense, on roule sur une route détrempée et mon GPS me joue des tours en changeant systématiquement l’écran avec la pluie qui tombe sur l’écran tactile, resultat ça va me faire quitter la navigation de la trace en cours. Tant pis, on va gérer la navigation avec le seul GPS de Seb jusqu’à Beaufort. On a deux heures de course et nous attaquons la seconde ascension longue de 10 bornes pour nous faire remonter à la même altitude que le col précédent. On remonte une piste pas trop difficile, les jambes sont plutôt bonnes ce qui me rassure sous cette pluie qui se calme au cours de notre ascension,  malgré tout je crains qu’il ne fasse froid au sommet. Je pense à bien m’alimenter, pâtes de fruits toutes les demi-heures et une compote dans cette ascension, je bois tout en gérant ma réserve de 1,3L qui devrait me suffire jusque Beaufort. On aperçoit l’équipe de tête à deux minutes devant mais personne dans les 5 minutes derrière nous. On accélère donc gentiment et progressivement jusqu’à mi-ascension au Pré Rosset où nous reprenons nos chers compagnons, on se retrouve donc à nouveau en tête. Il ne nous reste que 100 mètres de dénivelé mais la piste laisse place à un single bien boueux à flanc de montagne. On termine cette ascension tous ensemble avec une bonne série de raidards courts à gravir, on suit cette fois le parcours de l’Ultra mais en sens inverse jusqu’au col de Véry, sommet de notre ascension. On progresse sous les nuages, la pluie recommence et il fait assez froid à 1950 mètres d’altitude, le chantier commence ! On passe en plein milieu d’un troupeau de vaches et on quitte définitivement le parcours de l’Ultra pour basculer dans le Beaufortain. On descend maintenant une piste en pente douce sous la pluie pendant 5 bornes, impossible d’admirer le Mont Clocher à ma gauche totalement invisible. Nous voici au col de la Légette où l’on va réellement amorcer notre descente, on quitte la piste et on entre dans un single qui va s’avérer plus technique que la précédente descente, on attaque en tête mais on laisse passer suite à 2/3 passages où nous sommes trop frileux pour passer à vélo, les racines sont vraiment très glissantes et faut vraiment rester concentré et prudent. Néanmoins, on s’en sort très bien en ne perdant que quelques secondes sur nos compagnons et nous entrons ensemble au village de Hauteluce. Nous sommes redescendus à 1150 mètres d’altitude, on sent qu’il fait moins froid mais il pleut des cordes, la route complètement détrempée nous gèle les pieds, l’équipe d’organisation nous encourage et on attaque en tête notre 3e ascension à deux équipes après 42 kilomètres de course et 3h50, soit parfaitement dans les prévisions de timing. L’idée de remonter et de me réchauffer me rebooste. On tape un peu causette avec nos amis locaux sur la partie route de début d’ascension, Fred et Julien nous accompagnent. Fred nous explique qu’il n’a pas mis un dossard depuis 5 ans (et sur la MB Ultra évidemment) mais qu’il pratique tout sport de montagne très régulièrement, comme quoi pas forcément besoin de dossards pour bien se préparer à la version Ultime. De mon côté, je fais une ébauche de ce que j’ai fait récemment mais sans aller trop loin dans les enchaînements, ça n’aurait pas de sens surtout quand tu précises que tu es quasi parisien !

On quitte la route (dommage car elle descend direct à Beaufort) et on gravit une piste forestière facile et très régulière où l’on s’échappe doucement seul en tête jusqu’au sommet de « la Journée » à 1700 mètres d’altitude. Fin de la piste et nous sommes censés basculer vers Beaufort mais la trace de Seb nous indique de poursuivre un single en montée. Ayant bien analysé le parcours en amont, je suis persuadé qu’il faut descendre et je décide d’attendre nos poursuivants une petite minute pour être sur de prendre la bonne direction. Ils arrivent à nous, on se concerte et il faut bien monter (trace GPS un peu différente du road-book pour rejoindre Beaufort). On a donc droit à un portage d’une dizaine de minutes pour monter 100 mètres plus haut avant de basculer. On reprend à nouveau une minute d’avance afin de prendre un petit peu d’avance pour la longue descente qui nous attend, un KV rien que ça ! La descente est à nouveau très glissante, on reste prudent et on se fait reprendre après 300 mètres de dénivelé au passage du Plan du Mont. On les laisse passer et on suit leur trace, notre single traverse plusieurs fois une route en lacets, on dévale des prairies très glissantes et ça sent les plaquettes de frein (d’ailleurs plaquettes neuves obligatoires au départ d’une telle épreuve). Un petit replat sur route et on bascule sur la fin de descente, encore 300 mètres de dénivelé à descendre. On a quelques petits soucis d’orientation pour trouver l’entrée du single, on est bien content d’être quatre coureurs dans ces cas là et ensuite on plonge dans un single totalement impossible à descendre sur le vélo dans ces conditions, c’est un véritable tapis d’énormes racines extrêmement glissantes, même à pied c’est une patinoire, je suis à peu près à l’aise et Seb l’est un peu moins mais s’en sort néanmoins très bien. On a même droit à un passage à escalader assez périlleux, m’aurait presque fallut une échelle et un des compagnons qui nous sort un « bienvenue dans le Beaufortain ». Effectivement c’est un sacré chantier.  Du coup, c’est quasi une demi-heure de portage en descente bien épuisant auquel on a droit pour enfin entrer dans le village de Beaufort après 5h20 de course pour boucler ces 57 premiers kilomètres qui cumulent tout de même 2300 mètres de dénivelé, nous arrivons en tête à deux équipes dans cette Base Vie n°1 où nous attend nos sacs, un soulagement ! Première chose, récupérer mon bidon et mon GPS puis s’installer au chaud car nous sommes trempés. J’avale quelques morceaux de saucissons et fromage qui font grand bien en attendant nos sacs, j’en profite également pour relancer la navigation de la trace histoire de repartir avec deux GPS opérationnels. Je n’hésite pas, rechange complet avec exactement la même configuration mais en vêtements secs, je garde le même imper très efficace qui aura séché. On se débarbouille alors que nos chers compagnons choisissent de prendre une douche. Nous voilà rechangés, deux gobelets de soupe et un demi litre d’eau pétillante vont me requinquer. Voici les auvergnats Steph Urbain et Éric Vialat qui entrent à la Base 10 minutes après nous. Quelques mots échangés rapidement sur la dernière descente éprouvante. Je pars en chaussettes enfilées avec deux nouveaux sacs congélation qui maintiendront les pieds au sec malgré les chaussures humides. Je reprends deux compotes avec moi, un sachet de provisions salées, deux galettes de boulgour et un sachet de bonbons acides, adieu les pâtes de fruits pour la prochaine boucle. Bidon nettoyé et rempli de boisson électrolytes, chaîne lubrifiée et on repart à 15h45 après 20 minutes de pause.

Section 2 (Beaufort/Beaufort): « tour du Beaufortain, bienvenue en enfer

C’est parti pour une boucle de 45 kilomètres et 2200 mètres où on nous annonce au moins 5 heures de course et un peu plus de pluie à prévoir, ça promet ! On repart en tête mais l’équipe MB Race était également prête, on s’attend donc à ce qu’ils nous rejoignent assez rapidement d’autant que l’on redémarre doucement. On sort rapidement de Beaufort et on attaque une très longue ascension, un KV de 12 kilomètres, mi route/mi piste. Mon cher Seb passe un coup de téléphone à ses proches au tout début de la montée pendant que je prends le temps de manger une galette boulgour complète en roulant pour être certain d’assurer l’ascension sans fringale et ce sera une erreur ! Après seulement 300 mètres de dénivelé, je commence à me sentir fatigué, limite épuisé. Certes, niveau pluie c’est l’accalmie mais le moral commence du coup à flancher. Je diminue un peu le rythme alors que Seb garde une excellente forme.  Je m’attends à tout moment à revoir nos poursuivants mais personne, ce qui me paraît étrange. Nous sommes à la moitié de l’ascension, on quitte la route pour une piste pas très difficile mais où je n’avance absolument pas, quelques larmes coulent par moments car je sais que ça n’annonce rien de bon pour la suite. Comment est-ce possible après 5 premières heures en bonne forme ? Digestion d’un excès de nourriture ? Les 300 derniers mètres de dénivelé me paraissent une éternité, je vois des étoiles partout, les formes divaguent un peu, des arbres qui bougent ou des bourdonnements. Et enfin, voilà le sommet à 1700 mètres d’altitude, un petit refuge et une fontaine. Seb s’arrête refaire le plein d’eau et moi je réclame une micro pause d’une minute en titubant. Besoin d’eau fraîche malgré la pluie et de reprendre mes esprits, j’avale quelques noix de cajou et on repart doucement sur un single. Toujours pas de poursuivants à nos trousses, je me demande comment c’est possible ! Le sentier me fait du bien, c’est nettement moins ennuyeux avec pas mal de pierres glissantes où on alterne vélo et marche. Deux kilomètres, voici le lac du Clou que l’on distingue à peine. Nous voici à 70 kilomètres de course et on attaque 700 mètres de dénivelé à descendre, d’abord une centaine de mètres sur piste et ensuite un micro single et là ça ne va pas être triste. Autant par temps sec, ça pourrait être sympa mais là c’est le vrai monotrace plein de racines glissantes à flanc de ravin et pour rajouter au décor, les violents orages de la veille ont fait tomber un véritable mikado de conifères en plein dans le sentier, on va devoir faire preuve de patience pour crapahuter vélos sur le dos soit en contrebas, soit en surplomb dans une véritable jungle de sapins. On passera ainsi près d’une heure dans cette descente et autant dire que l’on s’en souviendra. On arrive enfin à Arêches à 1000 mètres d’altitude sous une bonne pluie, l’organisation nous annonce avec un quart d’heure d’avance, j’ai du mal à le croire vu mon ascension précédente pénible mais je pense que d’autres vont beaucoup plus galérer que nous dans le dédale de sapins. On ne perd pas de temps et on poursuit sur un joli single qui longe un torrent, arrêt rapide pour m’avaler quelques bonbons acides et une compote qui je l’espère me feront meilleur effet que la grosse galette lors de l’ascension précédente.

On attaque une nouvelle ascension, notre 5e qui n’est pas très longue, seulement 6 kilomètres mais 600 mètres de dénivelé intégralement sur piste. Pour faire simple, on remonte un télésiège mais par une piste. Certes c’est raide mais la pente est régulière toujours entre 9 et 11% de pente. En début de montée, on s’accorde pour dire que techniquement c’est un voire deux niveaux au dessus de la version Ultra. Bon, je vais avoir clairement toutes les peines du monde à arriver au sommet, je me demande toujours comment on peut encore être en tête à une telle allure, je suis déçu pour Seb qui lui avance fort car on pourrait vraiment prendre une très grosse avance mais tout ce que je peux faire c’est avancer sur cette maudite piste de Cuvy. Enfin, oui enfin le sommet du télésiège après quasi une heure d’ascension. On plonge direct dans la descente, cette fois une descente d’enduro balisée, toujours extrêmement périlleuse mais nettement plus praticable et moins longue que la précédente. On s’habitue un peu à ce terrain très glissant et tout en ne prenant pas de risques, on ne perd pas trop de temps. En bas, une bonne tourbière à passer et on rejoint une route pour un petit replat salvateur. On s’acorde une pause spéciale « sucre »: bonbons+un coca+une compote, il me faut au moins ça par contre va vite falloir trouver de l’eau car avec ma fatigue très importante, ma consommation de flotte a augmenté et je suis quasi à sec. Nous voici à 1500 mètres d’altitude au pied du barrage de St Guérin, on attaque notre 6e ascension. La route nous mène en haut du barrage et voici un grand parking mais toujours pas le moindre point d’eau. On admire le lac de St Guérin qui serait nettement plus beau sous le soleil alors on continue notre montée, on aperçoit personne derrière nous dans les 5 minutes, bref nous sommes seuls au monde à 1600 mètres d’altitude sous la pluie. On remonte 100 mètres et la route laisse place à un replat sur piste jusqu’au 88e kilomètre où, miracle, on trouve une fontaine bienfaisante pour refaire le plein d’eau. Il est 19h45, on a déjà mis 4 heures depuis Beaufort pour faire 30 bornes, ne faut quand même pas trop traîner pour terminer la boucle avant la nuit car nos lampes nous attendent à Beaufort. C’est donc une section de poussage de 300 mètres de dénivelé qui nous attend pour rejoindre la Roche Parstire, point culminant de notre parcours à 2100 mètres d’altitude. Il pleut toujours, on ne voit absolument rien et c’est vraiment dommage. Par contre, comme une bénédiction j’ai un petit coup de mieux qui va considérablement m’aider à atteindre le sommet surtout si l’on rajoute au fait que le sentier est plutôt praticable et facile à marcher. Du coup, je trouve que l’on passe ce portage plus facilement que je l’aurai pensé, peut-être aidé également par le fait que l’on ne voyait jamais le sommet. Justement, nous y voici et on s’accorde une nouvelle petite pause pour fêter ça, pas longtemps car il fait vraiment froid (pas plus de 3 degrés ressentis) mais juste pour grignoter quelques bonbons que l’on se partage et une compote. On repart rapidement sur une piste et un kilomètre plus loin, on tombe sur l’organisation qui nous signale que le passage sur les crêtes au dessus du lac de Roseland est simplement supprimé au vu des conditions météo et du sentier devenu impraticable rendant extrêmement dangereux ce passage de 3 kilomètres. C’est une décision surprenante de la part de l’équipe MB Race qui a rarement recours à ce genre de démarche mais pour prendre une telle décision, c’est que ce doit vraiment atteindre à notre sécurité et c’est une nouvelle rassurante dans ce cas. On nous détourne donc par une descente rapide sur une piste pour rejoindre le col du Pré où nous retrouverons et poursuivrons notre trace. Je confirme sur le fait que l’on a des conditions pourries sur le secteur avec fort vent et pluie froide, je suis plutôt pressé de redescendre mais alors sur cette piste rapide, on va littéralement congeler sur ces 400 mètres de dénivelé. Je fais en sorte de toujours garder le cap en évitant les chemins qui partent à droite, je suis un peu hésitant et j’espère rester sur la même piste jusqu’à ce que l’on retrouve une route et… nous y voici, soulagement ! On emprunte un peu la route et voici le col du Pré à 1700 mètres d’altitude. Nous avons suivi le bon itinéraire ce qui sera apparemment pas le cas de toutes les équipes, pourtant on a reçu des instructions claires, aucun doute là dessus. On retrouve notre trace et on grimpe une courte montée que l’on apprécie tellement on avait froid avant de reprendre le cours de notre descente, un KV que je redoute mais qui sera cette fois sur du single technique et très joueur, très glissant mais un petit peu moins engagée que les précédentes. Néanmoins, elle va nous paraître longue quand même, 1000 mètres de dénivelé sur du sentier périlleux avec un nombre incalculable d’épingles, ça reste éprouvant, c’est long et en bas j’ai l’impression d’être totalement bloqué de partout et je n’ai plus du tout de bras. Les derniers kilomètres nous permettent de couper une grande route à plusieurs reprises par un single qui coupe les lacets. Nous revoici enfin à Beaufort, fin de cette infernale boucle beaufortine de 45 kilomètres que l’on a bouclé en 5h45, à la limite du calvaire mais nous sommes à cette Base Vie n°2 au 102e kilomètre en tête. Je pose mon vélo et rentre aussitôt au chaud et cette fois, aucune hésitation je prends aussitôt une douche, certes froide mais moins froide que la pluie qui tombe. Quelques minutes plus tard, je remets un sous vêtement sec un poil plus chaud et un maillot manches longues puis mon fidèle imper toujours efficace jusqu’à présent, chaussettes sèches enfilées avec de nouveaux sacs congélation, des chaussures encore mouillées mais par contre des gants secs. Du coup, je mange et ensuite je prends une décision si je repars, je prends une pause ou je bâche. Après 15 minutes de pause, toujours pas de poursuivants arrivés. On nous sert un délicieux risotto et du poulet accompagné de la 2e galette boulgour que je n’avais pas mangé sur la dernière boucle. Ça requinque, je me réhydrate en eau pétillante. Après 20 minutes, toujours pas de poursuivants qui sont dans la descente mais cherchent un peu leur chemin, je décide donc et incite Seb à repartir rapidement avec une avance qui commence à devenir intéressante. Je prends une canette de coca sur moi accompagné de deux compotes, un nouveau sachet de bonbons, un petit sachet de provisions salées et une petite loupiotte de secours au cas où la principale tombe en panne, j’installe ma lampe, un coup de lub sur la chaîne et on repart rapidement après 25 minutes d’arrêt, les bénévoles nous avaient préparé un lit mais ce ne sera pas ici, probablement à la prochaine BV si besoin. Nos poursuivants quasi sur le point d’arrivée lorsque nous sommes repartis, nous estimons notre avance à une petite demi-heure, ce n’est pas rien mais en même temps peu de choses vu ce qui nous attend.

Section 3 (Beaufort/Les Saisies) : une ascension interminable sous la pénombre

En effet, il nous faut rejoindre le col des Saisies par le Mont Bisanne avec une ascension de 1300 mètres de dénivelé, la plus longue du parcours. Je reprends la navigation et je vais me servir des avaries de certains concurrents des éditions précédentes qui s’étaient emmêlés les traces avec les nombreux passages à Beaufort. Je m’applique à suivre la bonne, celle qui suit le cours du Doron jusqu’au village de Villard, on reprend donc en douceur pendant 6 kilomètres et après cinq kilomètres, ma lampe qui s’éteint, je tente de débrancher, rebrancher plusieurs fois, batterie HS qui ne m’avait jamais posé problème jusqu’à maintenant. Bon on arrive au village de Villard qui est éclairé et ensuite la quasi intégralité de l’ascension qui nous attend s’effectue sur route et piste donc une lampe pourra suffire pour nous deux à condition que Seb ne prenne pas trop le large. Nous voici à Villard sur Doron et quelle surprise de voir le local, l’ami Florent Besses qui a terminé second l’an passé et qui nous attendait impatiemment pour tirer un petit bout de chemin avec nous en mode bla bla, quelle incroyable surprise en étant loin de m’imaginer que le parcours passait devant chez lui. C’est parti pour cette interminable ascension longue de 12 kilomètres, soit 11% de moyenne ! Les 6 premiers kilomètres se font sur la route principale qui monte à la station de Bisanne 1500, pente quasi régulière parfaite pour blablater où je ne me sens pas fatigué et sous une accalmie pluvieuse, limite conditions idéales ! Après une vingtaine de minutes, Flo nous laisse et redescend mais c’est un réel plaisir ce genre de surprise. On poursuit la montée et deux kilomètres avant la station, on bifurque sur un chemin qui devient un single, un peu compliqué avec un seul phare pour deux mais ça ne dure pas longtemps. Par contre on doit un moment faire du hors trace total pour retrouver un chemin plus loin, bon moment d’hésitations mais toujours sur la bonne trace. Le dernier kilomètre pour rejoindre la station de Bisanne 1500 est vraiment pentu et va vraiment me faire mal à la tronche, de plus je suis déjà quasi à sec niveau flotte. Allez, je demande une petite pause de 3 minutes avant d’attaquer la fin d’ascension assez costaud. Un coca, une compote, des bonbons acidulés, des noix de pécan, il faut absolument atteindre le sommet en restant éveillé. Encore 450 mètres de dénivelé et 4 kilomètres sur une piste de ski à gravir pour arriver au sommet du télésiège du Mont Bisanne, rien que d’y penser me fait cauchemarder. Je vais beaucoup pester et raler pendant cette fin d’ascension, fini le blabla lorsque je suis au plus mal et Seb me connaissant fait son allure un peu devant, pas trop pour ne pas me retrouver dans le noir mais de toute façon dans cette situation il ne peut pas faire grand chose pour moi. Il m’indique par moments le dénivelé restant et même quand il me dit « les 100 derniers mètres », ça me fait gémir et je me pose des questions sur le fait que ce soit si long à gravir, bon c’est juste que la pente était sévère mais le profil se dessine moins de nuit sous le brouillard. En effet, pas de pluie mais un très épais brouillard au sommet à 1950 mètres d’altitude. Enfin le sommet après 2h15 d’escalade, je pousse un cri de soulagement car c’est la porte d’entrée vers la prochaine Base Vie. Je me perds un peu avec le brouillard et je tiens à me remettre devant pour la courte descente qui suit histoire de retrouver un peu de moral. Seb très intelligemment ne me contredit pas mais il avait raison sur la bonne direction le gaillard. J’allume ma loupiotte de secours qui suffira pour m’emmener jusqu’aux Saisies. Le parcours nous fait descendre une piste du Bike-park des Saisies, la terre collante et la faible luminosité fait que je ne m’éclate pas vraiment mais c’est un chouette passage où l’on peut descendre sans aucun danger. Ensuite, on doit traverser des pâtures et ses nombreuses clôtures, ahhh merde failli rouler sur une vache qui a pris peur et m’a filé un gros shot d’adrénaline alors que Seb se prend un coup de jus sur une des clôtures. L’orientation n’est pas très simple pour suivre la trace à travers les pâtures car le chemin est très peu visible. Nous voici quasi à l’entrée des Saisies, une petite bosse à gravir et nous sommes dans la station de ski où l’on trouve la Base Vie dans une grande salle, la délivrance ! La compagne de Seb nous attend alors qu’il est 1h30 du mat ! On a mis 3h30 pour faire cette section de 25 bornes, une heure de plus que ce que j’avais prévu ! Je suis tellement dans le gaz que je peux à peine prononcer un mot. Je passe de suite un coup de lavage au vélo histoire de repartir avec un vélo à peu près propre et je rentre au chaud et cette fois j’hésite entre prendre une douche ou du sommeil, je choisis la douche chaude et on verra si ça suffit ! Je remets un sous vêtement thermolactile car il est prévu une nuit très fraîche, j’hésite mais avec le sous vêtement spécial grand froid, un maillot manche courte suffira et l’imper car il est encore prévu de la pluie. Jambières ou pas mais je préfère rester en cuissard court propre, chaussettes sèches et nouvelles chaussures. Avec tout ça, je suis resté quasi un quart d’heure au vestiaire mais c’était nécessaire ! Allez, un plat de pâtes bolo et je retrouve un semblant de sourire d’autant que je récupère une batterie neuve et une autre de secours sur moi que Seb n’a pas besoin et qui s’adapte, bref je vais pouvoir être autonome en lumière pour le reste de la nuit et il le faudra car ce ne sera pas triste. Je dois recharger un peu mon GPS dans mon sac avec la Power Bank donc on fera la navigation avec un seul GPS pour les deux prochaines heures. Allez, j’embarque deux coca car la prochaine section est longue auquel j’ajoute un gros sachet de bonbons et un sachet de noix de cajou. On se concerte sur le choix de dormir ou pas car on a maintenant 45 minutes d’avance sur nos poursuivants mais on préfère avancer et on verra plus loin si ça ne va vraiment pas, quitte à trouver un abri pour dormir.

Section 4 (Les Saisies/col de l’Arpettaz) : une nuit éprouvante

On repart donc rapidement sous une pluie battante qui s’est remise à tomber alors que la nuit était annoncée calme, heureusement que Seb qui était hésitant à reprendre l’imper s’est finalement ravisé car il sera encore précieux. On quitte rapidement la station des Saisies et on poursuit par une ascension qui paraît sur le papier relativement facile avec 350 mètres de dénivelé pour atteindre le sommet du télésiège du Chard de Beur, ce n’est pas grand chose à côté de ce que l’on a fait jusqu’à présent mais c’est sans compter sur une escalade intégralement sur des singles raides et très glissants auquel se rajoute une navigation délicate sous la pluie et le brouillard, on y voit pas grand chose et c’est sacrément éprouvant. L’avantage par contre, c’est que ça ne laisse pas la fatigue nous envahir. On va passer quasi 45 minutes sur cette montée pourtant assez anodine !

Nous sommes à 1900 mètres d’altitude, on hésite un peu pour trouver l’entrée du chemin qui nous mène à la descente. On va y passer une bonne demi-heure pour seulement 500 mètres de dénivelé avec un nombre incalculable de passages à pied. Sur le bas de la descente, Seb confond une baguette de passage piéton/vélo avec une barrière métallique qui elle ne bougera pas; Seb pile au dernier moment, s’arrête net en étant projeté par l’avant direct avec en prime un magnifique salto réussi. Belle figure mais belle frayeur aussi, le vélo n’a rien et on repart avec deux gamelles chacun sur cette descente. Encore un petit kilomètre et nous voici sur la route qui descend vers le val d’Arly. Allez un peu de récup pendant un kilomètre mais il serait évidemment trop simple de filer directement vers le val d’Arly alors on attaque une nouvelle montée de 250 mètres de dénivelé jusqu’au lac du Gui sous une pluie qui continue de tomber. Cette montée sera plus facile que la précédente mais clairement, chaque montée est maintenant éprouvante alors ce chemin je le monte doucement et on s’accorde même une pause de deux minutes histoire de ne pas s’endormir sur le vélo. Un coca, des bonbons et ça repart pour les 100 derniers mètres de dénivelé. Au sommet on ne va absolument rien voir du lac du Gui, on se contente d’avancer comme on peut et d’amorcer la descente plutôt courte qui nous attend, on redescend exactement ce que l’on a monté mais sur l’autre versant pour rejoindre le bas du téléski du Plan Désert par des singles dans des prairies très souvent difficiles à distinguer, on va d’ailleurs pas mal jardiner pour trouver les bons passages quitte parfois à dévaler les alpages. Une fois en bas, nous sommes au pied du Mont de Vorès que l’on ne regravira pas, rassurant mais aucun répit malgré tout et on remonte aussitôt 200 mètres de dénivelé sur une piste et cette montée je ne m’y attendais pas du tout et de nouveau à 1700 mètres d’altitude on bascule sur un single qui demande encore beaucoup d’attention. La moitié des descentes s’effectuent à pied tellement c’est glissant, la fatigue et la pluie ininterrompue ne nous aidant pas. Je dirais que la pluie maintient éveillé mais dès que l’on s’arrête un peu, le froid nous prend, heureusement d’ailleurs il fait un peu moins froid que prévu mais que c’est long, on a effectué que 15 kilomètres en 2h30 depuis Les Saisies, le parcours est nettement plus éprouvant que ce que je pensais et on n’avance absolument pas ! Seb fait un magistral vol plané, le serrage de sa chaussure n’a pas apprécié mais grand soulagement, il ne s’est que déclipsé de son logement mais gare à tout ces petits pépins qui peuvent amener à notre perte. On arrive quand même en bas sain et sauf avec une gamelle chacun. Il est 4h45 lorsque nous attaquons l’ascension du col du Drayon, encore 200 mètres de dénivelé sur une piste, on aura enchaîné les courtes ascensions pendant la nuit mais malgré tout on cumule le dénivelé. Ce col du Drayon n’est pas le plus éprouvant mais je n’arrive pas à avancer, chaque centaine de mètres de dénivelé est difficile ! On arrive au sommet au tout début du lever du jour alors que je pensais initialement déjà arriver à la Base Vie suivante à cette heure-ci, on en est encore loin.

Une petite pause puis on repart sans sommeil, l’objectif est déjà de rejoindre la vallée de l’Arly. Le sentier qui nous attend longe la falaise du Roc des Evettes, la pluie s’est arrêté et les nuages se dissipent peu à peu. Le sentier est à nouveau peu commode avec beaucoup de racines et nous voici au sommet du télésiège des Evettes à 1550 mètres d’altitude. Cette fois-ci, c’est certain sans détours possible, on bascule 400 mètres plus bas sur le village de Notre-Dame de Bellecombe. Enfin on a droit à une descente facile et rapide où on peut dérouler mais où je prends froid, j’arrive en bas à 1150 mètres frigorifié et claquant des dents. Seb fait une micro pause pour quémander de l’eau à un boulanger qui prépare son pain et j’en profite pour avaler mon second coca et une compote. Allez, on repart vite avec encore quelques hectomètres à descendre sur route avant de monter vers le village de Crest-Voland, il est quasiment 6 heures du mat et on pense aux 1500 coureurs de la version Ultra qui partent pour 140 bornes. De notre côté, il nous en reste encore environ 80 ! La courte montée vers Crest-Voland permet de me réchauffer avant de terminer la descente vers les gorges de l’Arly par une piste pleine de cailloux. Un pétard court à 20% et nous voici sur la route des gorges de l’Arly que l’on descend pendant deux kilomètres et ça fait du bien ! Il fait maintenant bien jour, on passe le pont du Flon à 800 mètres d’altitude et c’est parti pour une de nos dernières longues ascensions, 15 kilomètres et 1000 mètres de dénivelé intégralement sur asphalte et entrecoupés de deux replats, va pas falloir s’endormir et on sera à la limite par moments ! On commence par 4 kilomètres de montée sur une route large en lacets pour rejoindre le village de Héry, ce n’est pas long mais autant dire que aussi bien moi que Seb, on ne dit pas un mot et en un regard on comprend ce que l’on pense : « Mais qu’est-ce que l’on fait dans cette galère ? » On passe le village de Héry et on redescend un kilomètre avant d’attaquer l’essentiel de l’ascension, on bifurque sur une petite route et c’est parti pour encore 10 bornes d’escalade et 650 mètres de dénivelé et autant le dire, depuis le bas elle va nous paraître interminable cette ascension, limite monstrueuse mais avec un éclat de soleil qui s’annonce et des nuages qui se dissipent. Un magnifique décor s’offre devant nous et c’est vraiment ça qui va nous aider à nous hisser jusqu’au sommet. L’ascension est plutôt jolie sur une petite route tortueuse, parfois raide mais avec un bon replat dans les 4 derniers kilomètres. On a du mal à trouver le sommet mais au détour d’un virage, on aperçoit le refuge qui sera notre Base Vie n°4, le voici enfin ce col de l’Arpettaz à 1600 mètres d’altitude, il est 7h45 ce qui veut dire que l’on a mis 5h45 pour boucler 50 kilomètres, un enfer ! On est à nouveau reçu chaleureusement comme des rois dans ce refuge. On va essayer de ne pas s’accorder une pause trop longue car on a pas de sac de délestage ici et on va éviter de trop sortir de la course. Mais nous acceptons volontiers la salade de riz que l’on nous propose et du fromage très délicieux. On refait le plein d’eau, on tape la discute avec les bénévoles qui sont ravis de partager un bout d’expérience avec nous et au bout d’un quart d’heure, on repart comme l’on est arrivé alors que nos poursuivants ne sont pas encore au pied de l’ascension de l’Arpettaz, on a donc maintenant environ 1h30 d’avance (on apprend qu’ils se sont accordés 30 minutes de sommeil aux Saisies).

Section 5 (col de l’Arpettaz/La Giettaz) : une route de la soif peu commode

On a une courte section pour rejoindre notre prochaine Base Vie située à 18 kilomètres et seulement 400 mètres de dénivelé. En fait, on va intégralement emprunter la « route de la Soif » qui n’est pas une route mais une piste toute cabossée qui ondule au gré des alpages pour rejoindre le col des Aravis. On commence par une descente ce qui est plutôt sympa mais pour 100 mètres descendus, on va en remonter 250 sous un soleil qui commence à chauffer maintenant. Quelle que soit la montée, on adopte un rythme le plus souple possible mais cette piste que l’on nous avait vendu comme facile est plutôt cassante. Nous voici à 1750m au milieu des alpages et au son des cloches qui ornent les vaches. S’en suit une bonne descente agréable mais qui secoue pas mal avant de poursuivre cette piste au relief « tôle ondulée » jusqu’au col des Aravis, un col mythique à 1500 mètres d’altitude. On descend ensuite 100 mètres plus bas par la route jusqu’à une chèvrerie où se trouve notre Base Vie n°5 et notre 3e sac perso. Malgré le peu de distance avec la précédente base, on s’accorde un arrêt bienfaisant vu notre avance qui est maintenant de quasi 2 heures, nos poursuivants n’étant pas encore arrivés au col de l’Arpettaz. On décide de ne pas laver les vélos mais on retire les éclairages. On remet chacun une tenue propre et sèche avec maillot manches courtes uniquement et imper dans le sac sur moi au cas où. Je recharge un peu en bouffe et refais le plein d’eau, les bénévoles sont à nouveau vraiment attachants. Après 20 minutes d’arrêt, on se décide à repartir sous un chouette soleil.

Section 6 (La Giettaz/Cordon) : un portage infernal

On reprend le cours de notre descente en direction de La Giettaz et un kilomètre plus bas, on quitte la route puis on attaque l’ascension du col du Niard. On gravit d’abord une exigeante piste pendant 3 kilomètres où je suis à la peine mais ce n’est pas le moment de lâcher, il ne nous reste que 30 kilomètres et je sais que la ligne d’arrivée nous tend les bras, seulement il va falloir passer ce fichu col du Niard. Voici un replat pendant quelques kilomètres qui fait vraiment grand bien, seulement il nous reste 300 mètres de dénivelé à gravir et… c’est un bon portage qui nous attend. Celui-ci sera nettement plus difficile que celui du Beaufortain, un sentier très étroit avec des grosses marches à gravir, du rocher, du caillou dans tous les sens. Je monte petit pas par petit pas en alternant portage et poussage. On y met du temps mais je distingue enfin ce col du Niard. Je m’y approche et m’y voici enfin à 1800 mètres sur ce col du Niard sauf que… ce n’est pas terminé ! On pensait basculer mais en portant nos vélos, on a pas vu que la trace nous faisait emprunter un minuscule sentier que l’on a pas distingué, ce qui nous vaudra un petit SMS de la part de l’orga pour nous remettre dans le droit chemin car le sommet se trouve à une ferme situé 150 mètres plus haut. Ça fait sacrément grogner mais faut encore continuer à pousser en pleine pente dans l’herbe et sur un tas de cailloux jusqu’à enfin arriver à cette fameuse ferme à 1950 mètres après 45 minutes de portage ! On prend le temps d’une pause au sommet avant de se lancer dans la descente, pause qui sera écourtée car trois patous se dirigent sur nous. On repart en prenant la précaution de ne pas se faire attaquer, apparemment ils ont plus envie de nous éloigner du troupeau que de nous attaquer. On va soigneusement contourner d’assez loin le troupeau pour retrouver le sentier plus loin, soulagement adieu les patous et on se jette dans une descente de 1000 mètres sans réel intérêt; piste large dans de la grosse pente à 20% où les freins chauffent fort. En bas, je n’ai plus de poignets, il est temps que la descente se termine. On entre doucement dans le village de Cordon où se trouve notre dernière Base Vie, il ne nous reste que 20 kilomètres ! La famille de Seb est présente à cette dernière Base où on ne compte pas rester longtemps car on a vraiment hâte d’en terminer et il est déjà midi ! On profite de quelques tartelettes salées, arrêt d’une dizaine de minutes et on repart pour un dernier KV qui nous attend.

Section 7 (Cordon/Megève) : de l’enfer au paradis

Allez, on rassemble notre courage et on repart pour les deux dernières heures estimées (on mettra un peu plus de temps). On sort gentiment de Cordon et on attaque sagement l’ascension vers le fameux col du Jaillet, une fin commune au parcours de l’Ultra. Après 3 kilomètres d’ascension, on retrouve le parcours de l’Ultra qui arrive de Combloux et peu de temps après, on se fait doubler par le suisse Urs Huber en 2e position de la version Ultra. Après de gros raidards, on attaque la piste de Cornillon, certes pentue mais ça roule encore correctement, plusieurs coureurs du top 10 nous doublent sur cette piste où je dois lutter face aux crampes. Seb en très grande forme parvient à quasi tout passer sur le vélo et m’attend à chaque grosse rampe. On passe le parking de l’Avenaz mais le pire nous attend car on a encore 350 mètres de dénivelé et la piste que l’on emprunte nous offre une infâme série de rampes à 15% dans la boue que je suis incapable de monter, terminer par une telle ascension relève du supplice. Les coureurs de la version Ultra nous encouragent mais on s’encourage mutuellement car ils ont sacré défi de leur côté que de boucler 140 kilomètres et 7000 mètres de dénivelé en moins d’un tour d’horloge. Après 1h30 d’ascension très pénible, il est 14h et on en peut plus, voici une ferme qui je l’espère marque le sommet mais pas vraiment, il nous reste encore un single technique et boueux à gravir, tantôt sur le vélo et tantôt à pied. Le voici enfin ce tout dernier col, le Jaillet et ses 1700 mètres d’altitude. Un ravito de la version Ultra est installé ici mais on préfère filer car il ne nous reste que 10 kilomètres. On quitte le parcours de l’Ultra qui emmène les coureurs faire une boucle vers le sommet de la Tête de Torraz. On est bien heureux d’être exempté de cette boucle exigeante mais on ne bascule pas immédiatement pour autant et on retrouve un kilomètre plus loin la fin du parcours de l’Ultra, la descente finale vers Megève sera commune. Je prends un peu les rênes de la descente, désirant me faire plaisir dans cette descente finale certes technique avec beaucoup de racines mais roulable. A mi-pente, on laisse passer le suisse Martin Fanger qui cavale en tête de la version Ultra avec une avance confortable et file vers l’arrivée. Nous restons plus prudent et profitons car nous savons maintenant que l’on arrivera enfin au bout de ce défi extrême qui nous a été proposé. Fin de la descente, encore deux kilomètres de plat puis le chef d’orchestre de l’organisation Bruno Brancato qui nous escorte en quad jusqu’à la ligne d’arrivée accueilli par le non moins populaire animateur Éric Garcia ! C’est fait, on a enfin passé cette ligne d’arrivée finale après 28h58 de course ! Quasi 5 heures de plus que ce que l’on pensait réaliser mais les conditions météo épouvantables et les chemins parfois ravagés ne nous ont pas aidé ! Mais nous l’avons fait, on remporte cette 3e édition de la MB Ultime avec 2h24 d’avance sur l’équipe MB Race (nos fameux compagnons de début de course) et 2h35 sur un duo breton. Sur les 25 duos au départ, seulement 9 franchiront la ligne d’arrivée. De mon côté, les sentiments se mélangent entre la fierté d’avoir tenu bon en luttant face aux intempéries; 16 heures de pluie, du brouillard et du froid par moments et le regret de n’avoir pas pu m’exprimer plus de 5 heures à une allure intéressante devant ensuite lutter face à de gros moments de fatigue chronique qui m’ont vraiment fait douter alors que de son côté Sébastien a tenu une excellente condition quasi tout du long permettant de maintenir notre duo dans la course.

Cette épreuve, ce n’est pas juste une simple course mais une aventure à part entière à vivre une fois dans sa vie ! Des moments de partage incomparable, du dépassement de soi, la découverte d’un territoire exceptionnel dans un cadre alpestre majestueux… Cependant, il faut prendre conscience que ce défi n’est pas à la portée de tout le monde, on commence vraiment à s’approcher sérieusement du fameux slogan de « la course la plus dure du monde ». Chaque paramètre a sa plus grande importance dans ce défi que ce soit sur la mécanique, les qualités techniques de pilotage, la connaissance de soi et de son équipier, l’expérience des épreuves longues distance, l’organisation et la logistique, la navigation GPS et pour terminer les qualités mentales sont tout autant d’atouts précieux pour mener à bien ce défi et encore plus lorsque les conditions météo sont difficiles. Quant à l’organisation, c’est quasiment du 5 étoiles. L’accueil chaleureux dans chaque base vie était un réconfort non négligeable; ravitaillement, plats chauds, vestiaires et transport de nos sacs perso sont autant d’atout précieux particulièrement appréciés.

C’est maintenant à vous de vous lancer dans cette aventure, préparez vous et vous ferez partie de cette légendaire MB Ultime !

Infos et résultats : www.mb-race.com

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Un commentaire sur “MB Ultime, 30 heures avant la délivrance !”

  1. Joli CR Fred !
    « Les Auvergnats », ca va faire plaisir à notre indéboulonnable Stéphane Urbain ça !

    Au plaisir de se croiser sur une autre sauterie du genre !
    Eric Vialat.

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