Cyclisme en terre inconnue 

Méconnu, le cyclisme Haïtien ressurgi depuis une dizaine d’années. Dans un pays magnifique, une poignée de passionnés tente de maintenir une activité avec l’espoir de voir un jour une organisation structurée.

Haïti, terre de contrastes… 

15 h, centre ville des Cayes, à 160 km de Port au Prince, la rue se remplit doucement au son des klaxons des mobylettes et des éclats de voix des badauds. Les annonces d’une course cycliste ont vite fait le tour de la ville mais comme à l’habitude, tant que rien ne se voit, personne n’y croit. Les premiers cyclistes arrivent, de tous les cotés, des « 4 chimins ». Certains viennent des Cayes et alentours, d’autres ont fait plus de 100 kilomètres pour venir, en voiture ou à vélo pour certains, les jours précédents.

Des jeunes, ou moins, le peloton se forme et les coureurs s’agglutinent autour des commissaires, qui faute de tenue officielle tentent de se distinguer des autres via un t-shirt remarquable ou une casquette. Même le reporter d’une petite radio locale, dont le départ est donné devant la station, met la main à la pâte pour faire émarger les coureurs.

Une feuille officielle, le dos d’un arbitre et le tour est joué, les voici notés pour le grand prix, pas le premier, pas le dernier, mais toujours unique.

D’un seul coup, les spectateurs affluent. On vient des quatre coins de la ville et la course va clôturer la semaine. Certains préparent cette compétition depuis des jours. Le tremblement de terre de 2010 et les élections ont mis en stand by l’organisation de courses dans le pays. Ce sport, si populaire juste derrière le football tient sa notoriété de sa proximité. Il passe dans les villes et les villages et galvanise les foules.

Nous sommes dimanche après-midi mais la rue est pleine, comme un jour de semaine. Quelques marchands ambulants s’approchent et vendent des sachets d’eau ou à manger pour les héros du jour qui dans quelques minutes prendront le départ d’une épreuve d’un peu plus de 70 kilomètres. Le parcours est énoncé, il y a du bruit, de l’agitation mais tout le monde est prêt. Nous prendrons donc la direction de Port au Prince sur une route très vallonnée et fréquentée, pour revenir et terminer dans le centre ville sur le boulevard principal.

40 coureurs et autant de motos

Les motos et les voitures s’affolent. Dans un joyeux vacarme le peloton décolle précédé des voitures officielles et suivit d’une quantité incroyable de petites motos. Des badauds, des supporters, des « taximoto » suivent la course et leurs champions. Rapidement la course se décante après quelques pannes mécaniques et quelques accélérations dans les premières petites côtes. Les plus costauds se retrouvent à l’avant et se marquent durant toute la partie en ligne, sous les yeux des nombreux suiveurs dont les pronostics fusent.

Haïti a subit la déforestation mais conserve des paysages à couper le souffle dans les montagnes du sud. On trouve des sommets à environ 1000 mètres alors qu’un peu plus loin les points culminants dominent à près de 2 700 mètres.

Dans les collines en direction de Cavaillon, les attaques se succèdent mais le groupe de tête a du mal à se disloquer. Les paysages sont superbes, sauvages, vierges et au loin on aperçoit des habitations, des villages des champs alors que nous avons perdu de vue depuis un moment la mer des Caraïbes. C’est une fois sur le boulevard que tout se joue et au sprint Fifi Jeunord règle ses compagnons d’échappée. Porté en héros, tout comme son vélo, le vainqueur du jour raconte sa course. Le cyclisme est international et quoi qu’il arrive, les récits sont toujours les mêmes avec d’un coté ses proches et de l’autre les supporters des coureurs du coin.

« Les grandes lignes droites traversent les montagnes du sud superbes, sauvages et vierges »

Il est 18 h 30 et la nuit commence à tomber dans le centre ville des Cayes. Jean Samuel, mécanicien dans le civil, partira vers 1 h du matin après quelques heures de sommeil avec ses co-équipiers vers Petit Goyave à 130 km de là. Lui en moto pour éclairer les autres en vélo. Rendez-vous à 7 h demain matin au garage, pour démarrer une nouvelle semaine de boulot.

La course se termine par un circuit sur le boulevard principal des Cayes.

La belle histoire du cyclisme Haïtien

Nous n’avons hélas pas trouvé beaucoup de documentation mais le cyclisme a toujours été populaire en Haïti et souvent relaté à l’oral. Longtemps numéro 1, il est passé derrière le football pour des raisons économiques. Il a su capter l’attention de toute la population grâce à sa proximité et ses valeurs nobles. La politique s’en est aussi emparée un temps. De nombreuses courses étaient organisées durant les années 60, 70 et 80 et la Fédération Haïtienne de Cyclisme envoyait ses coureurs dans de nombreux pays pour des participations à des courses internationales.

Mais différentes crises ont mis à mal l’organisation des courses cyclistes dans le pays.
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010, avec les conséquences que l’on connaît a fini de mettre à terre le petit monde cycliste Haïtien. Une grande partie des cyclistes cherchant à se reloger, à trouver du travail et à se reconstruire. Pourtant, beaucoup pratiquent dans la dizaine de clubs connus. Peu de matériel entre dans le pays. Mais la majorité des vélos viennent des circuits de distributions américains ou via l’humanitaire.

Aujourd’hui quelques courses sont organisées et la Fédération tente de se structurer autour d’une trentaine de membres actifs avec une motivation grandissante mais très peu de moyens.

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