Une belle balade entre terre et mer
Après une première découverte vécue de l’intérieur sur le GravelMan Paris-Deauville en 2021, nous avons renouvelé l’expérience en ce vendredi 18 mars lors de la première édition GravelMan Breizh, 3e épreuve du calendrier GravelMan Series 2022. Récit d’une aventure enrichissante au coeur d’une terre de cyclisme !
Par Fred Ischard – Photos : Fred Ischard
Une distance « standard GravelMan » de 350 kilomètres et 5000 mètres de dénivelé, voici ce que nous propose de réaliser l’organisateur Stéven Le Hyaric, ex-cycliste de haut niveau et aventurier hors paire, toujours en quête de défis les plus fous. Il a décidé de lancer ces épreuves GravelMan Series afin de permettre à un large public de se lancer tout en douceur dans le monde si particulier de l’ultra cyclisme. Deux traces au choix: une version asphalte et une version tout-terrain en mode Gravel à effectuer en moins de 50 heures, chacun à son rythme. Pas de dossard, pas de podium, juste un classement officieux pour contenter les plus coursiers d’entre nous tout en restant dans un état d’esprit sans prise de tête, chacun vit son aventure à son rythme. Un guide précis nous est envoyé quelques jours avant le départ et un briefing nous est adressé avec toutes les recommandations nécessaires afin de profiter dans les meilleures conditions possibles de cette aventure.
Préparation et logistique
Je décide de me lancer à nouveau sur la version Gravel, celle qui permet d’alterner section asphalte et chemins en tout genre allant de parfaitement carrossable au monotrace technique. Après un hiver passé principalement sur les skis et baskets au pied afin de diversifier les activités, il est temps de me remettre plus sérieusement au vélo à un mois de ce défi. Peu de rythme mais deux bons blocs d’endurance sur deux à trois jours consécutifs afin d’habituer l’organisme à rouler six à sept heures sans s’arrêter, l’objectif étant de cumuler un temps de roulage sur un week-end identique à celui de l’objectif fixé sans pour autant user l’organisme.
Côté matériel, je retrouve mon fidèle Vaast A/1 qui héritera d’une transmission toute neuve, d’une paire de roues en 700 en apprenant que le tracé comportera de nombreuses sections roulantes et de sacoches utilisées lors de notre première aventure l’an passé : une sacoche de selle Brooks de 11 litres et une petite poche de cadre de 2 litres de la même marque sur le tube supérieur. Retenant l’expérience de Paris-Deauville, je n’ai aucun doute sur le fait de boucler les 350 kilomètres en mode non-stop. Les éléments de couchage ne seront donc pas nécessaires. Un coup d’œil aux prévisions météo me conforteront dans l’idée de partir assez léger. J’embarque donc dans la grande sacoche un vêtement pluie léger, un sous maillot, un coupe vent haute visibilité et une paire de chaussettes de rechange, 2 chambres à air, pompe, dérive chaîne, lubrifiant chaîne et un morceau de scotch en guise de matériel de réparation; une lampe de casque, une lampe de cintre et une batterie de secours pour l’éclairage, une dizaine de barres, trois compotes et deux bonnes galettes de blé/épeautre en ration d’alimentation pour la 2e moitié de course. Dans la petite poche de cadre, j’y glisse une Power Bank et toute la connectique pour recharger lampe et GPS si besoin ainsi que des pastilles d’électrolytes pour recharger en boisson régulièrement.
Prélude de l’épreuve
Rendez-vous est donné à Guingamp, petite ville des Côtes d’Armor. Bon, entre nous ce n’est pas l’adresse la plus touristique de la région mais il faut bien avouer que c’est très facile d’accès aussi bien par la route que par le train. Après deux bonnes heures de train depuis la capitale, me voici sur place le jeudi fin d’après-midi. Juste le temps de m’installer dans un hôtel à deux pas de la gare, installer les équipements sur le vélo et je file direction le check-in du vélo en sortie de ville. Rien d’inquiétant et pas de prise de tête, ce n’est pas un contrôle technique méticuleux du matériel mais plus une assurance de la part de l’organisation afin que chacun parte avec un vélo conforme à rouler sur une longue distance et que tout le monde dispose d’un minimum d’équipements (éclairage, sécurité, réparation, rechange et nourriture). Les trackers GPS arrivant sur site plus tard, je le récupérerais le lendemain matin au départ. Retour à l’hôtel et ensuite une bonne nuit de sommeil car le lendemain réveil à 5h.
Départ
Réveil difficile, c’est le début d’une très longue journée qui s’annonce. Je me mets en tenue, pas d’hésitation ce sera tenue longue exigée que je garderais toute la journée, j’enfile par contre une veste Gore-Tex pour affronter les températures hivernales de la matinée. Je grignote quelques viennoiseries, j’embarque une dizaine de barres et de pâtes de fruits dans les poches et c’est parti. Je laisse mes bagages et quitte l’hôtel. Deux petits kilomètres pour me rendre au départ, il fait 3 petits degrés dans la pénombre guingampaise. Me voici sur place où je retrouve toute l’équipe d’organisation, je récupère mon tracker GPS, j’allume mon unique lampe de casque pour cette première heure nocturne et c’est parti, il est 6h20 alors que je pouvais partir à 6h, comme lors de Paris-Deauville je vais donc devoir remonter la grande majorité des participants qui se sont élancés à 5h30 ou 6h. Vais je pouvoir remonter tout le monde comme l’an passé ? Nul ne peut le savoir à ce moment.
Je m’élance en compagnie d’un ami qui est aligné sur la trace asphalte, les 4 premiers kilomètres sont communs. On traverse Guingamp ensemble et on se sépare en sortie de ville quand je quitte la route pour une piste carrossable qui va rapidement se transformer en single bien GRAS en montée. Désireux de ne pas me mettre dans le rouge rapidement, je termine la montée à pied puis me relance sur des chemins roulants après le sommet. J’adopte un bon rythme et reprend des petits groupes régulièrement. Après cette première bosse, c’est assez plat et on change régulièrement de direction tout en mettant cap à l’ouest, on alterne chemins roulants et petites routes étroites. Après 10 kilomètres, on retrouve à nouveau des chemins très boueux à souhait, il faut par moments jouer les équilibristes, passer un peu en puissance pour ne pas rester enlisé, le vélo est déjà complètement couvert de boue ! Au 15e kilomètre, on retrouve à nouveau des petites routes pour s’acheminer tranquillement vers le point culminant du parcours, le fameux Menez Bré et sa chapelle Saint Hervé qui culmine à 307 mètres d’altitude. J’effectue la montée en compagnie d’un youtubeur qui reste sur deux échecs sur les deux premiers GravelMan de l’année, il a donc comme objectif de boucler ce GravelMan Breizh #1 et il est parti sur un bon rythme. Finalement, la montée est moins difficile que ce que j’aurais pensé, on arpente un chemin certes assez pentu mais qui roule bien et nous voici au sommet, premier point de passage du parcours, à savoir que les points de passage sont communs aux deux traces Gravel et asphalte. J’ai 23 kilomètres et 1h03 de roulage donc quelques minutes d’avance sur mes prévisions, c’est donc un début correct, le vélo fonctionne bien malgré la boue. Maintenant, cap au sud direction Carhaix.
Les Monts d’Argoat
Le jour s’est levé mais nous sommes dans le brouillard, je fais l’incontournable selfie pour attester de mon passage, il y’a pas mal de monde qui prend le temps d’une pause à ce sommet. J’amorce la descente qui s’effectue sur des singles gras à souhait, ça glisse et il faut bien piloter le vélo qui se comporte un peu différemment avec l’inertie de la sacoche arrière. Néanmoins, la descente est très jolie dans les bois. Je passe ensuite la localité de Louargat où je croise des participants du tracé asphalte. Passage de l’autre côté de la RN 12 et c’est reparti pour une nouvelle belle grimpette qui va nous faire remonter un mont, enfin un Menez comme on dit là-bas. De nouveau un chemin pentu et très boueux, ça passe à pied et je retrouve un sympathique paysage de landes au sommet du Menez Hoguéné, le brouillard est moins dense mais point de soleil en ce début de matinée. Impossible de compter le nombre de concurrents que je remonte mais c’est plutôt sympa comme principe ce genre de remontada, ça permet de croiser du monde; des solos, duos, trios, petits groupes et toujours un petit bonjour.
Descente rapide puis traversée de la forêt de Coat An Hay par la route. Le parcours est très vallonné à travers ces massifs armoricains, les montées ne sont pas très longues mais répétitives sur des chemins larges entrecoupés de petits singles boueux et d’agréables sections asphalte. C’est d’ailleurs un long faux plat descendant le long du cours de l’Hyère qui va nous amener jusqu’à la localité de Callac, un charmant village de la Cornouaille que l’on traverse. Beaucoup de concurrents y feront une pause à la première boulangerie rencontrée depuis le départ, pour ma part j’ai ce qu’il me faut dans les poches et je préfère aligner les kilomètres, j’ai effectué les 50 premiers et j’adopte mon rythme de croisière.
Sortie de village, je retrouve le parcours commun à la trace asphalte pour gravir la montée de Restellou et ses 400 mètres à 10%, ce n’est pas un secret il y’a de belles grimpettes ici. Ensuite, on va gravir une succession de bosses principalement sur bitume, le parcours est agréable et linéaire sur ces petites routes de l’argoat, la « Bretagne des terres » où bocages, fermes et sous-bois s’entremêlent. Après 3h33 de vélo, me voici au 71e kilomètre à Maël-Carhaix, le deuxième point de passage du parcours. Je décide de faire un petit arrêt sur la place de la mairie où j’y retrouve l’ami aligné sur la trace asphalte avec qui j’ai commencé l’épreuve, il est arrivé 5 bonnes minutes avant moi et semble ravi de ce début de parcours très vallonné car en effet, j’ai également déjà 1150 mètres de dénivelé cumulé. Je mets à profit l’arrêt pour enlever ma lampe et ma veste Gore-Tex car il fait maintenant grand beau et un petit 10 degrés bien agréable. Un premier litre d’eau consommé ainsi que quelques barres, j’essaie de manger régulièrement par petite dose pour ne pas m’écoeurer trop vite, allure constante, prêt à poursuivre ma route. Après 5 bonnes grosses minutes d’arrêt, un peu d’huile sur la chaîne, je nettoie grossièrement le vélo puis je reprends ma route et cette fois cap vers l’est en direction de Mur de Bretagne.
En direction de Guerlédan
Je traverse cette localité de Maël-Carhaix et quelques mètres après mon arrêt, ravito surprise de l’organisation… Dommage, ça aurait fait une pause sympa mais ayant déjà effectué une pause correcte, je file directement et dès la sortie de village, on emprunte une ancienne ligne ferroviaire qui reliait St Méen à Carhaix, maintenant transformée en voie verte bien aménagée. On va alors suivre cette voie verte durant une quarantaine de kilomètres jusqu’à Mur de Bretagne. Pour le coup, il y’avait certainement bien plus difficile à faire mais l’objectif de Stéven Le Hyaric n’étant pas de nous faire naviguer pendant des heures dans l’immense forêt de Guerlédan, il a choisi de nous épargner ces difficultés et de rester sur cet itinéraire facile tout en ayant un bel aperçu de l’aspect sauvage du lieu mais également du lac de Guerlédan qui coupe littéralement le canal de Nantes à Brest en deux parties. Revenons à la « course », je me retrouve un peu seul face au vent pour aborder cette section roulante mais agréable, du long faux plat montant et pas mal de petites routes à traverser mais ça roule vite sur cette voie dégagée, j’arrive assez vite à Rostrenen. C’est ici que je reprends un coureur qui mène une bonne vitesse, bien installé sur ces prolongateurs, je vais profiter de son sillage pendant 10 bornes jusque Gouarec, ça fait du bien et c’est nettement moins épuisant.
A Gouarec, nous voici sur les berges du canal de Brest à Nantes avec une trace parfaitement parallèle à la trace asphalte qui emprunte une belle route longeant notre voie verte. Après quelques kilomètres, on arrive à l’entrée des gorges de Daoulas, je passe sur un viaduc qui sert de rampe de lancement de saut à l’élastique et pile au moment où je passe, grand cri d’un des jeunes du groupe qui s’est jeté corde bien assurée heureusement. Allez, encore une dizaine de kilomètres à bon train et j’aperçois le fameux lac de Guerlédan puis l’entrée du village de Mur de Bretagne. Il est 11h30, cette section très roulante m’a fait gagner une heure sur mon horaire prévu ici. 113 kilomètres au compteur effectués en 5h10, ça s’est bien enchaîné en ce début de parcours. Je traverse ce joli village, j’aperçois un attroupement à la boulangerie mais je préfère filer n’ayant pas encore nécessité de m’arrêter manger. Je m’arrête quelques mètres plus loin dans un petit restaurant pour me réapprovisionner en eau.
En direction du littoral
Arrêt à nouveau assez rapide, 5 bonnes grosses minutes pour remplir les gourdes en eau+électrolytes, lubrifier la chaîne et réapprovisionner quelques barres dans les poches afin de tenir les 60 prochains kilomètres me menant à St Brieuc. Je range les affaires et je file maintenant plein nord. Une descente pour sortir du village et j’aperçois en face de moi le fameux mur de Méné Heiez, la fameuse rampe rendue célèbre par le passage du Tour de France et plusieurs arrivées d’étape au sommet. La trace asphalte passe également par ce lieu mythique et il faut bien avouer que je ne grimpe pas bien vite avec le vélo cumulant quasi 15 kilos, à peine 10km/h sur les parties les plus raides ! En tout cas, c’est plutôt sympa de l’arpenter en vrai pour se rendre compte que c’est absolument incroyable de voir les pros passer l’ascension à près de 30km/h. On poursuit par une trace globalement roulante, on serpente sur des petites routes perdues mais le profil est sacrément vallonné, très peu de plat et on enchaine les bosses comme on enchaine les kilomètres, une seule portion boueuse lorsque l’on traverse l’Oust peu avant le village d’Uzel.
Après ce village, je sens le vent de face se renforcer, je croise des coureurs de la trace asphalte avant de rebifurquer vers un chemin, il devient plus difficile de rattraper des concurrents de la trace Gravel car plus on se rapproche vers l’avant du groupe, mieux ça roule ! Je commence à sentir un peu la fatigue dans les jambes aux alentours du passage tout près de Ploeuc sur Lié vers le 140e kilomètre. On accumule à nouveau pas mal de petits talus, de véritables montagnes russes pour rejoindre le littoral, par contre on emprunte majoritairement des petites routes nous permettant de conserver une vitesse de progression correcte. Vers le 150e kilomètre, je reprends un coureur qui a subi un coup de moins bien, un coursier de Brest avec qui je vais enfin pouvoir faire un petit bout de route, une quinzaine de kilomètres qui va me faire du bien d’autant que l’on emprunte une succession de petits chemins et singles variés. On aperçoit enfin la mer à l’horizon. C’est en plongeant vers Yffiniac que je me retrouve à nouveau seul.
Je traverse cette localité qui est un peu la grande banlieue de St Brieuc, ça circule pas mal mais je retrouve rapidement une nouvelle voie verte qui longe l’anse d’Yffiniac, un chemin bien agréable accompagné d’un splendide soleil, l’air iodé et 15 degrés, le printemps breton quoi !
Après quelques kilomètres tranquille, on plonge dans le vallon du Douvenant avant de remonter par une pente sèche vers un quartier de St Brieuc et de replonger vers le pont à bascule qui traverse le Légué, voici notre 4e point de passage qui marque la mi-parcours, bienvenue à St Brieuc, il est 15h15. J’ai une bonne demi-heure d’avance sur mon objectif ciblé de 20 heures. Je m’accorde néanmoins une petite pause juste pour lubrifier à nouveau la chaîne que j’essaie d’entretenir le plus possible car les passages boueux n’aident pas. Ayant subi un coup de moins bien, je m’arrête 10 petites minutes, j’en profite également pour m’étaler de la crème à cuissard, un détail important lors des longues sorties. Allez, 15h25 c’est parti pour la 2e partie de ce GravelMan Breizh.
Baie de St Brieuc
Je passe devant le petit port de St Brieuc, pas mal de coureurs se sont posés en terrasse, c’est tentant mais je préfère continuer à avancer non pas seulement dans le but d’établir un chrono correct mais également pour profiter du littoral tant qu’il fait jour. C’est donc d’entrée une montée raide et sèche sur asphalte, 700 mètres à 12% de moyenne avec des passages à 16% qui m’attend avec vue sur le viaduc routier du Gouédic, en l’occurrence la mythique RN12 reliant Paris à Brest. Au sommet, je suis au milieu de lotissements de la banlieue briochinne. En passant devant un centre commercial, j’aperçois une boulangerie, un coup d’œil rapide et je jette mon dévolu sur deux petits wraps salés qui me feront grand bien après plus de 9 heures à ingurgiter du sucre. Ayant déjà fait une pause précédemment, je mange en roulant. Je quitte maintenant St Brieuc et remonte le littoral vers le nord, enfin plutôt la baie de St Brieuc, enfin non on va dire que l’on longe plus la RN12 que le littoral mais en restant dans des petites rues tranquilles et de petites sentes, faut bien naviguer car ça tourne un peu dans tous les sens. Les wraps m’ont fait du bien et je retrouve quelques couleurs. Je passe sur le viaduc de Percée et me voici à l’entrée de Pordic. Bon, on reste en retrait du centre à serpenter un coup à droite, un coup à gauche dans les rues, bref une bonne section urbaine mais ensuite c’est un joli sentier qui nous fait plonger vers la mer et la plage de la Banche, bienvenue à Binic. C’est une jolie station balnéaire mais également un point de passage à valider, j’ai 190 kilomètres au compteur. Je n’ai plus d’eau donc j’en profite pour recharger mes deux bidons dans un bar devant le joli petit port alors que des touristes sont en train de siroter une bière, c’est trop tentant mais il me reste encore… 160 kilomètres à rouler !
Côte de Goëlo
Je continue de remonter plein nord en direction de Paimpol où je compte bien me ravitailler avant la nuit, bon 40 kilomètres à faire mais avec la motivation de manger un truc chaud et salé sur place. Dans un premier temps, ce sera très urbain avec beaucoup de circulation pour traverser Binic puis Étables sur Mer, deux cités balnéaires qui n’ont que peu d’intérêt. Certes le GR 34 serait beaucoup plus joli mais également très compliqué à rouler en Gravel sans parler d’interdiction aux deux roues sur certains secteurs. Je déambule donc dans la zone urbaine d’Etables sur mer en restant vigilant à rester sur la bonne trace. Une petite montée puis on descend un chemin et nous voici à St Quay Portrieux, peu d’intérêt également sur cette zone où l’on passe d’une rue à l’autre, on remonte puis on redescend en apercevant de temps en temps la mer. J’avoue être un petit peu déçu de la trace depuis St Brieuc mais je serais récompensé par la suite. Je quitte gentiment St Quay et le parcours devient moins urbain. On s’éloigne régulièrement de la mer pour en revenir aussi rapidement. Ça engendre pas mal de détours ce qui explique le kilométrage important dans un périmètre assez limité sur ce littoral. On approche de Plouha et on plonge vers la plage du Palus pour aussitôt remonter un single sauvage et boueux à souhait, ce sera à pied pendant 5 bonnes minutes.
Ensuite, on enchaine sur une section roulante mais avec toujours un vent défavorable qui devient usant depuis Mur de Bretagne. J’alterne entre petites routes et chemins faciles puis je plonge vers la magnifique petite crique de Brehec, c’est probablement le point le plus joli que je verrais de jour, absolument magnifique ! Et pour faire durer le plaisir, un mini tronçon du GR34 nous est offert, bon certes c’est une montée en portage mais sous le soleil et en guise de récompense un magnifique panorama sur l’anse de Brehec. La montée se poursuit ensuite sur une petite route qui surplombe le littoral, voilà qui fait plaisir.
Le petit port de Paimpol se rapproche, une petite dizaine de kilomètres à enchainer des chemins roulants et des petites routes en évitant évidemment les falaises du littoral, passage sur la digue, visite de l’abbaye de Beauport puis je longe la plage de Keirdreiz et à 18h, me voici enfin à Paimpol pour un petit repas rapide bien mérité. J’ai 230 kilomètres et 3200 mètres de dénivelé, 11h40 de course et un petit stop d’une petite demi-heure s’impose, il fallait en choisir une et ce point me paraît le plus stratégique pour recharger les batteries. Mise en place des lampes casque et cintre, lubrification chaîne, approvisionnement barres et compotes dans les poches pour la soirée et enfin dégustation de deux paninis, ça fait du bien de manger quelque chose de chaud et de salé. 20 minutes ça passe vite, très vite… J’en profite pour jeter enfin un petit œil sur le tracking GPS et là, je me compte à la…. 16e place ! Ah oui quand même, ça n’a pas fait semblant devant, d’autant que les premiers sont déjà à Perros-Guirec, soit environ 1h45 d’avance sur moi.
Presqu’île de Tregor
Allez, il est donc temps de repartir rapidement en compagnie de deux concurrents Gravel qui se sont également arrêtés au port de Paimpol, il est 18h30 et j’ai encore une toute petite heure à tirer de jour. On quitte Paimpol par une petite montée facile sur route avec cette fois un vent favorable. Je distance rapidement le duo et quitte la grande route pour la retrouver un peu plus tard au passage du pont de Lezardrieux qui nous permet de traverser le large cours d’eau du Trieux. Je poursuis mon chemin en compagnie d’un coureur de la trace route mais malheureusement nos chemins se séparent 3 kilomètres plus loin. Je poursuis sur de petites routes, traverse la localité de Trédarzec et plonge ensuite vers la vallée du Jaudy qui dessine également un joli bras de mer.
De l’autre côté de ce cours d’eau, se trouve le charmant village de Tréguier, c’est dommage la trace ne nous fait pas visiter le très joli centre historique qui paraissait plein de caractère, je n’ai pas vraiment la lucidité de dévier de ma trace et du coup on reste sur la route principale que je vais quitter à la sortie du village pour aller chercher une voie verte sur quelques kilomètres. Le parcours n’est pas trop vallonné sur cette section ce qui me permet d’avancer à bonne vitesse. Vers le 250e kilomètre, j’entre dans un joli single très agréable qui m’oblige à allumer ma lampe de casque car il commence à faire sombre, je reprends 2 coureurs qui se sont un peu perdus dans la trace. A la sortie du single, je retrouve le littoral mais également une montée raide pour rejoindre la localité de Trevou où je rejoins un autre coureur avec lequel je vais faire quelques kilomètres, la nuit tombe et on décide de rejoindre Perros-Guirec ensemble sur un tracé à nouveau vallonné mais restant roulant. Je décide de n’utiliser que ma lampe de casque pour rejoindre le point de passage de Perros-Guirec. Il est 20h20 et nous y voici après 265 kilomètres de course. Petit selfie pour attester de mon passage car ensuite on entre dans la dernière ligne droite pour les 85 derniers kilomètres. Je prends 2 minutes pour analyser la trace qui paraît nettement plus technique et casse-pattes pour la fin de parcours car il reste 1300 mètres de dénivelé à gravir. Mon compagnon de fortune se fait la malle pendant que je branche mon GPS sur ma Power Bank car quasi plus de batterie, il pourra ainsi se recharger en roulant, un atout précieux. Je vais pour allumer ma lampe de cintre mais ma batterie pourtant pleine ne veut rien savoir ! Ca va être un peu tendu de tenir la fin de parcours avec l’unique lampe de casque mais il me reste également une heure à tirer sur la batterie de ce matin, je reste confiant !
Je repars à 20h30, il me reste normalement bien assez d’eau pour terminer l’épreuve et j’estime mon arrivée pour 1h, ce qui me fera un temps bien inférieur aux 20 heures visés… Cool !
Côte de Granite Rose
Je quitte Perros-Guirec par une belle montée sur route, enfin non je ne quitte pas vraiment Perros-Guirec car cette petite ville balnéaire s’étale sur une pointe avec une butte centrale, d’un côté le port d’où je viens et de l’autre les plages et le casino là où je file. Nous sommes un vendredi soir, 20h45 et c’est déjà quasi désert, on voit que nous sommes en période creuse. Bon cette fois je quitte vraiment Perros-Guirec par une sacré montée bien raide sur 500 mètres avant de plonger pleine vitesse sur Ploumanac’h par la route. Je rejoins le littoral, j’aperçois le compagnon de fortune parti avant moi de Perros et je vais le redoubler suite à une petite erreur de parcours de sa part, décidément on ne va pas avoir beaucoup roulé ensemble. J’ai ensuite la surprise de rouler sur la plage de Ste Anne, faut se méfier des petits rochers et slalomer un peu, le sable mouillé n’est pas trop mou, c’est plutôt agréable. Dommage qu’il fasse nuit, ça doit être magnifique la côte de Granite Rose de jour. Je quitte la plage et rentre un peu dans les terres, il faut à nouveau bien naviguer car on serpente sur des petits sentiers techniques, des petits rochers de granit à franchir. Malgré la nuit, on devine un changement de décor par rapport à ce que l’on a déjà pu visiter jusqu’alors. Et là, dans un petit single sur un ruisseau, d’un coup plus de lumières du tout. Je débranche et rebranche, rien ! Je tente avec la lampe de cintre, rien ! Bref, batterie vide ou HS alors qu’il reste encore 70 kilomètres, cette batterie n’a tenue que 35 kilomètres, à peine deux heures ! Bizarre… Du coup, mon seul secours c’est la fameuse batterie qui ne fonctionnait pas à Perros, je tente à nouveau et surprise, elle fonctionne par intermittence avec une certaine position ! Après de nombreux essais, toujours le même coureur qui me double et n’apprécie pas les sentiers humides de nuit. Je tâtonne toujours dans la pénombre pour retrouver le petit rouleau de scotch que j’ai par chance rangé dans la poche de cadre. Je tâche de maintenir la batterie en position pour allumer la lampe, je renforce avec de nombreux tours de scotch pour maintenir la batterie en position et je la brancherais sur la lampe de cintre afin de la caler dans la poche de guidon pour qu’elle bouge un minimum. Le GPS étant rechargé, je peux le débrancher et laisser place libre pour le fil de la lampe. J’ai de la lumière, alléluia ! Maintenant, j’espère que ça va tenir avec les vibrations.
Après 10 minutes perdues, je repars et retrouve rapidement le coureur devant moi que je double pour filer à mon allure. Enfin, j’y vais avec prudence au début pour m’assurer que la batterie reste bien en position. Le parcours devient plus technique et on plonge pour retrouver le littoral à Penvern. Puis on retourne dans les terres, alternance de chemins et de petites routes avant de nouveau retrouver le littoral, bref du coup c’est très casse pattes mais heureusement le vent est favorable. Je traverse la cité balnéaire de Trébeurden totalement déserte, il est 21h45 et il me reste 1 litre d’eau pour boucler les 60 derniers kilomètres, je suis toujours dans les clous pour arriver vers 1h malgré que le parcours redevienne technique par endroits. J’emprunte une route large qui longe le littoral et je reprends un sentier technique qui serpente en surplomb de la mer, ça doit être vraiment trop beau en plein jour ! Le parcours redevient ensuite roulant pour rejoindre la ville de Lannion et j’ai l’idée de profiter de la pleine lune pour éteindre la lumière sur les tronçons de petite route où l’on voit bien.
Il est 22h30 lorsque j’entre à Lannion. On emprunte pas mal de petites sentes et de parcs pour traverser la ville, il faut bien suivre la trace. La ville est vraiment déserte à cette heure-ci. Allez, les 50 derniers kilomètres, arriver à 1h semble compliqué si le parcours reste technique mais je devrais sans soucis arriver avant 2 heures. Je quitte Lannion en traversant des lotissements puis je plonge vers le fleuve du Léguer, les freins commencent à siffler fort. Je longe le cours d’eau par une belle piste puis des chemins plutôt roulants, certes ça grimpe pas mal mais ça roule. C’est peu avant le 310e kilomètre que l’on emprunte un sentier très casse pattes, physique et technique, faut pas mal pousser et rester très lucide. A deux reprises, j’effectue des erreurs de parcours et c’est vite une bonne dizaine de minutes perdues. J’arrive finalement péniblement au château de Tonquédec, il est 23h30 et j’ai vraiment faim. Heureusement, je sors la ration de secours : une galette épeautre/tomate et deux compotes consécutives avec un shot de caféine, je mange tout d’un seul coup et ça me rebooste très rapidement, aussi vite que le moral du coup ! C’est parfait pour aborder les 35 derniers kilomètres qui devraient être bouclés en deux heures.
Final dans les sentiers boueux du Léguer
Je repars en suivant encore le cours du Léguer, les chemins sont véritablement remplis de boue et on avance péniblement. Bon, ça ne me dérange pas, il suffit d’être patient, pousser en montée, rester vigilant en descente, en tout cas une chose est sûre, cette fin de parcours est très ludique, technique, juste un peu trop de boue qui rendent les montées infranchissables. Je double quelques participants qui commencent à être exténués, la moyenne a du coup considérablement baissé et cette section de 10 bornes depuis le château de Tonquedec fut sacrément physique. En arrivant à Pluzunet, on retrouve enfin une belle portion de route pendant 5 kilomètres pour rejoindre la petite ville de Bégard que je traverse à grande vitesse, il me reste 15 kilomètres, l’arrivée finale se profile. Jusqu’au village de St Laurent, quelques petites bosses et une alternance de chemins et d’asphalte, on croise régulièrement les participants de la trace asphalte.
Les portions de route me permettent d’éteindre ma lampe de temps en temps pour préserver l’autonomie de ma batterie. Les 10 derniers kilomètres sont globalement plats, je peux enfin souffler un peu. Dernier single à 5 kilomètres de l’arrivée, je franchis le Trieux et retrouve une large route peu avant Pabu. Je termine ainsi en compagnie de trois coureurs de la trace asphalte qui font le sprint dans le dernier kilomètre !
Arrivée
Il est 2h38 lorsque je retrouve l’hôtel qui sert de base de départ et d’arrivée de ce GravelMan. Je suis vraiment surpris par cette arrivée tardive mais cette dernière section depuis Perros-Guirec fut vraiment technique et physique et a considérablement baissé la vitesse. Mon objectif sous les 20 heures est donc raté pour 18 minutes mais j’ai été récompensé par une très belle et magnifique balade dans un territoire riche et varié, aux multiples visages. En deux tours d’horloge, Stéven Le Hyaric a offert sur un plateau un véritable assortiment d’images représentant la richesse de la Bretagne : les landes des vestiges des Monts d’Arrée, les bocages de l’Argoat, la forêt et le lac Guerlédan, les côtes de Goëlo et de Granite Rose… Un bon petit ravito offert par l’orga, quelques heures de sommeil enfoui dans ma couverture de survie et je je retourne à mon hôtel récupérer mes bagages avant de reprendre le train pour Paris dès le samedi matin pendant que les participants du 120 kilomètres vont débuter leur aventure d’une journée. Je me remémore tous les bons souvenirs de cette jolie virée, j’ai juste passé un très bon moment sur le vélo de jour comme de nuit entre terre et mer. Je suis au final le 6e coureur à boucler la trace Gravel derrière 5 sacrés bolides mais peu importe, pas de classement officiel sur ce GravelMan, seul le plaisir compte. Asphalte ou tout-terrain, 120 ou 350 kilomètres, un ou deux jours, chacun son rythme, chacun son aventure mais une seule chose en commun avec la fierté d’avoir relevé un joli défi, tel est la définition de « GravelMan ».
Alors si vous n’avez pas encore vécu l’aventure, rendez-vous le 15 avril en Italie pour le GravelMan Tuscany ou le 13 mai à Murol pour le GravelMan Auvergne.
Infos et inscriptions : www.gravelmanseries.com
Voir aussi : GravelMan Series, articles précédents
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Super récit de course !! Le mien est bien plus soft, j’étais sur le 362 km route (6 km de rerouting avec le GPS…). Bravo de l’avoir fait en une seule fois. Arrêtée pour la nuit à Binic au km 192 vers 20:30. Départ 6:20 le lendemain et arrivée à 17h00. Bravo à toi et merci de partager ton aventure ! Nelly
Super récit d’un périple mémorable
Moi j’ai fait une petite pose de nuit à Étables-sur-Mer pour rejoindre l’arrivée en début d’après-midi
Je l’ai vécut un peu comme toi en moins rapide et sans problème d’éclairage, depuis mes précédentes avaries sur mon premier BTR j’ai maintenant un moyeux Dynamo, la liberté
Au plaisir de te relire ou de faire un bout de chemin avec toi sur une autre aventure