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ABSA CAPE EPIC 2016, RETOUR SUR LA SEMAINE DE COURSE DE L’ÉQUIPAGE VAINQUEUR EN CATÉGORIE MIXTE
Après un premier article post Cape Epic – voir Absa Cape Epic 2016, de la formation de l’équipe à la victoire finale, l’envers du décor – la suite du récit avec un retour sur des conditions de course rendues très difficiles pour l’équipage 72 !
Texte : Jeff Bossler – Photos : Absa Cape Epic et Jeff Bossler
Three – Two – One – GO ! Cette fois c’est parti, la pression se libère d’un coup le temps d’arriver au bas de la rampe du prologue. Nous avions décidé de ne pas partir à fond, mais de laisser Fanny gérer à sa façon toutes les montées. Nous n’avions pas prévu le fort vent qui balaie Meerendaal ce matin vers 11H. Sur les premières parties droites j’abrite Fanny au mieux, nous avons déjà les équipes mixtes précédentes en visuel, assez étonnant. En moins de 3 kilomètres nous rattrapons et dépassons immédiatement les israéliens, la femme est vraiment un petit gabarit qui se fait balader par le vent. Dès la première montée nous rattrapons aussi les australiens parti 1min40 plus tôt pourtant. C’est un single donc nous devons patienter derrière eux mais nous ferons l’effort au sommet pour les passer rapidement avant la descente en single aussi où nous accentuons un peu notre avance. La suite est un long faux plat descendant, nous roulons vite mais sans non plus se mettre à fond. Le faux plat suivant verra le retour des australiens, la femme déjà accrochée à la poche de son équipier, et bien cela promet pour la semaine ! Ils vont faire un gros effort pour entrer en tête dans un single montant, histoire de nous retarder, de bonne guerre. Nous resterons quelque temps derrière eux mais Fanny fera un bel intérieur dans un virage et je suivrais un peu plus loin. Le reste du prologue se déroulera sans encombre, à notre main. Nous laissons nos vélos au lavage afin qu’ils rejoignent le camion de transfert. Direction nos affaires pour un brin de toilette, se changer, et vérifier notre chrono. Yes, victoire avec plus de 2min30 d’avance en sus. On va la prendre pour se mettre en confiance, monter sur la boite et obtenir un beau maillot de leader. Mais plus avantageux, notre temps nous fait rentrer dans le top 100 scratch. Et je connais le règlement, cela signifie départ dans le SAS A prioritaire (juste après les UCI hommes et femmes) et avec le statut de leader mixte, un appel 5 minutes avant le départ sur la première ligne. Donc tout bénéfice, pouvoir s’échauffer sans stress, pas besoin de faire la queue dans le sas, et inutile de se battre dans les premiers kilomètres, nous serons déjà devant. Voilà ce que la victoire au prologue apporte, surtout aucun stress le lendemain au départ. Ce sont les autres équipes mixtes qui vont devoir chasser – étant toutes au delà de la 100 ème place – pour intégrer le SAS A.
Etant du genre un peu superstitieux, je savais que les 3 dernières années les vainqueurs du prologue n’ont jamais remporté la victoire finale. A nous de casser cette règle. Ce prologue doit être le début d’une belle aventure, que vous avez déjà lue au cours de nos compte-rendus journaliers sur VeloChannel.com. Je ne vais pas à nouveau vous redétailer chaque étape, mais plutôt vous parler de nos surprises de la semaine.
Le lundi pour la première grosse étape, en partant de tout devant, nous pensions être à l’abri des mauvaises surprises justement. Si les 10 premiers kilomètres se passent bien, nous retrouvons un grand chemin roulant, je me positionne devant Fanny sur la gauche de la route pour lui couper le vent et faire progresser l’équipe au mieux. Et là c’est le drame, j’entend un gros bruit de métal et j’ai juste le temps de regarder derrière moi pour voir Fanny se fracasser sur la route de terre. Et tout cela grâce à un grand champion qui roulait tête baissée dans la roue de son équipier, l’équipier s’est écarté en doublant Fanny mais le suivant à bloc percute mon équipière en mettant en sus sa roue avant dans son serrage rapide arrière. Et tout ceci à près de 40 km/h, ça fait des dégâts. Je relève mon équipière sonnée, un peu râpée de partout, et avec un vélo qui a pris. Preuve de la violence de la chute, le fautif a son cintre brisé en deux. Notre Cape Epic 2016 a failli s’arrêter après un prologue et 10 km. Sans commettre aucune erreur, la fatalité se retrouve sur notre chemin sur un incident de course. Je peux vous dire que sur le coup je ne pensais plus qu’à finir l’étape, alors que Fanny sous le choc et sous adrenaline, repart très fort. Pendant près de 2 heures je vais juste subir la course, aucune sensation, pas de jambes et ne cherchant qu’à économiser ma partenaire. Sur la fin d’étape elle accusera le coup, son genou la faisant souffrir. Nous gagnerons cette étape mais plus parce que les autres équipes auront aussi leur lot de problèmes, notamment techniques.
L’étape du mardi se déroulera sans encombres pour nous, même si Fanny rencontre des problèmes de transmission. Ses vitesses ne fonctionnent pas très bien, conséquence de la chute d’hier et d’une assistance SRAM qui aura été d’une incompétence notoire. Dès le mardi après-midi je changerais donc la patte de dérailleur du vélo de Fanny, ainsi que son dérailleur arrière. Pour m’apercevoir ensuite que son liner sous le boitier a pris un coup sur la chute, il coince le câble. Je vais l’ouvrir au cutter pour libérer et lubrifier le câble. Un vélo de fait, je passe au mien, pas de souci particulier, la batterie du Shimano Di2 n’affiche plus que 3 barres, je vais la recharger dans le doute. Et au moment de le brancher, plus rien, aucun affichage mon Di2 ne répond plus ! Je recherche un câble débranché, jusqu’à remonter le pédalier pour voir au niveau du boitier de jonction. Je teste une autre batterie que je sais chargée d’avance. Toujours rien. Là c’est un peu panique à bord, plus aucune vitesse ne fonctionne. Pas d’assistance Shimano dans le camp… Quelques contacts via Stuart et Nizaam m’apprennent que dans le camp « bis », celui qui se trouve à l’extérieur du village officiel, se trouve un responsable de magasin qui a amené tout un stock de pièces Di2. Il faut préciser qu’à ce moment là, il est déjà plus de 20H00. Entre le repas et les obligations protocolaires, le temps file vite. Je vais donc avec mon vélo bloqué sur le 36X27 jusqu’à ce personnage qui va se mettre en 4 avec ses mécanos pour trouver la panne. Branchement de l’ordinateur, diagnostic, plusieurs essais avant de trouver le problème : c’est l’unité centrale au guidon qui a court circuité. Heureusement il peut me vendre une nouvelle unité et me la remplacer immédiatement. La cause du problème vient du lavage à très haute pression pratiqué à chaque arrivée. Le jet a été trop durement appliqué à l’unité qui a pris l’eau. Flotte et composants électroniques ne faisant pas bon ménage, l’eau a gagné ! Et nous perdu 2100 Rands pour un lavage trop appuyé. Heureusement que je m’en suis aperçu encore le jour même, comment aurions nous fait une heure avant le départ ? Une étape complète de 105km bloqué sur une vitesse ? Toujours vérifier un minimum son vélo la veille…
Le vélo de Fanny continuera à voir des soucis de passage de vitesses le mercredi, impossible de savoir si cela vient de la manette, du passage de câble dans le Liner. Et aucune pièce pour réparer, le plus simple sera de poser le vélo chez un réparateur le mercredi après-midi. Rachat d’une manette Deore XT, d’un dérailleur Deore XT et mise en place d’une gaine externe continue à l’aide scotch et rilsan. C’est moche mais cela fonctionne parfaitement bien !
Jeudi, pas beaucoup de problème à vous raconter, l’étape s’est bien passée jusqu’à notre arrivée à Boschendaal. Là un chaperon UCI m’attend pour m’informer de mon tirage au sort pour contrôle antidopage. OK c’est cool, ça tombe même bien, il faisait frais, j’ai beaucoup bu et pas pris le temps de me soulager durant l’étape. Par contre, je n’ai pas le droit de toucher le ravitaillement ni de boire un coca, c’est direction le contrôle. Et il faut mon passeport, et évidemment je ne fais pas d’étape de 90km avec celui-ci dans ma poche. Faut donc que j’aille le chercher dans mon sac, puis revienne au contrôle avec le chaperon sur mon dos. Bon et là ça commence à urger votre contrôle, je peux avoir le bocal ? Non, c’est pas mon tour et faut remplir les papiers d’abord… Quand enfin j’aurais le droit d’aller aux toilettes remplir le pot, un médecin me demandera de laisser la porte ouverte, de descendre mon cuissard sur les chevilles et d’uriner devant lui. Je ne sais pas vous, mais perso quand un inconnu me regarde de manière directe, ça me coupe complètement l’envie ! Bref, passons les détails suivants, une fois toute la procédure terminée, j’y ai passé près de 45 minutes. Fanny m’avouera que régulièrement elle finit les courses sans avoir assez bu donc cela lui prend plutôt 2 heures ! Content que ce soit tombé sur moi, je suis celui qui a le moins besoin de récupérer et c’était donc mieux que le sort me désigne. Fanny a déjà pris sa douche et mangé quand je la rejoins sous la tente de relaxation. Histoire de changer de la nourriture habituelle servie le soir, nous commanderons des pizzas que nous dévorerons avidement, cela fait du bien de changer des féculents habituels. Un McDo ambulant pourrait faire fortune sur une Cape Epic !
Le vendredi, Fanny doit toujours passer à la tente médicale pour son genou. Conséquence de la chute sévère du lundi, la plaie n’arrive pas à se refermer correctement avec la succession des étapes. En sus, malheureusement un cuissard l’aura blessé et cela devient très douloureux malgré la tartine de crème chaque matin. Nous sommes au cinquième jour de course et nos corps commencent à payer la facture. Nous avons beau être en tête et réussir à accentuer chaque jour un peu plus notre avance, cela ne se fait pas dans la facilité. Il faut appuyer sur les pédales et puiser dans nos ressources. Les petits bobos deviennent compliqués à gérer, et la fatigue se fait sentir. Et bien sûr, tout s’enchaine sur le même équipier, l’alimentation devient compliquée, l’estomac de Fanny se rebiffe aux produits sportifs. On fera l’étape à coup de patates salées aux ravitaillements. Grosse frayeur pour moi au 3ème, ma cale de chaussure droite était en train de se sauver et je m’en aperçois juste à temps pour la resserrer au multi-outil pendant que Fanny essaie de manger. Encore une fois on passera proche de la catastrophe avec une issue sans conséquence. Nous ne le savons pas encore, mais cette 5ème étape sera notre dernière victoire, la spirale de la fatigue nous rattrape. Dès le soir, Mon équipière a du mal à s’alimenter au repas, elle s’oblige à manger mais sans appétit, ce sera difficile. La tente médicale lui a diagnostiqué une gastrite, une inflammation de la paroi stomacale.
Samedi matin au petit déj, rebelote, l’alimentation est compliquée. L’étape est assez courte et plutôt technique avec beaucoup de singletracks, nous espérons limiter la casse. Cela tiendra jusqu’à la mi-parcours, nous avons beaucoup joué au chat et à la souris avec l’équipe mixte israélienne. Mais ils font beaucoup d’efforts pour nous lâcher, il faut beaucoup trop d’énergie à Fanny pour s’accrocher. Ce n‘est qu’une victoire d’étape, il vaut mieux s’économiser en vue de la dernière étape du lendemain. Nous les laisserons filer sans regrets, une deuxième place et simplement quelques minutes de perdues sont déjà satisfaisant, nous avons encore quasiment 50 minutes d’avance. La récupération dans l’après-midi sera compliquée pour mon équipière, maux d’estomac l’empêchant toujours de s’alimenter correctement. Heureusement que nous en sommes à l’avant dernier jour et qu’il ne reste plus qu’une étape, sinon nous pourrions être plus qu’inquiets. Si ce sont les jambes qui font avancer votre vélo, c’est votre estomac qui fournit le carburant aux jambes, et sans carburants, plus de force pour avancer. Tomber malade en début de semaine, comme nos pauvres amis du Team La Forestière, et ce sont de longues étapes à trainer votre peine. Vous avancez mais les jambes sont en coton. Je dormirais très mal cette dernière nuit, nous sommes à 84km du but, mais je sais déjà que ce sera de loin l’étape la plus dure pour notre équipe.
Dimanche, l’organisateur laisse toujours 1H de sommeil en plus le dernier jour. L’étape est souvent rapide avec peu de dénivelé. Malgré tout, nous serons réveillé à 5H comme tous les autres jours, l’habitude ou la pression ? Au petit déjeuner, notre mine est assez fermée, je n’ai pas faim et Fanny encore moins. Il faut bien manger un peu quand même, je ne prendrais que du muesli avec un yaourt accompagné d’un café. Dès le départ, mon équipière est dans le dur. C’est le dernier jour, l’étape est roulante, les grosses cuisses sont de sortie une dernière fois et le peloton de tête roule très vite. Habituellement nous arrivions à accrocher un certains temps, mais aujourd’hui c’est juste impossible, Fanny est un ton en dessous et à la Cape Epic cela ne pardonne pas. Nous sautons de groupe en groupe mais dans le mauvais sens, vers l’arrière. Evidemment nos adversaires israéliens eux sont sur la pente opposée et nous rattrapent rapidement. J’essaie d’aider au mieux Fanny en la remettant dans les roues, coupant le vent, tractant occasionnellement. Malheureusement l’étape est vraiment trop plate, avec vent de face et notre groupe s’évertue à se liguer un peu contre nous pour nous expulser. Et sur une autre attaque des israeliens, nous allons devoir abdiquer, 50 mètres derrière le groupe dans le vent, Fanny est à bloc et son estomac joue des siennes. Impossible de manger mais surtout le peu qui y était est déjà reparti. Nous avons parcouru 40km et la galère peut commencer. Il n’est évidemment plus question de place d’étape, mais de finir celle-ci en sauvant les meubles. Ca va être très long, et pour la première fois de la semaine Fanny s’accrochera le plus souvent possible à la poche de mon maillot. Je la pousserai aussi souvent, et après le dernier ravitaillement quand nous retrouverons le domaine de Meerendaal, les chemins étant plus étroits et plus raides, il faudra monter le vélo tandis que Fanny marche. C’est là que toute la dimension de course d’équipe prend son sens, tout doit être fait par chaque équipier pour assurer la meilleure avancée possible de l’ensemble de l’équipe. Pousser, tirer, porter les 2 vélos, bref avancer le plus vite possible. Enfin c’est le sommet de la dernière montée « Starway to Heaven », cette journée pour Fanny ce fut plutôt « Highway to Hell ». Nous bénéficions des encouragements de nos amis réunionnais de Cyclozone et Fanny se laisse glisser en pilotage automatique dans la derrière descente déjà faite lors du prologue. Nous passons un premier tapis qui bipe et mon équipière pense avoir franchi la ligne. Hors ce n’est qu’un tapis informatif pour annoncer les équipes, la vraie ligne est 600 mètres plus loin et il me faut la pousser tout du long en la guidant dans le dernier virage. Non mais ! on ne va pas s’arrêter à 500m du but après 650 kms d’effort ! C’est enfin la ligne finale, mais pour le champagne on repassera car le cerveau de Fanny déconnecte. Trop d’effort, trop de maux, trop proche de l’épuisement. Beaucoup d’entre vous ont vu ces images où j’essaie de la ralentir et l’empêcher de tomber trop durement. Mais rien n’y fera, il lui faudra de longues minutes d’abord proche de la ligne d’arrivée, puis à l’abri d’une tente, pour récupérer et aller récupérer la médaille de Finisher. Nous sauverons encore largement notre Leadership, mais perdrons plus de 10 minutes sur cette étape, il était vraiment temps que cette « Epique » se finisse, une étape de plus et je pense sincèrement que nous ne prenions pas le départ.
La limite entre remporter une telle course par étapes et abandonner est souvent très ténue. Nous avons eu notre lot de problèmes, mais la plupart ont eu lieu en dehors de la course et nous avons pu les gérer. Mais la maladie a réussi à mettre à terre mon équipière. Il lui a fallu beaucoup d’abnégation et de sacrifice pour terminer, pour cela elle mérite tout notre respect.
Le bilan est plus que positif. 6 victoires d’étapes, une second place, la victoire au général, premiers français à remporter une catégorie lors de la plus grande course à étapes du monde. Monter sur le podium avec les meilleurs mondiaux, et recevoir notre trophée restera à jamais gravé en nous. Et si nous étions restés quelques jours sur notre nuage, le retour à la réalité et notamment sur notre vélo est pénible. Nous avons été loin dans notre effort, et notre corps a besoin de temps pour se refaire. S’il est possible de rouler, nous n’avons pas de jus. De la force oui mais impossible de changer de rythme et d’accélérer, de monter dans les tours. On s’essouffle vite et notre cerveau refuse de nous faire mal. Peut être trop d’efforts ont eu raison de notre mental aussi. Comment se remobiliser et retrouver un objectif et de l’envie après avoir remporté le graal ? A cette question seul le temps nous apportera la réponse, espérons que vous pourrez lire celle-ci dans un prochain reportage sur une autre belle épreuve. Rendez-vous içi dans quelques temps, en attendant bon ride et merci de nous avoir suivi !
Pour participer à la prochaine édition de l’Absa Cape Epic en mars 2017, il vous faut vous inscrire à la loterie qui est ouverte jusque fin mai sur le site www.cape-epic.com
Voir aussi : Absa Cape Epic 2016, de la formation de l’équipe à la victoire finale, l’envers du décor
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