La Grande Traversée du Jura

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Découverte de la GTJ à VTT

Entre Combes et Cluses, au pays de l’or vert…

« On ferait bien quelque chose qui sort de l’ordinaire !« . Et la communication se termina sur ces quelques mots. Depuis quelques temps une idée me trotte derrière la tête : le Jura, et sa fameuse grande traversée. Seul, en groupe, en autonomie ou non, les options sont nombreuses…

Texte et photos : Camille Blanc

On dispose de 5 jours pour rouler, 2 jours pour la logistique et le transport. Qu’a cela ne tienne, 3 jours plus tard je rappelais François en lui proposant un programme copieux : la GTJ en 5 étapes. Il n’eut guère le choix de décliner l’offre et quelques minutes suffirent pour enrôler Sébastien dans l’aventure. Le trio constitué, les étapes mises au point, les gîtes et le transport des sacs réservés, nous voici au matin du départ.

Une première journée dédiée au transport. Il nous faut rejoindre le Jura, et plus précisément le lieu d’arrivée de la GTJ, Hauteville-Lompnes (prononcer « lône »), prendre le train à partir de la gare d’Ambérieux-en-Bugey pour rejoindre Montbéliard et finalement Mandeure, le départ de la GTJ. Une nuit de sommeil, un début de matinée pour préparer les sacs qui nous suivront d’un hébergement à l’autre par voiture et nous voila prêt pour les premiers coups de pédales.

BD_GTJ_Départ Théatre Gallo Romain

étape 1 : Mandeure-Goumois – 64km / 1800m D+

Après un tour au théâtre gallo-romain de Mandeure, le deuxième plus grand d’Europe, nous nous élançons sur le tracé. Le fléchage est bon et le restera globalement lors de toute l’aventure. On croisera rapidement un couple de hollandais ayant déjà parcouru 900km à pied depuis l’autre pays du fromage ! Ca monte, on était prévenu. La pluie sur les racines et les cailloux rend le terrain glissant. On cassera une chaine dès les premiers kilomètres avant de rejoindre Pont-de-Roide à travers les pâturages. De là, on entamera une belle ascension jusqu’au Fort des Roches. Cette batterie militaire fait partie de la ligne de fortifications militaires reliant la mer du Nord à la Méditerranée et fut érigée après 1870. L’histoire française se retrace tout le long de cette étape. Plus loin, la Tour Carrée, et un mémorial à la mémoire des maquisards du Lomont.

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On entre dans l’appellation Comté. Les Montbéliardes et Simmentals françaises, sont les deux races de vaches propres à l’AOC. Elles seront nos uniques spectatrices lors de ce périple. Pas farouches, elles feront guère attention à notre passage, bien plus occupées à brouter l’herbe des verts pâturages. Le tracé oscille entre chemins et sentiers avec de nombreuses racines et roches glissantes. On traverse de nombreux pâturages. Une belle cascade s’offrira à nous lors d’une descente et nous passerons non loin d’une grotte. Vers 17h, nous assisterons au regroupement des vaches pour la traite avant de descendre en direction de Goumois par un superbe sentier technique avec de nombreuses ravines assez piégeuses. En bas, on longera le Doubs, côtoyant les pécheurs à la mouche, les hérons cendrés et autres busards Saint-Martin. Goumois est une coquette ville frontière franco-suisse coupée en deux par le Doubs. On passera la nuit en gîte, et apprendrons que les suisses frontaliers viennent reposer en paix en France car l’inhumation est gratuite.

GTJ_Frontière suisse à Goumois_V2 GTJ_Le Doubs à Goumois_Vertical_V2

étape 2 : Goumois-La Perdrix – 73km / 1960m D+

L’étape débute en Suisse ce qui nous permet d’inscrire notre aventure à l’international. On longera le Doubs sur de superbes sentiers techniques en remontant le stade de slalom olympique pour les compétitions de canoës kayaks. Le sentier chemine au fond de cette cluse avant de remonter brutalement.

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On prendra alors 800m de D+ sur 15km.
A mi-chemin, lors de l’ascension, on jouera les funambules dans les renommées « Echelles de la Mort ». Voyez ici une succession d’échelles de 20, 15 et 3 mètres que les bricotiers, trafiquants audacieux et lourdement chargés, gravissaient au péril de leur vie. Autrefois en bois, elles sont aujourd’hui en métal et bien solides.

GTJ_Echelles de la Mort, ancien passage de contrebande_V2 GTJ_Echelles de la Mort_Vertical_V2

Au sommet, la pente s’inverse et en dévalant un chemin rapide nous apercevrons des chamois. Craintifs, ils ne seront que d’éphémères compagnons.

DSC_0902 - Cluse formÇe par le Doubs au niveau des Echelles de la Mort _GTJ_Echelles de la mort

Plus loin, on traverse un pâturage sur 15 km avec pas moins de 18 passages de clôtures (attention aux glissades sur les barreaux métalliques) ! Les Montbéliardes regarderont la petite troupe passer et s’enfoncer dans les sapinières qui parsèment le parcours.

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Un poulain Comtois viendra faire un bout de chemin avec nous. Petit, peu craintif, mais déjà rudement musclé à en faire pâlir un selle français, on comprend bien pourquoi cette race de cheval est utilisé pour de l’attelage et du débardage. Le tracé plonge une nouvelle fois dans les gorges du Doubs par un chemin glissant et technique. La précision du pilotage est nécessaire pour ne pas partir à la faute et finir coincé entre deux arbres. On arrive alors au majestueux « Saut du Doubs ». Une chute de 27 mètres d’une splendeur étincelante. Un plongeur du coin venait s’entrainer du haut de dantesques plongeoirs que l’on aperçoit de part et d’autre de la cascade (40m pour le plus haut).

GTJ_Saut du Doubs_V

Vététistes, attention, le site est piéton, et même si vous êtes seul, il convient de mettre pied à terre sous peine de déferler les rages d’un Cerbère qui monte la garde. Puis on remonte et redescend vers Morteau à travers une magnifique forêt. On ne vous fait pas de détails sur la spécialité locale, il est préférable de la déguster plutôt que d’en faire un long discours. On remarque, parsemés sur le territoire, les fameuses « tués », sortes de cheminées à fumée pour sécher et fumer les charcuteries de la région. Après quelques fortes montées, on parvient à l’Auberge de la Perdrix, perdue au milieu de nulle part sur un départ de pistes de ski de fond.

étape 3 : La Perdrix-Chapelle des Bois – 85km / 1890m D+

On repart au petit matin par une belle descente rapide. On croisera les Montbéliardes qui rentrent de la traite. Pas farouches, elles s’approcheront jusqu’à lécher mon objectif le prenant surement pour la dernière glace à la luzerne.

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On file sur Pontarlier, c’est le jour du marché. Un petit détour pour aller humer les bonnes odeurs qui émanent des étalages. On passera un peu pour des extra-terrestres suscitant la curiosité des habitants : « Mais qu’est ce qu’ils viennent faire la dans cet état ? ». Bavardages en tous genres, on s’explique sur notre aventure, l’ambiance est bonne dans cette ville. Il est temps pour nous de prendre de la hauteur et de quitter la ville par une montée infernale sur un single technique. Sur les hauteurs, une magnifique forêt de sapins et quelques pâturages parsemés ici et là. Au loin, un Patou garde son troupeau. Son aboiement puissant n’invite pas à aller lui chatouiller le museau. La pente s’inverse et nous voici rapidement au Fort Mahler (19ème siècle) duquel on embrasse un magnifique panorama où trône le Château de Joux sur son éperon rocheux. La descente se poursuit par de nombreux lacets enchainés à haute vitesse en prenant tout de même garde aux vaches qui par endroits monopolisent le sentier. Une fois la cluse de Joux ralliée, une belle montée nous attend. Puis on enchaine les passages en sous bois pour rejoindre Metabief, la capitale du VTT. Ici, lorsque le télésiège fonctionne (ou alors prévoyez de bonnes jambes !), il est possible de monter jusqu’au Mont d’Or pour en admirer le panorama et profiter d’une descente technique, avant de rejoindre la ville de Mouthe. Cette ville est considérée comme la petite Sibérie française. Le record officieux de température la plus basse serait -44°C. C’est ici que le Doubs prend sa source. Cette majestueuse rivière qui a façonné les paysages et que l’on suit tel un fil d’Ariane depuis le début de l’aventure s’offre à nous à travers quelques filets d’eau.

_GTJ_La source du Doubs

Plus loin, traversant pâturages et tourbières, isolés de toutes civilisations, un troupeau de moutons munis d’entraves s’offre à nous. Les pauvres bêtes, telles des bagnards portant leur fardeau sont bien embêtés avec ce dispositif leur empêchant la fuite à travers les clôtures.

_GTJ_Moutons bagnards

On contournera le tremplin à ski de Chaux Neuve avant de s’enfoncer en forêt et rejoindre Chapelle des Bois à travers des paysages d’ailleurs. Chapelle des bois, village perdu au bout du monde, niché au pied du mont Risoux non loin de la frontière Suisse, dégage une ambiance particulière. 200 habitants, de magnifiques fermes toutes plus grandes les unes que les autres et de nombreux gîtes. On apprendra rapidement que le secteur est un haut lieu du ski nordique. Notons d’ailleurs que notre gîte d’étape « La maison du Montagnon » est un must. Un accueil chaleureux, de quoi laver les vélos, un séchoir pour les affaires et un dîner convivial, simple et délicieux. La soirée, en compagnie de nombreux randonneurs, finira autour d’une petite mirabelle d’un certain âge, chacun narrant ses aventures et découvertes.

étape 4 : Chapelle des Bois-Giron – 77km / 1910m D+

C’est sous un soleil estival que nous débuterons cette étape. Le thermomètre, encore un peu endormi reste un peu fébrile sur la température annoncée. Très vite, on surplombe le lac des Mortes, superbe étendue d’eau entourée de tourbières. Le panorama est magnifique, les hirondelles nous offrent un spectacle de haute voltige, et nos fameuses Montbéliardes, placides, dégustent avec appétit l’herbe verte des pâturages.

_GTJ_Lac des Mortes

Fini la rêverie, nous sommes au pied d’une belle montée et nous rejoindront Les Rousses en sous bois par un sentier technique. On retrouve ici une belle animation, vous êtes à la capitale du ski Jurassien. Après avoir longé le fort des Rousses, on plonge vers la cascade de Prémanon puis remontons de l’autre côté de la cluse par un sentier escarpé. Plus loin, après avoir traversé une belle forêt et côtoyé quelques bucherons, on rejoint Lamoura.

_GTJ_Descente sur les Rousses

Pendant notre pause déjeuner (Comté of course !) face aux pistes de ski, ancien départ de la Forestière, Dixie, la chienne du bar, viendra nous glaner quelques croutes de fromage. Adorable et bien élevée, il nous a été impossible de refuser. Le tracé continue en dents de scie vers Lajoux. Sorti du village, une belle montée nous attend. On fera une petite boucle à travers forêts et pâturages, rappelant par endroit, la verdure d’Ecosse, avant de rejoindre les Moussières. Ici, arrêt obligatoire à la fruitière pour faire le plein de Comté, ou plutôt de Bleu de Gex, l’appellation du territoire. Les mots sont de trop, les papilles parlent d’elles mêmes ! A partir de la Pesse, on grimpe jusqu’à la borne au Lion. D’ici un point de vue superbe avant d’effectuer la dernière descente de l’étape. Attention aux vaches, ne laissez pas votre vélo n’importe où, elles sont bien curieuses. On a failli revenir avec une roue en huit ! On poursuit et dégringole 600m de dénivelé par une piste forestière, puis un sentier à flanc de falaise offrant un beau point de vue à hauteur de la Roche Fauconnière. Plus loin, arrivée à Giron, fourbu mais content de l’étape du jour.

étape 5 : Giron-Hauteville Lompnes – 79km / 2040m D+

Dernière étape mais pas des moindres. On quitte la station de ski de Giron et quelques bosses courtes sont la pour l’échauffement. S’en suit une descente très rapide jusqu’à la Voute où l’on franchit l’A40, l’autoroute des Titans. On quitte le Jura pour se diriger vers le Bugey. A partir d’ici, fini la rigolade, le profil des 30 prochains kilomètres prévoit du dénivelé positif sans interruption. L’ascension commence par une bonne partie de route avant de se perdre au fond d’une combe humide. On rejoint la route et franchit le col de Cuvéry. Plus de peur que de mal, cette montée passe relativement bien, les pentes ne sont pas extrêmes même si la distance peut effrayer. Au col, on prendra quelques libertés quand au tracé initial pour aller contempler les Alpes du point de Catray.

_GTJ_Point de vue de Catray sur les Alpes

Nous croiserons ici des vététistes aficionados du GPS qui, après s’être moqués de mon porte carte comme d’un instrument de l’ère préhistorique, nous ont avoué s’être perdus au fond d’une combe avec leur joujou dernier cri. On remonte et on rejoindra la trace de la GTJ par le lieu dit « sur le Jay (ou Jet) ». On se retrouve alors sur le plateau de Retord, lieu de rendez-vous des mushers et leurs attelages la neige venue. En traversant les pâturages, dans les trouées laissées par la forêt, la vue sur les Alpes est magnifique.  Quelques échanges avec deux vététistes en sortie pour le week-end (on aura jamais vu autant de VTT que ce jour là !) et nous voilà rendu au crêt du Nû (1351m), point culminant de la GTJ. La descente s’amorce alors vers la petite station des Plans-d’Hotonnes. De belles courbes avec quelques portions techniques et cassantes et l’on aboutit sur une piste d’entraînement de ski-roues (ou rollerski) où les fondeurs préparent leur future saison d’hiver. Ca remonte, et plus loin, avant d’arriver au Jorat, on croisera des chasseurs sympathiques qui nous mettront en confiance : « Ne vous inquiétez pas, la battue est finie. » Arrivé au Jorat, au niveau du centre équestre, on entame notre dernier tronçon de la GTJ. Quelques soucis de fléchage qui n’inquiéta pas longtemps notre orienteur. On coupe à l’azimut et on rejoint un premier col. S’en suit la traversée d’une forêt par une route forestière avant de grimper au col de Cuvillat. Ici, on bifurque à gauche, l’arrivée n’est pas loin. En effet, on suit globalement une courbe de niveau du haut d’une crête sur une piste de ski de fond. Mais on est la proie de véritables montagnes russes et enchaînons une succession de grimpettes sèches suivies de courtes descentes. Les derniers kilomètres se font sentir. On longera quelques tourbières avant d’arriver au pied des pistes de La Praille, lieu d’arrivée final. L’Auberge du même nom nous accueillera pour la nuit et nous dégusterons une fondue jurassienne de qualité. On retrouvera la « civilisation » car bon nombre de locaux font le déplacement depuis Hauteville-Lompnes pour venir déguster les nombreux plats de la carte.

_GTJ_Point de vue de la borne au lion _GTJ_VTT_2 _GTJ_VTT_1

Environ 380km et un peu moins de 10 000m de D+, la GTJ, crée en 1992 est un grand classique de la randonnée itinérante à VTT. De Mandeure dans le Doubs jusqu’à Hauteville-Lompnes dans l’Ain, en traversant le Jura et le Parc naturel régional du Haut-Jura, vous découvrirez, lors de cette belle échappée dans les Montagnes du Jura, une multitude de territoires différents au cœur d’une nature riche et préservée. Le balisage est très bien fait, les chemins globalement bien entretenus, il est difficile de se perdre et finir en pâture aux Montbéliardes. Vous serez bien souvent en parfaite harmonie avec la nature, coupé du monde (attention aux ravitaillements !). En 5 jours, les étapes sont assez exigeantes physiquement et demandent une bonne préparation. Le tracé est tel que vous pouvez organiser la traversée en étapes plus ou moins longues selon votre convenance, en autonomie ou non. Côté difficulté, même si la trace est globalement roulante, certaines portions ludiques et techniques mettront du piment à votre aventure. Avec un temps humide, attention aux glissades sur les nombreuses racines. La traversée est praticable de mai à octobre (selon l’enneigement).

LA GTJ PRATIQUE

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•Infos, contacts, traces GPS : www.gtj.asso.fr

•Envisageable en autonomie ou en gîtes d’étape (transport des bagages possible entre hébergements)

•Guide des hébergements (très bien fait) sur simple demande à l’association des Grandes Traversées du Jura

•Carto-guide de la GTJ à VTT en 23 fiches individuelles avec toutes les informations pratiques pour organiser sa randonnée itinérante. Chamina Edition, www.chamina.com

•Gare de départ : Montbéliard / Gare d’arrivée : Ambérieux en Bugey (ou Tenay-Hauteville si vous êtes chanceux avec les horaires)

•Taxis (avec prise en charge des vélos) possibles pour relier l’arrivée au départ et vice versa. Coordonnées sur le guide des hébergements.

•Deux prestataires (Jura Randonnées, www.jura-rando.com, 03 84 42 73 17 et La Chandoline, www.lachandoline.com, 03 84 41 26 93) proposent des séjours organisés, mais vous n’aurez pas le choix des étapes.

_GTJ_Abri de la Charbonnière

 

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4 commentaires sur “La Grande Traversée du Jura”

  1. Fabuleux ! Je suis hélas trop vieux mais de telles images m ’ enchantent . Bravo et merci de votre précise honnête et sympathique narration. Vive le velo !

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