La reine des Granfondos

Le même week end que la Marmotte, le Marathon des Dolomites fêtait sa trentième édition. Un mythe de l’autre côté des Alpes, avec 9000 participants, représentant 56 nations. VELOCHANNEL.COM y était.

Photos : @pizzininiscolari

Passo Pordoï, Passo Sella, Passo Gardena, Passo Giau, sont parmi les cols les plus réputés des Dolomites, culminant tous autour de 2200 m, et ayant marqué l’histoire du célèbre Giro. Tous les quatre sont au programme du Marathon des Dolomites, mais pas seulement. Cette épreuve est un véritable mythe chez les cyclosportifs, aussi bien en raison de son parcours, de ses routes privatisées, que de sa participation internationale. Quant au niveau, il est très dense en haut des classements, grâce à un calendrier très fourni à cette époque de l’année, et une couverture médiatique impensable en France. L’épreuve est même retransmise en directe sur la Rai 3, une chaine nationale ! Pour assurer la promotion de l’épreuve et de sa région (on parle de 9 millions d’euros de retombées directes ou indirectes), les organisateurs sont même obligés de refuser du monde, beaucoup de monde : cette année encore, près de 33 000 candidats pour 9000 places (8900 partants en définitive). Bref, il faut en être au moins une fois, pour se rendre compte…

Côté géographie, Corvara est située dans le nord-est de l’Italie (région du Trentin-Haut-Adige), non loin de l’Autriche et à 1500 m d’altitude, un endroit idéal pour enchaîner les cols de haute altitude, très proches les uns des autres. Le Marathon des Dolomites propose trois parcours, avec 55, 106 et 138 km et respectivement 1800, 3000 et 4200 m de dénivelé. Se rendre dans les Dolomites depuis Paris n’est pas une mince affaire. 1200 km de voiture ou prendre l’avion, via Venise, l’aéroport le plus proche (2h30 de voiture tout de même). Malheureusement, le week end s’annonce mitigé du point de vue de la météo. Et quand on connaît la réputation de la région et les possibles variations de température, il y a vraiment de quoi s’inquiéter. D’ailleurs, la veille de l’épreuve, les vélocistes du coin sont dévalisés, puisque pas moins de 300 vestes Gabba sont vendues.

Un départ très matinal

Départ à 6h30. Ça pique. Avec le monde annoncé, autant ne pas traîner pour rejoindre la ligne à La Villa, cinq kilomètres en contrebas de Corvara. Après une soirée et une nuit très arrosées, l’aube est brumeuse et humide, mais la température se maintient autour de 12/13° à 1500 m. Pour éviter les bouchons, il y a comme tout événement de ce type plusieurs sas, et une organisation bien huilée pour éviter aux resquilleurs de se faufiler. On voit beaucoup de beaux vélos, des types affûtés à l’équipement coordonné, et surtout un nombre significatif de femmes : moyenne d’âge entre 35 et 50 ans, lignes sveltes, superbes tenues ajustées, vélos haut de gamme. L’ambiance est sensiblement différente des grands événements de ce type en France.

Coup de feu rapide qui étire la file, d’autant plus que les cinq premières bornes se font en faux plat montant. D’ailleurs, on voit déjà les premières cassures avant même d’aborder le col de Campolongo, depuis Corvara et un premier passage au abord de la ligne d’arrivée. Le Campolongo n’est pas à proprement parler un col difficile, avec 5 km et 375 m de dénivelé. Le bitume lisse et les lacets rapprochés cachent cependant des pentes très irrégulières où il est difficile de trouver son rythme.

On bascule au sommet sur une route toujours humide, avec un enchainement de virages en épingle. Cette courte dégringolade de 4 km nous amène à Arabba, où après un virage serré à droite on attaque directement le Passo Pordoï. Pentes irrégulières, nombreuses épingles et surtout brouillard de plus en plus épais sont au menu. Le Pordoï culmine à 2242 m, au terme d’une montée de 9,4 km à 6,8 %, mais là encore avec des variations de pente fréquentes qui obligent à changer souvent de braquet… à la condition d’être en forme, car sinon les effets conjugués de la pente et de l’altitude imposent d’utiliser déjà le développement minimum.

Au sommet, la température est descendue à 9°. Il est 7h30, et nous avons déjà avalé 1000 m de dénivelé. Toujours humide et technique, la descente suivante nous conduit au pied du Passo Sella, 5,5 km à 7% de moyenne et un sommet à 2240 m. Le premier virage à droite nous met tout de suite dans l’ambiance, avec des variations de pente incessantes qui obligent même à passer le 39×28 pour la première fois de la journée. Le profil est traître et surtout cet enchaînement de difficultés sans aucune transition commence déjà à peser dans les jambes. En haut, on imagine une vue magnifique, grâce à quelques trouées dans le brouillard.

Mais celui-ci s’épaissit à nouveau en grimpant le Passo Gardena, quatrième difficulté de la journée, avec un sommet à 2121 m, au terme d’une ascension où se succèdent raidars et replats pour 6 km à 4% de moyenne. Malgré l’humidité ambiante, la route commence à sécher dans la longue descente suivante qui nous ramène au premier passage à Corvara. Les moins entrainés peuvent choisir à ce moment-là de s’arrêter et d’être classés sur le « petit » parcours de 55 km, déjà un bon morceau.

Les autres s’engagent pour une seconde ascension du Campolongo, le col déjà emprunté au départ. Après cette cinquième difficulté, au lieu de tourner à droite à Arabba comme au premier tour, on s’engage sur la seule dizaine de kilomètres de « vallée » (en fait, une route en corniche), où des petits groupes se reforment, et où le soleil se décide enfin à sortir.

Au 75^e kilomètre, c’est le moment de choisir entre le grand parcours et le parcours intermédiaire. Ce dernier grimpe directement le Passo Valparola (2168 m), par une route de 11 km très régulière, autour de 6% de moyenne, sauf le dernier km, vachard avec ses 12%. Le grand parcours attaque lui le gros morceau de la journée, la fameux Passo Giau (2236 m), avec ses 10 km à plus de 9% de moyenne, heureusement assez régulier. La vue se dégage nettement au sommet, que certains atteignent après plus d’1h15 de souffrance.

Mais il faut ensuite s’attaquer à l’autre versant du Valparola, avec encore 13 km et 700 m de dénivelé avant de retrouver une fin de parcours commune avec le 106 km. La descente vers La Villa est rapide et roulante, et d’autant plus agréable que le soleil est enfin vraiment de la partie. Le panneau annonçant les cinq derniers kilomètres n’est pas pour autant libérateur. Il reste à grimper le Mur du Chat, un détour spectaculaire avant de retrouver la route de Corvara : 400 m en ligne droite avec un passage à 19%. Heureusement, des centaines de spectateurs sont là pour hurler des encouragements, voire pousser quelques concurrents en difficulté.

Les plus fatigués passent à pied, mais qu’importe : ils sont tout près du but, comme Sonny Chamand, 46 ans, qui boucle le parcours en 8h17. « J’ai débuté le vélo sur route il y à peine un an, et j’ai accroché mon premier dossard à cette occasion. J’ai bien géré mon effort tout au long de la journée, prenant mon temps dans chaque ascension et m’arrêtant à tous les ravitaillements. Mais ce parcours, cette ambiance, et le fait d’avoir réussi mon pari m’ont procuré beaucoup d’émotions à l’arrivée. »

Comme il se doit, honneur aussi aux vainqueurs de cette édition 2016, avec Cristian Nardecchia chez les hommes (en 4h40) et Barbara Lancioni chez les femmes (en 5h14).

Infos complémentaires : www.maratona.it

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